Bullshit… Le JSF en grève !

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Bullshit… Le JSF en grève !

Celle-là, ils ne nous l’avaient pas encore faite, les comploteurs anti-JSF : les 3.650 ouvriers de Fort Worth/LM qui fabriquent le JSF, ou F-35, ont décidé de partir en grève… Ne ricanez pas et n’imaginez pas un coup de pub des puissances maléfiques acharnées à la perte du plus grand avion de combat from here to eternity. Le conflit social est très sérieux et est présenté comme pouvant durer très longtemps ; il porte sur les décisions de la direction de Lockheed Martin de réduction, sinon de suppression des pensions des ouvriers. Les syndicats, qui ont décidé de proposer cette action qui semble être effective depuis lundi, sont décrits comme absolument “excédés”.

Loren B. Thompson, commentateur bien connu des intérêts de Lockheed Martin, prend une plume catastrophée pour annoncer la nouvelle, le 24 avril 2012, sur Early Warning  ; “catastrophée” certes, parce que c’est le développement du superbe programme qui est encore plus compromis.

«The continuous pressure from Pentagon policymakers on F-35 prime contractor Lockheed Martin to cut pension costs has finally borne fruit: workers at the fighter plant voted by a huge margin Sunday to go out on strike, citing proposed changes to pensions. Although the company offered members of the Machinists local at the west Fort Worth factory annual pay increases, a $3,000 signing bonus and various other inducements to accept a new contract, the rank-and-file were incensed by a proposal to restructure benefits and scale back pensions for any new hires. So even though controversy surrounding the F-35 fighter has already reduced planned production rates through 2017 by three-quarters, the union was so mad it voted to strike.»

L'agence Reuters, de son côté, confirme cette grève hautement sensible puisqu’elle interfère sur la production de ce programme dont on connaît l’importance et la nécessité pour le Pentagone, et aussi la destinée d’ores et déjà catastrophique. Le 24 avril 2012, Reuters publie en effet une analyse pessimiste de la situation, évidemment du point de vue social. On y distingue des conditions qui, à première vue et à moins d’une volte-face considérable de la direction ou des syndicats, peuvent nous mener loin dans l’interruption de la production du programme.

«Unionized workers on strike against Lockheed Martin Corp over healthcare benefits and pensions are prepared for a long work stoppage, a top union official said on Tuesday. Nearly 3,650 union workers walked off the job on Monday at the Fort Worth, Texas, plant where Lockheed builds the new F-35 fighter plane and at two military bases where it is tested.

»Paul Black, president of the local chapter of the International Association of Machinists and Aerospace Workers (IAM), said three earlier strikes in 1984, 2000 and 2003 lasted from two to three weeks, but union leaders warned workers that the current dispute -- focused on healthcare benefits and pensions – could take longer to settle. The last strike before those was in 1946. “These are pretty big issues. It may take more than just a two or three-week strike,” Black said in a telephone interview.“We're prepared to endure for the duration.”

»Workers in the union voted overwhelmingly on Sunday to hit the picket line rather than accept the company's "best and final offer," which called for an end to the defined benefits pension that current workers receive and a switch to a retirement account similar to a 401(k).»

Ce qui est remarquable dans le commentaire de Loren B. Thompson, c’est qu’on n’y trouver guère de fulmination contre les “travailleurs”, les syndicats, le droit de grève et ainsi de suite, comme ce devrait être le cas dans cet univers du libéralisme et de la productivité sans le moindre frein, et par conséquent la plus complète condamnation pour ces préoccupations d’un passé heureusement révolu où l’on s’intéressait encore au sort des sapiens de base. Au contraire, Loren B. porterait presque une plume attendrie, et dans tous les cas compréhensive, pour “les revendications des travailleurs”, comme dirait l’un ou l’autre candidat du premier tour des élections présidentielles françaises. Surprise ? Lisez donc, et vous y trouverez jusqu’à cette dernière phrase qui est une citation où l’on entend un dirigeant de l’industrie de défense observer, presque avec compassion et avec indignation, qu’à cause des contraintes du gouvernement, “quand vous voulez économiser de l’argent dans cette industrie, vous vous attaquez aux gens” (et cela dit, à la lumière du reste du commentaire, comme si l’interlocuteur de Loren B. avait voulu laissé entendre “vous êtes obligé de vous attaquer aux ‘travailleurs’”).

«In fairness to policymakers, it wasn't just pension benefits that led to the Fort Worth strike. Workers were also upset about other issues, like changes in healthcare coverage that would have resulted in them paying more for medical services – you know, the same change former defense secretary Robert Gates was proposing for military retirees as he departed public service. But the strike does raise a delicate political issue for the Obama Administration. Is it really fair to be pressing contractors to cut pensions and other personnel-related costs behind the scenes while presenting yourself in public forums as a big friend of organized labor? As Lockheed Martin chairman Robert Stevens ponders when to begin turning over responsibilities to his successor, he probably isn't eager to get in a fight with the Machinists union at the plant where his company's most important product is built. But the government customer wants the F-35 to be more affordable, and as a CEO at another big defense company once told me, “When you want to save money in this business, you go after people.”»

En effet, l’originalité de ce conflit qui peut, dans le climat décrit, devenir un très grave handicap de plus dans la catastrophe-JSF, c’est bien qu’il ne restitue pas l’argumentation du schéma classique du Système, du “patronat en train d’écraser le monde du travail”, en général en toute impunité. Dans ce cas, Loren B. Thompson, dont on sait qu’il est la voix parfaitement huilée de son maître (Lockheed Martin), s’en prend d’une façon déterminée et furieuse au gouvernement, c’est-à-dire au Pentagone. Pour lui, donc pour la direction de Lockheed Martin, ce sont les contraintes budgétaires extravagantes imposées par le Pentagone pour tenter de contrôler le prix de l’avion qui conduisent la direction de LM à une situation où il n’y a pas d’alternative, selon les us et coutumes du Système concernant la répartition des charges et des gains, que de s’en prendre aux droits des ouvriers.

Il s’agit donc d’apprécier la situation tel qu’elle existe, dans les conditions de ce conflit. Par conséquent, mettez les diverses hypocrisies de côté, et surtout la longue chaîne des responsabilités qui vous mène évidemment et immanquablement au Système, et appréciez combien la situation catastrophique du programme d’une part, la situation budgétaire générale et les contraintes sociales nationales qui vont avec d’autre part, conduisent à un affrontement féroce entre le Pentagone et son principal contractant dans ce programme. C’est une confirmation d’un climat dont on avait déjà relevé de nombreux signes. Il s’agit d’un exemple de plus de la fameuse situation de “discorde chez l’ennemi”, où l’on observe l’effet catastrophique de la conjonction antagoniste des diverses crises constitutives de la crise générale et centrale, – dans ce cas, la crise du JSF elle-même, en grande partie de la responsabilité de Lockheed Martin et de son allégeance au système du technologisme, et la crise de la direction politique US avec ses réactions devant la crise économique et budgétaire qui l’assaille. L’intervention rapide et alarmiste de Loren B., commentateur très écouté et indicateur précis de la situation du programme du point de vue de son constructeur, montre combien cet événement social fait craindre d’aggravation dans le destin du JSF.


Mis en ligne le 25 avril 2012 à 05H49