Brzezinski contre le lobby juif de Washington

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Zbigniew Brzezinski a fait des déclarations très nettes contre l’influence et le comportement du puissant lobby juif de Washington, l’AIPAC. La question aussitôt soulevée par cette intervention concerne ses implications pour le candidat Barack Obama, dont Zbigniew Brzezinski est proche.

Le Daily Telegraph du 27 mai fait état de ces déclarations.

«Zbigniew Brzezinski, a former national security adviser, said that the pro-Israel lobby in the US was too powerful, while the slur of anti-Semitism was too readily used whenever its power was called into question.

»Presenting a solution for the Middle East, he listed historical compromises that had to be made by Israelis and Palestinians but accused the American Israel Public Affairs Committee (Aipac) – the largest and most influential Jewish lobby group – of obstructing peace efforts.

»He said: “Aipac has consistently opposed a two-state solution and a lot of members of Congress have been intimidated and I don't think that's healthy.”

(…)

»Mr Brzezinski said “it's not unique to the Jewish community – but there is a McCarthyite tendency among some people in the Jewish community”, referring to the Republican senator who led the anti-Communist witch hunt in the 1950s.

»“They operate not by arguing but by slandering, vilifying, demonising. They very promptly wheel out anti-Semitism. There is an element of paranoia in this inclination to view any serious attempt at a compromised peace as somehow directed against Israel.”»

On sait que Zbigniew Brzezinski est présenté comme un conseiller de politique de sécurité nationale influent du sénateur Barack Obama. Certains l’apprécient même comme l’“inspirateur” de la future politique extérieure d’un éventuel président Obama, – ce qui est peut-être aller un peu loin. Aussi s’interroge-t-on aussitôt à propos de cette attaque lancée par Brzezinski contre le lobby juif à cause de ce qu’il juge être le comportement “maccarthyste” de ce lobby à l’encontre de Obama. S’agit-il d’une initiative concertée avec le candidat démocrate, Brzezinski s’étant chargé de dire tout haut ce que le candidat démocrate pense tout bas? C’est possible mais ce n’est pas complètement assuré, Brzezinski ayant l’habitude d’une certaine indépendance dans ses comportements. Il ne faut pas écarter non plus, inversement, l’hypothèse que cette appréciation des positions respectives des deux hommes permet à Brzezinski de dire certaines choses qui sont tout de même concertées avec Obama, et Obama pouvant ainsi s’en démarquer plus facilement si nécessaire. S’agissant des relations Brzezinski-Obama, il faut toujours laisser une marge d’incertitude au jugement qu’on pose sur l’éventuelle coordination et l’éventuelle similitude de jugement entre les deux hommes, s’abstenir de trancher trop nettement.

Cette réserve dite, il reste que ces déclarations de Brzezinski sont remarquables per se. Ce que dit Brzezinski sur l’influence et sur les méthodes de l’AIPAC est largement fondé, et cela différencie certainement ce lobby des autres organisations de cette sorte. En raison justement de cette influence omniprésente et souvent contraignante de l’AIPAC dans le monde politique washingtonien, cette intervention aussi nette d’un homme du statut de Brzezinski représente sans nul doute un cas remarquable. (Il est certain que l’étude très critique sur l’influence de l’AIPAC des universitaires John Mearsheimer de l’université de Chicago et Stephen Walt de Harvard, publiée en mars 2006, a fortement contribué à ouvrir l’appréciation critique du rôle de ce lobby. Sans cette étude et le bruit qu’elle a fait, il est probable que Brzezinskli ne se serait pas permis de telles attaques.)

De ce point de vue qui concerne cette fois l’appréciation générale plus que la tactique (les rapports Brzezinski-Obama), et en fonction du contexte politique présent, l’intervention de Brzezinski, aussi nette dans le contexte électoral, reflète sans aucun doute une réelle exaspération d’une partie de l’establishment (au moins chez certains démocrate mais peut-être aussi hors de ce parti) vis-à-vis de la situation établie par l’activité de l’AIPAC. Il est assez probable qu’on retrouve cette exaspération d’une façon plus générale dans l’entourage d’Obama, avec le candidat qui doit supporter les attaques et le soupçon systématique de l’AIPAC.

Enfin, la chronologie de ces déclarations n’est pas indifférente et marque un choix tactique de la part de Brzezinski. Il intervient contre l’AIPAC alors que la nomination d’Obama comme candidat démocrate est pratiquement acquise, ce qui écarte les risques d’interférences dommageables de l’AIPAC dans le processus des “primaires”.


Mis en ligne le 28 mai 2008 à 05H24