Bibi a exaspéré BHO, – fureur et épreuve de force

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Non, vous assure-t-on, cette fois les choses sont sérieuses. Cette fois, Obama a été, comme l’écrit Jonathan Freedland dans The Guardian (le 16 mars 2010), “réveillé” par la gifle de Bibi Netanyahou.

Quelques observations sur les divers éléments qui explicitent l’exaspération d’Obama, de son administration, de Washington en général. Quelques observations sur une des plus graves crises qui aient opposé les USA et Israël.

«Why would the Obama team have chosen to escalate a row they could easily have let fade away? “They weren't exactly looking for a fight,” says Daniel Levy, Middle East analyst of Washington's New America Foundation, whose ear is close to the administration ground. He notes that Obama is on the brink of passing healthcare reform – and hardly needs to distract attention from that most perilous of battles. The danger will be more acute if pro-Israel Democrats make a “linkage” between the two issues, demanding that Obama lower the pressure on Israel in return for their votes on the health bill.

»One explanation is the face-value one: that Obama was “incandescent with rage” at the one-fingered salute that greeted his deputy, and even more furious at Netanyahu's subsequent attempts at an apology. These insisted that Israel had every right to settle in East Jerusalem – but conceded that it was wrong to announce the fact while Biden was in town. This emphasis on timing was, says Levy, tantamount to saying: “I'm sorry I slapped you on Monday: next time, I promise, it won't be on a Monday.”

»There are other explanations for the US decision to hit back hard. One is that Obama is seizing on the Biden row to send a message to the Arab world: to show that he won't be pushed around by Israel. This view has been given extra traction by a Foreign Policy article reporting that a team of senior officers from US Central Command recently briefed the top brass at the Pentagon, declaring that Israeli intransigence was damaging US standing in the region, and that Arab leaders now deemed the US too weak to stand up to its Israeli ally.

»Just yesterday, in testimony before the Senate armed services committee, General David Petraeus, the commander of Centcom, echoed that message, arguing that the Israeli-Palestinian conflict posed a threat to America's interests, that it “foments anti-American sentiment, due to a perception of US favoritism for Israel”, and that "anger over the Palestinian question” aided al-Qaida and other jihadist groups in their efforts to recruit support. Such views have long been conventional wisdom among liberal critics of Israel, but to hear such talk out loud from America's most senior soldier in the field is breathtaking. Perhaps Obama has taken the Centcom warnings to heart and is trying to make amends.»

Freedland nous donne rendez-vous au début de la semaine prochaine, pour la convention de l’AIPAC à Washington, où Netanyahou devrait parler (mais sera-t-il là en personne ou sera-ce une allocution télévisée faite pour l’assemblée ? Incertitude); où Hillary Clinton parlera également… Là, nous aurons une bonne idée de la température de cette eau en pleine ébullition.

Notre commentaire

@PAYANT Voilà donc une chronique agitée… Observons l’intéressante remarque, selon l’expert Daniel Levy que cite Freedland, selon laquelle il pourrait y avoir un “lien” établi entre la crise actuelle avec Tel Aviv et le vote de certains démocrates, la semaine prochaine à la Chambre, de la nième version de la loi sur les soins de santé d’Obama, – ces démocrates, sur inspiration de l’AIPAC, conditionnant leur vote favorable à un apaisement de la réaction US contre Israël. C’est effectivement le genre de manœuvre vicieuse de l’AIPAC qui peut alimenter la fureur d’Obama, qui reste absolument persuadé que toute sa présidence se joue sur cette question des soins de santé, et qui croit toucher au but avec ce vote de la Chambre. «Le lobby pro-israélien, notait hier une source diplomatique européenne, est engagé depuis quelques jours dans une activité si frénétique dans cette affaire, qu’on à l’impression d’une intrusion directe de la querelle avec Israël, au profit d’Israël, dans les affaires intérieures les plus sensibles des USA, comme cette question des soins de santé. L’efficacité de cette sorte d'action a son prix, et peut revenir dans la figure de l'instigateur, avec des intérêts salés…»

Obama a donc perdu son calme proverbial. Les USA ont posé leurs exigences pour mettre un terme à cette crise, qui sont au nombre de trois. Les deux dernières (reprise des négociations avec les Palestiniens, discussions sur la substance, non sur la ferme) sont perçues avec espoir par Freedland, qui y voit une opportunité saisie par l’administration Obama, non seulement d’obtenir une amende honorable de Bibi, mais de relancer un vrai processus de paix. La première, qui est d’annuler purement et simplement le projet de construction du ministre Ramat Shlomo qui a mis le feu aux poudres, devrait normalement, si elle est rencontrée, pulvériser la coalition que forme le gouvernement Netanyahou en amenant le départ de ses alliés d’extrême droite, et discréditer durablement le Premier ministre, qui a toujours affirmé qu’il n’accepterait aucune restriction sur les constructions dans Jérusalem. Si l’on comprend bien: dilemme, épreuve de force et bras de fer, avec l’essentiel de la partie se jouant à Washington, au Congrès, ou bien au grand show de l’AIPAC, en attendant les épisodes suivants.

La montée aux extrêmes convient à l’un ou l’autre des acteurs (à Bibi Netanyahou, sans doute), mais elle est surtout inexorablement exigée par les événements. Plus encore, les verrous de l’affrontement s’avèrent sérieux, comme on le voit avec l’insistance qui est mise sur l’intervention du général Petraeus, notamment au Congrès, affirmant que les extravagances israéliennes mettent la vie des soldats US en danger. Effectivement, nous sommes dans des domaines de la communication où l’on ne plaisante pas, quelle que soit la valeur de l’argument. Les parlementaires dépendent non seulement de l’AIPAC, mais également de leurs électeurs (en novembre prochain, notamment), et entendre un général si expert en auto-promotion comme l’est Petraeus déclarer publiquement que le comportement israélien met en danger la vie des boys est un argument qu’on ne peut négliger. Petraeus engage avec lui tout le Pentagone, avec les généraux et les amiraux pour une fois complètement unanimes.

Alors, l’argument de Freedland est-il bon? Obama va-t-il user de cette crise pour faire céder Netanyahou, alors que cette crise interfère dans ses propres affaires d’une si désagréable façon? Tout cela est du bel et bon raisonnement. Le point essentiel à observer est que les partenaires-adversaires sont chacun acculés dans leur coin, certains avec un caractère imprévisible, donc qu’il y a vraiment fort peu d’espace pour la manœuvre alors qu’il s’agit justement de manœuvre. Le précédent évoqué par Freedland pour argumenter sa thèse, – les pressions de Bush père sur Rabin en 1991 pour forcer Israël à entamer ce qui devint ensuite le processus d’Oslo, affaire où l’on fut le plus proche d’un arrangement satisfaisant, – a sa valeur que l’on comprend bien. Il a aussi ses limites: en 1991, Bush père, tout auréolé de sa gloire du triomphe de la première guerre du Golfe, était dans une incomparable position de force, aussi bien à Washington qu’au dehors. Ce n’est en rien le cas d’Obama.

On ne dit certainement pas que cette affaire en restera là. Bien au contraire, les deux camps se trouvent de plus en plus embarqués dans la montée aux extrêmes, de plus en plus dans la position de ne pas vouloir, ni même pouvoir céder. La mécanique politique de montée aux extrêmes, qui est un caractère fondamental d’une époque et de sa psychologie politique collective plus que le produit d’un calcul de l’un ou l’autre, est quelque chose qui dépasse les acteurs de cette crise comme des autres en cours. Comme toujours, on offrira plutôt la perspective de l’imprévisible: plus la crise se radicalise, plus il est difficile d’en sortir d’une façon arrangeante pour l’un et l’autre, plus les possibilités de prolongements violents et brutaux, au-delà du contrôle humain, grandissent.

La main-mise israélienne sur une partie de la politique US, par le biais des manœuvres d’influence et de lobbying, nourrit une situation qui n’est pas supportable très longtemps lorsqu’elle s’exacerbe et devient si visible, si obscène en un sens, dans le climat de tension actuel qui ne cesse de se renforcer. Cette situation est à la fois alimentée par ce qu’elle est, et par les effets qu’elle produit. Elle vit de sa propre vie. Elle témoigne elle-même du scandale insupportable qu’elle représente.

Il faut bien admettre que nous sommes dans un moment intéressant et si intense à cet égard… Le système l’a voulu ainsi puisque c’est ainsi qu’il fonctionne, notamment avec ces situations d’interférences grossières, corruptrices et terroristes, dans les grandes affaires de politique des uns et des autres. Qu’il s’en arrange, – on lui souhaite bien du plaisir.


Mis en ligne le 17 mars 2010 à 06H56

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