BHO, le président qui s’excusait

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On a appris, sans surprise particulière, que le président Obama s’excusait auprès du public US et prenait toute la responsabilité de la défaite démocrate dans le Massachusetts. Le Times de Londres, du 21 janvier 2010, rapporte la chose.

«Mr Obama acknowledged last night that his bond to voters had weakened. “If there’s one thing that I regret this year is that we were so busy just getting stuff done and dealing with the immediate crises that were in front of us that I think we lost some of that sense of speaking directly to the American people,” he told ABC News.

»He said that Americans had become consumed by a “feeling of remoteness and detachment” from Washington. “That I do think is a mistake of mine,” Mr Obama added.»

Ce ne sont pas les premières excuses de Barack Obama pour la période, avec affirmation de sa propre responsabilité. Entre la fin décembre et le début de janvier, il s’est excusé de la même façon pour l’échec des services de sécurité à identifier et à prévenir l’“action” ratée de l’apprenti-terroriste PantaBomber du vol 253 du 24 décembre 2009 et pour l’échec sanglant des services de renseignement US, conduisant à l’attaque contre une base de la CIA, le 29 décembre 2009 en Afghanistan.

Notre commentaire

@PAYANT …Ainsi est-il hors de question de dénier à Barack Obama la vertu de la lucidité dans la responsabilité affichée, voire revendiquée. BHO s’excuse et ne cesse plus de s’excuser, nous offrant ainsi un raccourci saisissant de sa première année de direction présidentielles, de sa politique “hésitante” explorant des directions prometteuses, jusqu’à son rangement automatique dans les normes du système avec ses décisions de l’automne 2009 trahissant complètement ces orientations prometteuses, tout cela confirmant l'orientation illustrée par le sauvetage de Wall Street. Cette attitude remarquable correspond assez bien à la thèse de l“énigme vide” – mais l’énigme subsistant tout de même, paradoxalement – dont nous nous faisions l’écho le 19 janvier 2010.

Cette tendance de BHO à “s’excuser” alimente un débat intéressant. Elle semble si forte, si irrésistible dans son comportement, qu’on arrive au point qu’on ne sait plus ce qui est le plus vertueux finalement. La vertu se trouve-t-elle dans la lucidité de la reconnaissance de la responsabilité dans telle et telle situation ou bien se trouve-t-elle dans le fait de l’excuse elle-même qui semble finalement le moyen de l’institutionnalisation de sa responsabilité présidentielle? En d’autres termes, BHO existe-t-il en tant que président au travers des catastrophes qu’engendre sa direction, preuve évidente que cette direction a un effet, preuve évidente enfin que cette direction existe, preuve évidente enfin qu’il est bien président et qu’il agit en tant que tel?

Les explications qu’il donne pour la défaite du Massachusetts sont si évidentes qu’un enfant de 5 ans aurait pu effectivement les balbutier rien qu’à l’écoute des centaines de $milliards tombant dans l’escarcelle des banques qui furent elles-mêmes la cause des catastrophes qui les mirent à genoux, cela avec le contraste de la population expulsée de ses habitations, réduite au chômage, etc., sans qu’on s’en préoccupe vraiment. Ce qui est remarquable, c’est que BHO ne s’en soit pas avisé avant. Ce qui est particulièrement remarquable, c’est que BHO ne fasse pas suivre ses excuses de déclarations tonitruantes annonçant des changements extraordinaires. Il acte les erreurs du système, qui sont les siennes puisqu’il est complètement “homme du système” et qu’il les prend absolument à son compte comme un martyre s’immole à la charge de servilité qu’il assume, et il semble conclure: “Que voulez-vous, c’est comme ça…”

Le paradoxe de cet homme qui a finalement complètement choisi le système, est bien qu’il semble parfaitement comprendre les catastrophes engendrées par le système sans juger une seconde qu’il faille y remédier. Nous disons bien “qui a choisi”, car c’est plus que jamais notre conviction qu’Obama s’est constitué prisonnier lui-même, trouvant plus rassurant de se lover au sein du système que de le défier – ce qu’il pouvait faire évidemment, comme Franklin Delano Roosevelt l’a largement prouvé en 1933 (nous l’avons souvent dit et un lecteur le rappelait opportunément hier – voir “L’anti-FDR, et plus si affinités”).

Il existe une certaine liberté paradoxale dans la situation d’un dirigeant politique aujourd’hui, dans une situation de crise si profonde du système. Tenu par tant d’intérêts contradictoires, il n’est finalement tenu par aucun précisément et s’il veut se révolter il y a plus d’une tactique possible pour jouer tel centre d’intérêt contre tel autre, pour se ménager l’ouverture tactique permettant de conduire sa stratégie également paradoxale de déstructuration du système déstructurant. C’est évidemment ce que fit Gorbatchev à partir de 1985, agissant avec une extraordinaire rapidité et provoquant, par le désordre inattendu qu’il causait, des regroupements également inattendus où certains centres de pouvoir le soutinrent tactiquement (ce fut le cas du KGB) contre ceux qu’il attaquait, par attention spécifique pour leurs propres intérêts et par hostilité à certaines puissances concurrentes établies.

Tandis qu’Obama ne semble nullement envisager les choses de cette façon. Ayant choisi le système, il semble avoir choisi de s’y conformer absolument, mais avec l’étrange coquetterie d’en dénoncer les effets pervers au travers de l’affirmation de sa propre responsabilité. Cette séquence d’“excuses”, qui contraste avec l’attitude habituelle des politiciens américanistes tentant d’élargir les responsabilités aux manœuvres de leurs adversaires pour tenter d'expliquer que leur action était malgré tout exempte d'erreurs, nous conforte dans cette analyse qu’Obama est trop “homme du système” pour être l’homme qu’il faut au système dans les troubles profonds que ce système traverse. On comprend qu’en poussant ce raisonnement à sa limite, ce que les événements pourraient susciter, on débouche sur des situations où l’“homme du système” qui ne cesse de s’excuser en reconnaissant ses erreurs, et en ne les corrigeant pas, risque enfin d'exacerber la colère contre lui, c’est-à-dire contre le système, jusqu’à un possible point de rupture anti-système…

Ainsi, qu’annonce-t-il après cette défaite catastrophique du Massachusetts? Rien, sinon de vagues rumeurs sur telle ou telle ruse tactique pour faire passer malgré tout cette loi sur les soins de santé que tout le monde dénonce, y compris les démocrates. Il aurait pu annoncer la mise au pied de son secrétaire au trésor, ou de son conseiller Lawrence Summers (les architectes du “sauvetage” de Wall Street), pour marquer une tentative de rattraper “son erreur”. (Peut-être le fera-t-il et nous avouerons alors notre surprise, car il nous paraît bien trop prudent désormais, bien trop mesuré, pour de tels éclats – mais, dans cette hypothèse extrême il aura déjà perdu l’effet de la puissance de l’annonce, justement grâce à l’éclat, car alors cette décision aurait dû, pour être efficace, constituer le paragraphe suivant de ses excuses, dans sa déclaration d’hier.) A nouveau, BHO nous laisse l’impression qu’“il faudra faire avec” alors qu’il sait que la poursuite de sa politique conduira à une défaite peut-être remarquable du parti démocrate en novembre prochain, c’est-à-dire à une probable paralysie de sa présidence, c'est-à-dire, surtout, à une exacerbation renouvelée de la colère populaire, par conséquent avec des possibilités d’instabilité dans le pays. Constat objectif de la poursuite de la dégradation et des risques de rupture de la situation du système.

Cela admis, oubliant jugements, préjugés et mauvaise humeur, admettez que cette façon d’agir est peut-être la plus sûre pour mener ce système vers la catastrophe qu’il mérite amplement. Dans ce cas, l’“homme du système” devient effectivement un handicap peut-être mortel pour le système, à trop suivre les principes du système, sans le moindre esprit de résistance, pour ensuite reconnaître la catastrophe de leur application… Paradoxal, c’est-à-dire diablement “maistrien” au bout du compte. (Evidemment, sans intention de l’être, ce qui est la définition même de la chose.)


Mis en ligne le 21 janvier 2010 à 08H20

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