BHO, le président apostat...

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Il s’agit d’un éditorial du Washington Times. Ce quotidien, proche des neocons, résolument conservateur, déteste le président Obama. Le 10 novembre 2010, le journal publiait un éditorial sur Obama, en voyage en Asie, précisément lors de son passage en Inde. C’est bien sûr une critique du président, mais une critique très intéressante, – qui pose cette question, au travers du titre “Obama et le déclin de l’Amérique” : Obama croit-il dans le destin exceptionnel (“Manifest Destiny”) de l’Amérique ? On devine la réponse, certes, mais le cas mérite un commentaire…

«In India on Sunday, President Obama announced the decline of the United States as an economic power. “‘For most of my lifetime ... the U.S. was such an enormously dominant economic power ... that we always met the rest of the world economically on our terms,” he lamented. “And now, because of the incredible rise of India and China and Brazil and other countries, the U.S. remains the largest economy and the largest market, but there is real competition.” Always ready to underreckon our country abroad, the president concluded that the upside to this relative decline in U.S. fortunes is that “this will keep America on its toes. America is going to have to compete.”

»Mr. Obama ignores the fact that it was American invention, innovation and competitive spirit that gave the country its economic pre-eminence in the first place. Rather than lecturing Americans to get in the game, he would do better to reverse the anti-business political climate he has helped foster. […]

»The notion of American exceptionalism is not part of Mr. Obama's vocabulary. At the European summit of the Group of 20 in 2009, he quipped, “I believe in American exceptionalism, just as I suspect that the Brits believe in British exceptionalism and the Greeks believe in Greek exceptionalism.” To this president, “exceptionalism” does not refer to the uniquely American culture founded in freedom and pledged to the pursuit of human aspirations. To Mr. Obama, it is mere nativist subjectivity, in which every society thinks it is somehow “special.”»

Puis, après avoir rappelé une apologie de l’Amérique faite par l’une des plus brillantes philosophes de l’américanisme du XXème siècle, – Margaret Thatcher, pour ne pas la nommer, – l’éditorial termine en posant un diagnostic sans appel : cet homme n’est pas des nôtres… Littéralement, Obama n’aurait pas résisté à l’examen de la fameuse commission du Congrès (Chambre) qui exista entre 1938 et 1975 sur les “activités antiaméricaines” (House Un-American Activities Committee), commission inspiratrice du mccarthysme (bien que Joe McCarthy ait oeuvré au Sénat, mais seulement à partir de 1951)…

»Mr. Obama doesn't recognize this America. In place of liberty, he substitutes redistributionist notions of social justice. Rather than a single American nation, he institutionalizes differences for political gain. Instead of patriotism and pride, he promotes internationalism and guilt. America's decline is not the result of historical forces out of our control, but of condemning the history that brought the United States to its position of leadership. America will only resurge when it recaptures the moral image of the country as a land of individualism, opportunity and patriotism. That is an America Mr. Obama would rather do without.»

Notre commentaire

@PAYANT Il s’agit certainement de l’un des aspects les plus saillants, et les plus éclairant sans nul doute, de l’hostilité violente contre Obama qui est largement exprimée dans la droite conservatrice américaniste, et le plus souvent dans ce qu’on nommerait “l’Amérique profonde”. Considérée d’un point de vue rationnel, cette hostilité paraît souvent incompréhensible, tant la politique d’Obama paraît rencontrer nombre des grandes lignes de la politique américaniste classique, et même de la politique bushiste dans ce qu’elle a de plus brutal (ce que Harlan K. Ullman nommait la “politique de l’idéologie et de l’instinct, le 29 mai 2009).

(Au reste, on sait qu’il apparaît évident qu’à moins d’une rupture dont il ne veut pas, ou qu’il ne peut envisager, ou dont il n’a pas même l’idée, Obama est quasiment dans l’obligation de suivre une politique tout entière dictée par les pressions du systèmes, des centres de pouvoir et des forces qui l’animent, qui est justement cette politique définie par Ullman.)

Ce que nous dit l’éditorial du Washington Times, c’est qu’Obama n’apparaît pas, comme il devrait l’être, comme un “croyant” dans le caractère d’exceptionnalité de l’Amérique. Pour bien faire comprendre le cas, il n’est pas inutile, effectivement, de parler en termes religieux, puisqu’il s’agit effectivement d’un sentiment qui s’apparente à la foi. Le fait même, pour le président, de tenir pour un fait quasiment objectif le déclin de la puissance US, relativement aux autres puissances dans tous les cas, et de le dire nettement dans les terres étrangères, est effectivement considéré comme une sorte d’apostasie par rapport à ce qu’exige l’exercice de la fonction de président. Ainsi, Obama, quoi qu’il fasse comme politique, serait considéré comme un président apostat, sans doute en raison d’une personnalité d’hérétique par rapport à la religion de l’américanisme. Cette perception de trahison de la religion américaniste, par une personnalité nécessairement soupçonnée de ce fait de n’avoir jamais été un véritable croyant alors que la foi est la condition sine qua non de la fonction, nourrit tous les soupçons les plus divers, jusqu’à ceux qui paraissent les plus délirants (Obama est-il né aux USA ? Obama est-il musulman ? Obama est-il proche des terroristes islamistes ? Obama n’est-il pas “antiaméricain” ? Etc.) ; et, dans cette logique absolutiste, cette perception rendant ces soupçons en apparence délirants, beaucoup moins délirants qu’il ne paraissent. Ce genre de jugement totalement passionnel et irrationnel, incorpore bien entendu des composants divers, dont le racisme pris comme facteur protecteur de l’américanisme (tel qu’il fut pratiqué dans les années 1900-1930, avec une politique des quotas à l’immigration, diverses politiques internes radicales qu’on retrouva chez les nazis telles que l’euthanasie dans certains Etats de l’Union, ou des politiques natalistes de protection, etc.). Aucun argument rationnel ne peut être opposé à cette perception, à ce sentiment, y compris les actes mêmes du président ; la politique d’Obama serait-elle à la droite de celle de Bush que le soupçon existerait tout autant, construit et orienté selon les diverses théories passionnelles et irrationnelles qui sont toutes élaborées à partir de l’axiome d’une sorte de culpabilité originelle d’Obama.

Il y a donc un facteur fondamental, qui finit par faire prendre Obama comme bouc émissaire du fait même du déclin de l’Amérique. Le président Obama est le président apostat, c’est-à-dire le président du déclin et de la fin… Son destin, quoique très différent sinon contradictoire sous bien des formes par rapport aux normes des deux empires considérés, pourrait être rapproché pour le sens fondamental sinon métaphysique de celui de Julien l’Apostat (Flavius Claudius Julianus, ou l’empereur Julien II, 331-363, dont Gore Vidal a fait une magnifique biographie), dont la mort annonça la victoire définitive du christianisme dans l’empire de Rome et, du point de vue historique, la chute de l’empire romain. Il y a certainement une dimension d’au-delà et d’au dessus de la raison, – ce pourquoi nous envisageons le point de vue métaphysique, – dans ce jugement effectivement religieux qui émane des extrémistes de la religion américaniste à l’encontre de ce président.

…Ce qui nous conduit effectivement à signaler à nouveau le mystère que constitue la psychologie du président Barack Obama, malgré tous les jugements politiques qu’on peut d’ores et déjà porter sur lui, et qui sont des jugements incontestables d’échec. Il y a une énigme réelle dans cette distance qui a caractérisé la psychologie d’Obama dès qu’il est devenu un personnage connu, presque une indifférence du caractère pour les fondements de la tragédie de l’Amérique, de la puissance américaniste. Comme on l’a vu, cette attitude psychologique lui est mêmes reprochée par ses amis politiques, dans des termes souvent très violents. Malgré tous ses efforts, malgré toutes ses ambitions, Obama ne parvient pas à figurer d’une façon acceptable le véritable président américaniste de l’Amérique, c’est-à-dire, à côté de l’“homme le plus puissant du monde”, celui qui est également le grand’prêtre de la religion de l’américanisme. Cela n’a rien à voir, ni avec son intelligence, qui est considérable et bien au-dessus de la moyenne des présidents US, ni avec sa connaissance des mœurs politiciens américanistes, dont il n’ignore rien puisqu’il vient de Chicago qui est une ville célèbre pour ces pratiques. Même la dimension raciale ne suffit pas à tout expliquer, même si elle joue un rôle considérable… Tout se passe comme si l’on pouvait envisager que ce président apostat est aussi, sans qu’il en ait la moindre conscience, malgré tous les efforts politiques qu’il ferait, simplement par la résultante des événements et des traits de caractère, effectivement l’homme de “la fin de l’empire”. Il nous paraît assuré qu’Obama est ainsi perçu par une importante partie de la population américaines et des élites américanistes, pour une fois rassemblés dans une même perception. Cela implique une sorte de bataille sans merci puisqu'alors, se battre contre Obama reviendrait à se battre contre le déclin et la fin de l'Amérique ; cela implique, pour le niveau le plus bassement politique qui est largement gouverné par les tensions psychologiques, qu’aucune réconciliation n’est possible et que la seule issue est l’accentuation accélérée du désordre.


Mis en ligne le 12 novembre 2010 à 11H45