BHO et Wall Street

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Une question de plus en plus importante pour l’évaluation qu’on cherche à faire de l’administration d’Obama, et de Barack Obama lui-même, concerne les liens de cette administration avec Wall Street. Ces liens sont non seulement évidents, ils sont éclatants, à un point qu’on les dirait provocateurs. Les dernières révélations (voir notre Bloc-Notes du 6 avril 2009), qui ne sont d’ailleurs pour une part que des informations publiées officiellement, alimentent largement ces observations. Bien entendu, et d’une façon assez logique, nombre de commentateurs s’engouffrent dans cette brèche, qui est plutôt une ouverture béante, pour renforcer leur analyse d’un Obama pantin de Wall Street ou tout comme. C’est par exemple le cas d’une analyse, après d’autres du même site, de WSWS.org du 6 avril 2009. La présentation qui est faite de la duplicité d’Obama tend à le montrer dans une position d’enfermement “stabilisé”, dans le rôle de sous-fifre aux ordres de Wall Street.

Cette thèse est effectivement celle de l’influence verrouillée, “stabilisée”, de Wall Street. Après avoir détaillé les plantureuses nouvelles sur les diverses rétributions en 2008 de Summers de la part de firmes de Wall Street, dont Summers coordonne actuellement le “sauvetage”, puis détaillé le cas également significatif de nombre d’“agents d’influence” venus directement de Wall Street dans l’administration Obama, WSWS.org remarque:

«It is not new for leading figures from finance to be named to high posts in a US administration. However, there has traditionally been an effort to demonstrate a degree of independence from Wall Street in the selection of cabinet officials and high-ranking presidential aides, often through the appointment of figures from academia or the public sector. In previous decades, moreover, representatives of the corporate elite were more likely to come from industry than from finance. In the Obama administration such considerations have largely been abandoned.

»his will not come as a surprise to those who critically followed Obama’s election campaign. While he postured before the electorate as a critic of the war in Iraq and a quasi-populist force for “change,” he was from the first heavily dependent on the financial and political backing of powerful financiers in Chicago. Banks, hedge funds and other financial firms lavishly backed his presidential bid, giving him considerably more than they gave to his Republican opponent, Senator John McCain.»

C’est bien là ce qui est intrigant et inhabituel. Si les agents de Wall Street dans les administrations précédentes étaient plus discrets, c’était moins par bon goût et goût de la discrétion que par simple tactique évidente.

Nous parlons bien d’influence, sport qui s’apparente au lobbying, certes, qui en est la quintessence. Ce que nous a appris l’affaire Freeman à propos de l’influence, c’est la nécessité de cette discrétion. La règle d’or de l’influence (du lobbying), c’est justement de ne pas apparaître comme telle, comme le notait Justin Raimondo à propos de cette affaire: «They – the Lobby – have now been forced out in the open. “A lobby,” says Steve Rosen, the ringleader of the “get Freeman” lynch mob, “is like a night flower: it thrives in the dark and dies in the sun.” If so, then the Israel lobby is slated for oblivion, because as frenetically – and pathetically – as they tried to mask the centrality of their involvement, […] everybody knows it was really all about Israel and Freeman's contemptuous view of the “special relationship” which requires us giving Tel Aviv a blank check, moral as well as monetar…»

Les révélations sur les revenus des hauts fonctionnaires de l’administration Obama étaient prévisibles. Les chiffres ont été officiellement publiés conformément à la politique de “transparence” sur les revenus des hauts fonctionnaires suivie par l’administration Obama. On savait donc que tout cela serait connu. Dans le cas de Wall Street et d’Obama, cette “visibilité” grossière, presque ostentatoire, à un point où l’on parlerait presque de provocation, – est-ce le meilleur moyen d’exercer et surtout de verrouiller son influence dans le gouvernement? Afficher les montants de “corruption préventive” par Wall Street d’un Summers en 2008, est-ce une opération qui renforce le crédit d’Obama, dont justement Wall Street a besoin pour mener le cover-up de ses diverses opérations illicites à son terme, et pour être réinstallé dans toute sa puissance, – dans l’hypothèse où BHO est leur marionnette? Les Américains ne vont-ils pas finir par s’apercevoir de quelque chose, et le Congrès prendre peur une fois de plus à l’une ou l’autre occasion, comme il l’a déjà fait une fois, contre Wall Street?

Une réponse générale plausible à ces questions est simplement que ceux qui ont exercé leurs pressions pour orienter la constitution de l’équipe d’Obama ne se les sont pas posés. Ils ont agi, d’abord dans l’urgence de la crise (les élections et la constitution du cabinet Obama se sont faites en octobre-novembre), pour installer une influence massive à la Maison-Blanche, ensuite dans la certitude où ils se trouvent de ne pas être inquiétés à cause de leur puissance.

Dans notre analyse générale des possibilités de l'éclatement d'une crise interne à Washington, nous ne tablons sur la vertu de personne mais sur les erreurs, les lâchetés, l’aveuglement de la corruption, la suffisance de la puissance, la colère et la révolte dans certaines conditions extrêmes. Le climat actuel autorise à prendre ces réactions imprévisibles pour des facteurs pouvant jouer, à un moment ou l’autre, de manière imprévisible justement, un rôle politique essentiel. En temps normal, cette présence massive de Wall Street dans l’administration Obama serait anecdotique, – mais, d’ailleurs, comme on l’a vu, elle serait sans doute plus discrète et la question ne se poserait pas. Dans ces temps extraordinaires que nous vivons, elle constitue un risque évident selon les circonstances. Surtout, elle rend encore plus aiguë l’énigme que continue à constituer Barack Obama: effectivement un pantin ou bien un homme capable de se révolter à un moment ou l’autre?


Mis en ligne le 7 avril 2009 à 07H16

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