BHO choisit un antidépresseur massif pour sa dépression syrienne

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BHO choisit un antidépresseur massif pour sa dépression syrienne

Nous avons constaté ces derniers temps l’humeur dépressive (voir le 11 mai 2013) des USA et du bloc BAO vis-à-vis de la Syrie, notamment avec les doléances sévères de John Kerry (voir le 5 juin 2013) concernant la politique syrienne des USA depuis qu’a éclaté la crise en Syrie. Nous ne pourrons alors que constater que la nomination de Susan Rice à la tête du National Security Council (avec le complément de la nomination de Samantha Power comme ambassadrice des USA à l’ONU) peut se comparer à la prise d’un antidépresseur massif et brutal pour soigner cette “dépression syrienne”. Comme chacun sait, l’antidépresseur est une chose à utiliser avec prudence, sous surveillance médicale, et comme on devrait le conclure, le choix d’Obama apparaît pour le moins imprudent et dangereux, – à moins qu’il se soit trompé, qu’il ait pris l’Ecstasy pour un antidépresseur ? A moins qu’il s’en foute, d’ailleurs...

Rice a été ambassadrice des USA à l’ONU jusqu’à la vilaine affaire de Benghazi, qui a entraîné sa démission. Elle a été, à l’ONU, avec une constance rare, une représentante des USA agressive, parfois insultante, en général hystérique et utilisatrice déterminée d’une affectivité maquillée de beaux diplômes universitaires, enfin parfaite clone d’Hillary Clinton au sein du Conseil de Sécurité. Elle s’est notamment illustrée par des attaques insultantes contre la Russie. Power, qui va à l’ONU, est très proche de Rice, notamment dans ses conceptions humanitaristes qui font d’elle, comme Hillary-Rice, une liberal hawk ou une humanitarian hawk, au choix. (Mark Landkler, du New York Times, le 6 juin 2013 : «Ms. Power, who has written extensively about genocide, is closely allied with Ms. Rice on human rights issues.») Si on ajoute à ce duo la présence de Victoria Noland au département d’État après une rapide éclipse, passant du poste de porte-parole à celui, plus efficace et plus important, de directrice des affaires européennes et eurasiatiques (voir le 28 mai 2013), on arrive à un étrange trio de harpies déchaînées qui rappelle celui des années précédentes (Hillary-Noland-Rice) ... Étrange, veut-on dire, par rapport à l’inflexion que John Kerry veut donner à la politique US, à sa critique quasi-inflexible de tout ce qui a précédé, qui fut enfanté effectivement par le même trio.

Eric Draitser, analyste géopolitique à New York, donne un commentaire à Russia Today, le 5 juin 2013. Il mentionne certaines raisons politiciennes et intérieures de la nomination de Rice, puis les conséquences extérieures évidentes...

«First and foremost, it allows the President to present himself as oppositional to Republicans, as a Democrat willing to stand his ground and defend one of his own against political and personal attacks. This point is not to be underestimated as President Obama continues to be accused by principled progressives of collusion and collaboration with Republicans on deficit reduction, cuts to vital social programs and other austerity-related policies. Essentially, Obama is able to use Rice as a shield, deflecting attention away from his destructive economic and political policies in favor of the much more manageable “controversy” about Susan Rice.

»Additionally, by keeping Rice within the top leadership of the administration, Obama also is able to create the false dichotomy between African-American woman Susan Rice, and the almost entirely white male Republican Party. In so doing, Obama insulates himself and his administration further by adding the socio-cultural element into the equation; Obama forces white male Republicans to attack Rice and consequently, left liberals to defend her. This kabuki theater politics has typified the clever tactics of the current administration: playing to its strengths by using the Republicans as a foil.

»Of course, what should not be lost on readers is the fact that not one of the “harshest” attacks on Susan Rice has ever questioned the fundamental thinking that underlies her entire world-view: that the United States must use military force, hegemony, and coercion to maintain and expand its imperial posture and protect the interests of Wall Street, London, and the multinational corporations. Obama’s appointment of Rice is far more than a “defiant gesture,” it is a validation and ringing endorsement of the “humanitarian war” and “Responsibility to Protect (R2P)” doctrine espoused by Rice since the Clinton administration. It is an unequivocal affirmation of the “righteousness” of US-NATO’s savage war on Libya and continued destabilization and subversion of Syria. It is the proclamation of a continued and sustained neo-colonial presence in Africa. It is here that we can clearly identify the true significance of this appointment. »

Draitzer cite ces mots de Landler, dans l’article du NYT déjà référencé, où il est rappelé que Rice ne devra pas passer devant le Sénart pour confirmation de sa nomination : «It is also a defiant gesture to Republicans who harshly criticized Ms. Rice for presenting an erroneous account of the deadly attacks on the American mission in Benghazi, Libya. The post of national security adviser, while powerful, does not require Senate confirmation.» Landler, lui, cite ces mots d’Obama, lors de sa présentation de la nomination de Rice, – qui marquent un étrange contrepoint des déclarations dépressives de Kerry (mais entendent également signifier aux républicains qu’ils n’ont aucune chance contre lui s’ils entendent le critiquer, comme ils l’ont fait ces derniers jours, pour sa prétendue “mollesse” en politique extérieure type-interventionnisme humanitaire) : «With her background as a scholar, Susan understands that there’s no substitute for American leadership. She is at once passionate and pragmatic. I think everybody understands Susan is a fierce champion for justice and human dignity, but she’s also mindful that we have to exercise our power wisely and deliberately.»

Le florilège de Rice comme ambassadrice des USA à l’ONU est connue et relève effectivement, lorsqu’il s’est agi du veto russo-chinois du 4 février 2012, d’une dialectique proche de l’insulte que les Russes n’ont certainement pas oubliée. Le 5 février 2012w, Rice faisait ces déclarations à la radio nationale NPR : «Russia and China blocked a U.N. Security Council resolution that would have condemned the Syrian government for attacks against civilians. U.S. Ambassador Susan Rice said the United States was “disgusted” by the double veto.

»“The international community must protect the Syrian people from this abhorrent brutality,” she said Saturday. “But a couple members of this council remain steadfast in their willingness to sell out the Syrian people and shield a craven tyrant.” “We'll have to see if Russia and China, when they feel the full weight of the outrage of response to their actions in the region and in Syria, change course,” she says. “And if they don't, we will certainly look at every means at our disposal to increase pressure on Assad. His days are numbered. There's no question that this regime cannot endure. The only question is how many people will die before it ends.”»

Quelques mois plus tard, elle se signalait encore, après un nouveau veto russo-chinois, par son affirmation que les USA devaient suivre une voie absolument illégale selon les lois internationales, pour accomplir leur grande politique humanitaire (sur Alternet.org, le 21 juillet 2012 : «In the wake of the Russian and Chinese veto, US Ambassador to the UN Susan Rice said Washington would “intensify” its efforts “outside the Security Council” to bring pressure to bear on Assad, and assist “those in need.”»

Au vu de ces divers éléments, on est en droit de s’interroger sur la substance et l’orientation réelles de la politique des USA, si effectivement il y a orientation et substance. La nomination de Rice-Powell signifie-t-elle un durcissement de la politique syrienne d’Obama, et un acte que les Russes jugeront peu encourageant, sinon inamical ? Certes, on pourrait le penser et l’on ne s’en privera pas, en relevant aussitôt que la chose se produit au moment où Kerry reconnaît qu’il n’y a d’autre voie que celle de la diplomatie, qu’il faut arriver à réunir la conférence Genève-II, ce qui requiert la pleine coopération des Russes ; au moment, encore, où la Maison-Blanche ne cesse d’accueillir les nouvelles concernant l’usage du chimique par des fins de non-recevoir en affirmant que les preuves sont insuffisantes, pour ne pas se laisser entraîner dans l’amorce d’un engagement dans un processus d’intervention ; au moment où l’allié turc, si nécessaire pour son rôle dans l’usine à gaz des “Amis de la Syrie”, se trouve dans la situation qu’on sait...

Cela observé avec une consternation sans trop de préoccupation, tant la décision d’Obama s’inscrit bien, après tout et pour juger de plus haut, dans l’inconsistance entropique de la politique du bloc BAO, il ne faut pas du tout négliger l’aspect intérieur mis en évidence par Landler et repris par Draitzer. Il est très possible qu’il y ait une fine manœuvre d’Obama dans la volonté d’affronter, éventuellement de lancer une contre-offensive en direction des républicains par un mélange de provocation (Rice considérée comme une des principales fautives-coupables dans l’affaire de Benghazi) et de surenchère (Rice-Power, super-humanitarian hawks). On jugerait alors que cela pourrait diviser ces mêmes républicains, – les super-humanitarian hawks du type McCain-Graham pouvant après tout préférer abandonner l’affaire de Benghazi que le parti républicain tente d’exploiter au maximum contre Obama, pour ne pas affaiblir l’administration Obama au moment où le couple Rice-Power pourrait être soutenue pour faire pression, pour une politique agressive en Syrie. On en déduirait également qu’Obama est prêt à faire beaucoup de choses pour éviter qu’on poursuivre la guérilla dans le cadre des divers éléments du Scandalgate...

“Cela observé avec...”, etc., on rappellera finalement que tous ces sapiens divers qui s’agitent ne peuvent pas grand’chose, et pas plus un discours pompeux d’Obama sur le «no substitute for American leadership», pour changer la vérité de la situation en Syrie et alentour (laquelle est reconnue par Kerry, et proclamée par les militaires US). Les USA ne sont pas plus puissants avec Rice-Power et les forces armées restent au niveau qu’on perçoit à l’ombre de la séquestration, les rebelles n’en sont pas moins en position de retraite, les Turcs plongés dans le désordre et ainsi de suite. Par contre, l’arrivée du duo Rice-Power devrait encore plus convaincre Assad et ses alliés divers, notamment du Hezbollah, qu’il importe plus que jamais de pousser leur avantage. C’est-à-dire que nous ne sommes plus à l’époque où l’on faisait la politique qu’on voulait, en y créant les événements à mesure, mais celle où l’on ne peut faire que la politique qui est permise par des événements que plus personne ne contrôle et qui prennent un tour de plus en plus inquiétant pour “les Amis de la Syrie”.

Un dernier point à observer avec la nomination de Rice, c’est de constater qu’elle recèle une réelle aggravation des relations USA-Russie. La personnalité et le curriculum vitae de Rice, avec les insultes onusiennes, en sont une des causes ; une autre, plus précisément, est sa nouvelle position à la tête du NSC. C’est par ce canal qu’il contrôlait bien, avec Tom Donilon, qu’Obama a tenté ces derniers mois de lancer une “diplomatie personnelle” d’entente et d’accommodement avec Poutine. Donilon servait de relais de cette politique du côté US, et les Russes n’y avaient rien à redire... Peut-on voir, et croire que Rice jouerait ce rôle à la complète satisfaction des Russes ? On ne serait pas étonné si les Russes, et Poutine-Lavrov précisément, voyaient la nomination de Rice, dans ce cadre en plus de celui de la Syrie, comme un développement incompréhensible et irrationnel pour eux, et de toutes les façons hostile, qui enterre par avance toute possibilité de cette sorte d’accord que recherche Obama.

Le résultat net de l’opération est donc un peu plus d’impuissance, un peu plus de paralysie, un peu plus de désordre et de politique extérieure réduite à l’état de bouillie de chats, un peu plus de probabilité d'aggravation de la situation de désordre en Syrie et alentour, un peu plus de possibilités de heurt avec les Russes, un peu plus de discrédit des USA... On y ajoutera la possibilité, également, de désaccords au sein du gouvernement US, où ni Kerry, ni les militaires n’apprécieront nécessairement l’arrivée de Rice. Par contre, le ministre français Fabius, une fois informé par une petite fiche ou l’autre d’un de ses experts, y verra confirmation de son audace et de sa sagesse.


Mis en ligne le 6 juin 2013 à 09H49