Anonymous, maître du monde…

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Anonymous, maître du monde…

Russia Today (RT), qui suit très précisément les activités des hackers antiSystème, et notamment le groupe informel Anonymous, relaie l’essentiel d’une interview de Chris Doyon. D’une façon générale, Doyon est décrit comme une sorte de coordinateur du groupe, ou, comme l’exprime RT, – «…under the handle of Commander X, Doyon acted as a ringleader of sorts of the Anonymous collective, an operation described by its own participants as one that lacks leadership altogether».

Doyon s’est réfugié au Canada, dans un lieu non précisé. Il estime que le Canada n’aurait pas le courage politique de ne pas l’extrader si les autorités US le demandaient formellement, – au contraire de ce que faisait ce pays dans les années 1960, lorsqu'il refusait d'extrader les déserteurs US du Vietnam ; pour autant, il ne semble pas que les autorités canadiennes cherchent précisément à l’identifier et à le localiser actuellement. Doyon précise qu’il cherche un pays d’accueil en Europe, au titre de réfugié politique. («“[W]e’re in negotiation with several countries in Europe to try to get a permanent political asylum situation set up for myself as well as for any other Anons and information activists who might need it,” he tells Postmedia. “It’s too bad Canada will not find the political courage to protect information activists from America like they did in the ‘60s with the draft dodgers. That’s the reality of it, but they will probably not actively seek to track me down.”»)… Il ne serait pas étonnant que la Russie se mette discrètement sur les rangs, notamment dans le contexte de l’importance que les Russes accordent à ce que nous nommons la “guerre nouvelle” de communication qui est menée contre eux. (Les Russes considérant alors qu'Anonymous serait encore plus objectivement leur allié contre les USA et le Système, qui sont leur cible principale.)

L’essentiel de son intervention dans RT (le 14 mai 2012) est consacré à la position d’Anonymous, à ses ambitions, etc. D’une façon générale, il affirme la puissance des groupements de hackers et la relative impuissance des autorités du Système contre eux. Doyon rejoint, par exemple l’avis du FBI, tel qu’exprimé le 28 mars 2012 par le chef de la cyberguerre dans cette organisation : «The Federal Bureau of Investigation (FBI) is losing its battle with computer hackers, according to Shawn Henry, the agency’s top cyber cop. Henry said [...] that over the course of numerous investigations, the FBI has obtained the private data of corporations that were targeted by hackers, and that many business owners had no idea they’d been breached. “They are shocked and, in many cases, they’ve been breached for many months, in some cases years, which means that an adversary had full visibility into everything occurring on that network, potentially,” he reportedly said.»

Le propos central de l’intervention de Doyon concerne ce qu’il estime être la puissance sans égale du group Anonymous

• «“The entire world right now is run by information,” Chris Doyon tells Postmedia News from an undisclosed location in Canada. “Our entire world is being controlled and operated by tiny invisible 1s and 0s that are flashing through the air and flashing through the wires around us. So if that’s what controls our world, ask yourself who controls the 1s and the 0s”“It’s the geeks and computer hackers of the world…”»

• «“Right now we have access to every classified database in the US government. It’s a matter of when we leak the contents of those databases, not if,” […] “You know how we got access?” asks Doyon. “We didn’t hack them. The access was given to us by the people who run the systems. The five-star général, the Secretary of Defense who sit in the cushy plush offices at the top of the Pentagon don’t run anything anymore. It’s the pimply-faced kid in the basement who controls the whole game, and Bradley Manning proved that. The fact he had the 250,000 cables that were released effectively cut the power of the US State Department in half. The Afghan war diaries and the Iran war diaries effectively cut the political clout of the US Department of Defense in half. All because of one guy who had enough balls to slip a CD in an envelope and mail it to somebody.” “There’s a really good argument at this point that we might well be the most powerful organization on Earth. The entire world right now is run by information…”»

S’il est une déclaration avec laquelle nombre de services de sécurité du Système sont en accord, c’est bien celle que Doyon répète à deux reprises, exactement dans les mêmes termes : «The entire world right now is run by information…». Il s’agit là du facteur objectif de ce que nous nommons l’ère psychopolitique, dans laquelle le système de la communication a pris une place de premier rang, qui devient de plus en plus importante, jusqu’à supplanter le système du technologisme. La définition de la puissance se fait désormais selon des termes qui empruntent essentiellement au système de la communication, non seulement pour la manipulation, l’orientation ou l’instruction des esprits, mais aussi pour la formation et la perception structurelle de la réalité. La puissance du système de la communication est telle qu’on peut envisager l’idée que son intervention dans la perception de la réalité modifie la réalité elle-même, ce qui représente un changement fondamental par rapport à l’époque précédente où le système du technologisme comptait essentiellement dans la structuration de la réalité.

Comme l’on sait, le système de la communication a une caractéristique dite type-Janus, qui le rend beaucoup moins contrôlable par le Système, et qui en fait, dans certaines occurrences, un adversaire du Système. Cela est notamment dû au fait que le Système reste, dans sa composante économique, dans sa composante financière, dans sa composante militaire, etc., dépendant d’une façon essentielle du système du technologisme ; il y a concurrence avec cette situation nouvelle où le système de la communication représente l’élément constitutif essentiel de la puissance. Le cas d’Anonymous va dans ce sens, selon une logique de la fatalité, quelles que soient les références idéologiques ou politiques d’Anonymous, – d’ailleurs extrêmement vagues, avec un mélange d’anarchisme et de populisme universalistes. Par sa conformation, par la logique de sa formation et de son activisme, Anonymous ne peut être qu’antiSystème. La question de ses objectifs, de ses buts politiques et autres, n’a ici aucun intérêt. L’essentiel est la fatalité et la finalité antiSystèmes d’un tel regroupement, d’autant plus fortes qu’à mesure de son développement et de son action la place du système de la communication dans l’équation de la puissance se renforce, aux dépens du système du technologisme comme cela est logique, donc aux dépens du Système dont l’équation de la puissance continue à faire une place importante à ce système du technologisme. Le Système lui-même, qui reste lié au système du technologisme pour sa propre production économique, militaire, etc., est engagé bien entendu dans une course au développement du système de la communication pour contrer Anonymouset les groupes du même genre, autant que pour se renforcer lui-même ; mais il ne produit qu’une pérennisation de son infériorité puisqu’il n’est à aucun moment en position de profiter de cette puissance du système de la communication qu’il favorise, à cause de la prépondérance chez lui du système du technologisme, alors que les groupes typeAnonymous en profitent pleinement, à leur avantage. C’est dans ce contexte qu’on peut comprendre à la fois l’avis du FBI sur la victoire inéluctable des “hackers”, – Anonymous ou quoi que ce soit d’autre, – et la prétention d’Anonymous, exprimée par Doyon («There’s a really good argument at this point that we might well be the most powerful organization on Earth...»).


Mis en ligne le 15 mai 2012 à 12H52

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