Annus Horribilis? 2008? 2009?

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La chronique de fin d’année est incontestablement sous toutes les plumes, particulièrement pour la fin de cette année 2008 d’où nous émergeons groggys, incertains, angoissés, et avec la sensation d’être aveugle devant l’avenir. Arnaud de Borchgrave développe sa propre spéculation, avec l’habileté tactique de s’appuyer sur d’autres, deux historiens anglo-saxons, – ce 29 décembre pour UPI, sous le titre: Annus Horribilis 2009.

Donc, Borchgrave ne fait que s’appuyer sur deux textes; assez longuement sur un texte de James Fallows, dans Atlantic Monthly, texte déjà ancien puisqu’édité dans le numéro de juillet-août 2005 sous le titre Countdown to a Meltdown, qui anticipe la crise économique dont il place justement le tournant essentiel à l’automne 2008; et un texte plus actuel, de Niall Ferguson, dans le Financial Times du 27 décembre. Les deux auteurs font une sorte de “rétrospective prospective”; Fallows, qui écrit son texte en 2005, se place par anticipation en 2016, au cœur d’une équipe électorale US, ni démocrate, ni républicaine, qui va l’emporter en écartant pour la première fois depuis leur apparition les deux grands parti, et dont l’un des conseillers décrit pour le futur président les circonstances qui, à partir de 2001-2008, ont conduit jusqu’à cette situation inédite de 2016; Ferguson préfère se placer à la fin de 2009 pour nous raconter 2009, plutôt qu’anticiper ce que sera 2009 à partir de la fin de 2008.

Borchgrave oppose les deux prévisions pour les USA, l’une optimiste malgré tout (de Ferguson, inaltérable guerrier de l'“anglosphère”), l'autre pessimiste (de Fallows).

«In “Countdown to a Meltdown,” The Atlantic's James Fallows describes “America's Coming Economic Crisis, a look back from the election of 2016,” when the 46th president of the United States will be the first since before the civil war to be neither Democrat nor Republican.

»Once the run on the dollar started, predicts Fallows, a former Jimmy Carter speech writer and prominent journalist, everything seemed to happen at once. There was the lesson of the United Kingdom in 1992, of Mexico in '94, of emerging Asia in '97, of Russia in '98, of Brazil in '98, “and of the U.S. in 2009.”

»In “Chronicle of a decline foretold,” prominent economic historian Niall Ferguson, writing in the Financial Times, said though this was "the worst economic crisis in 70 years, many people remained in deep denial about it." Despite President-elect Barack Obama's soaring rhetoric, the markets sank lower, and “the contagion spread inexorably from subprime to prime mortgages, to commercial real estate, to corporate bonds and back to the financial sector.”

»Obama's new New Deal won't produce a miracle, Ferguson predicts, “but the federal takeover of the big banks and the conversion of all private mortgage debt into new 50-year Obamabonds signaled an impressive boldness" and the beginning of the end of the “Great Repression,” which substituted for “Depression.”

»“Clinching the recovery is Obama's decision to fly to Tehran in June, like Nixon's visit to China in 1972, symbolized (Obama's) readiness to rethink the very fundamentals of American grand strategy.” Al-Qaida's bungled attempt to assassinate Obama “only served to discredit radical Islamism and to reinforce Obama's public image as ‘The One.’” And America's world leadership is back in business.»

La conclusion de Ferguson est donc favorable aux USA, ce qui ne devra étonner personne, absolument personne. Mais Borchgrave n’en reste pas là. Il enchaîne son développement à ce point sur la prévision de Fallows, qui est, elle, beaucoup moins douce aux espérances américanistes. Fallows décrit une année 2009 Horribilis, puis 2010 idem, puis 2011, puis 2012 et ainsi de suite, toujours dans la même veine. D’où la conclusion de Borchgrave inspirée de Fallows…

«It is now glaringly obvious the United States no longer controls “its economic fundamentals.” Compared with the past, “America has become stagnant, classbound, and brutally unfair.” Compared “with the rest of the world, it's on the way down. We think we are a great power – and our military is still ahead of China's. Everyone else thinks that over the past 20 years, we finally pushed our luck too far.” […]

»The American disease is “the sense of sunset, decline, hopelessness.” Half the country's households live on less than $50,000 a year, he writes, “but a year in private college now costs $83,000, a day in a hospital $1,350, a year in a nursing home $150,000. Â… Eighty percent of the public is priced out of a chance for future opportunity.”

»Fallows' message is a wake-up call – and a roadmap for Barack Obama's New Deal.»

Il faut dire que l’exercice de la prévision est devenu, aujourd’hui, un exercice de haute voltige. L’année 2008, et la crise effrayante qui a explosé en septembre après quelques “explosions secondaires” annonciatrices, a prestement démenti, à mesure qu’elle se déroulait, toutes les prévisions conformistes des chroniqueurs assermentés. Il fallait aller chercher du côté des fous, des marginaux et des indépendants officiellement “pas crédibles” pour rencontrer des propositions qui se sont retrouvées dans tel ou tel événement de 2008.

L’art de la prévision se trouve donc soumis à rude épreuve, surtout lorsqu’il se conjugue avec le conformisme de l’establishment. Comment s’en sort-on? Il est intéressant de noter que la voie choisie, aussi bien de première main (Ferguson) que de seconde main (Borchgrave choisissant deux auteurs “prévisionnistes”) est celle de la “rétrospective prospective” plus ou moins héritée de la politique-fiction, de la prospective transformée en “rétrospective prospective” par la voie de la politique-fiction. Plus tard, il suffira de dire, avec un clin d’œil entendu, que c’était de la politique-fiction si rien n’est confirmé, que cette politique-fiction dissimulait de la prospective si 2009 confirme le propos.

Dans tous les cas, la dominante est, bien entendu et imperturbablement, la catastrophe sous toutes ses formes, avec comme point central de l’hypothèse catastrophique, les USA bien entendu et tout aussi imperturbablement. L’inconnu se trouve dans la façon dont les USA vont négocier cette catastrophe pour eux-mêmes, selon que ce sera les USA vainqueurs parce qu’aux royaumes des aveugles le borgne est roi (Ferguson), ou les vaincus, parce que les USA auront poussé leur chance trop loin (Fallows). Quant à Borchgrave, il se contente de dire que la main est à Obama, en lui souhaitant bon vent, avec la tempête comme “road map”…


Mis en ligne le 30 décembre 2008 à 12H15