Ah, au fait, Poutine a tiré du nucléaire ce week-end

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Ah, au fait, Poutine a tiré du nucléaire ce week-end

Le ministre de la défense ukrainien, le Colonel-Général Valery Geletey, vient d’effectuer un voyage en Pologne, chez les amis. Des journalistes l’accompagnèrent, pour recueillir précieusement ses confidences. L’une d’elles concernait l’aéroport de Lougansk, où des forces ukrainiennes avaient tenu bon contre l’encerclement des forces de Novorussia, avant, semble-t-il, d’en être délogées. C’est alors que Geletey expliqua la perte de l’aéroport par le fait que les Russes vinrent à l’aide de Novorussia en amenant un mortier 2S4 Tyulpan, avec au moins deux obus à charge nucléaire de 3 kilotonnes, puisqu’effectivement, toujours selon les précisions du Colonel Général, ils utilisèrent deux obus nucléaires de 3 kilotonnes, forçant la défaite ukrainienne dans cette bataille. «S’il n’y avait eu les Tyulpan [et les deux obus nucléaires, cela va de soi], nous aurions pu tenir l’aéroport pendant des mois et personne n’aurait pu nous en déloger». Voilà... Cela aurait dû être le Fort Alamo de la vaillante armée de Kiev-la-vertueuse mais l’immonde Poutine, bousculant toutes les règles de la civilisation et envahissant l’Ukraine une fois de plus, façon-Stealth, a tiré du nucléaire. Il y avait Hiroshima et Nagasaki (dont la destruction pourrait bien avoir été manipulée in vitro par une action de désinformation prémonitoire du futur bébé Vladimir Vladimirovitch), il y a désormais sur le banc de l’infamie Lougansk et ses deux obus de 3 kilotonnes.

L’affaire a fait tout petit bruit tant on a admis ici et là, en-dessus et en-dessous, etc., que son ridicule était tel qu’il risquait d’emporter à peu près tout des miettes de cohérence et de bon ordre qu’on retrouve encore dans l’Ukraine de Kiev, éparses, dispersées, orphelines... Russia Today n’a tout de même pas résisté, le 21 septembre 2014, à nous en faire un compte-rendu où le sarcasme côtoie les yeux grand ouverts d’ébahissement...

«The allegations, by Col. Gen. Valery Geletey, were first reported by Roman Bochkala, one of the Ukrainian journalists accompanying the minister in his recent trip to Poland. “So Russia did use tactical nuclear weapons against Ukrainian troops,” the journalist wrote on his Facebook page, citing Geletey’s words.

»The nuclear weapons in question are rounds for 2S4 Tyulpan self-propelled mortars. The journalist reported the minister as saying that Russia supplied some of those to rebel forces and used at least two 3-kiloton nuclear rounds in the battle for Lugansk airport. “If it were not for the Tyulpans, we could have been holding the airport for months and nobody would have ousted us from it,” the general was cited as saying...»

• Réactions diverses chez les Russes, de l’incrédulité à l’ironie, et jusqu’à la défense du ministre ukrainien (“non, il nous paraît impossible qu’un général ait dit une chose pareille...”).

«The allegations understandably provoked a small media storm in Ukraine and even comments from the Russian Defense Ministry, which expressed doubt that a general could actually have said it. If the minister did say all that, the Russians joked, then “the Ukrainian security service should investigate what the Polish friends slipped into Geletey’s glass.” “Speaking seriously, Geletey’s habit of justifying the failures of the punitive operation in southeastern Ukraine with the alleged actions of the Russian armed forces start to resemble paranoia,” the Russian ministry added...»

• Devant les premières réactions suivant ses affirmations, le Colonel Général ukrainien a songé à rétropédaler. Ses explications sont embrouillées, difficilement compréhensibles sinon inaudibles. Elles ont au moins l’avantage de donner du crédit à cette succulente et étrange histoire postmoderniste, dans la mesure où lorsqu’un ministre dément, essentiellement à Kiev, c’est que l’histoire impliquée nous a rendu compte d’une vérité par inadvertance. Impitoyable avec ses explications, Russia Today prend tout de même la peine de réduire à bien peu de chose l'argumentation “nucléaire” du ministre («The minister apparently is not completely honest, since direct access is not required to collect evidence of a nuclear detonation, even a small one»).

«The Ukrainian general himself later denied the nuclear allegations, saying that the journalist had misinterpreted his words. “Everyone knows that Russia is de facto using Ukrainian territory as a testing range for its new weapons,” Geletey wrote on his Facebook page. “What else than for testing did the Russians send 2S4s into our territory?” “I stress that only competent specialists armed with special equipment may test whether or not a nuclear or any other weapon that we don’t know of was used. In particular they need to take radiation samples on the ground. Unfortunately, we cannot do that because Lugansk airport is currently under control of the terrorists and the Russian military,” he added...»

• Les déclarations du ministre ont attiré des réactions à Kiev même, du côté du ministère de l’intérieur, sous la rubrique “à force d’être ridicule, le ministre de la défense va finir par ridiculiser l’Ukraine aux yeux de la Russie et du reste du monde”. Il semble en effet que le Colonel-Général, nommé à la va-vite en mai dernier pour tenter de redresser la situation militaire, n’en soit pas à son coup d’essai, du moins aux yeux du ministère de l’intérieur. Il s’agit d’une confirmation parmi d’autres, derrière le ridicule de l’affaire, de dissensions sérieuses au sein de la direction à Kiev.

«If anything, the defense minister and the journalist, who misreported his words, have given ammo to critics of Ukraine, said Anton Gerashchenko, an aide to Interior Minister Arsen Avakov. “Why would anyone make such statements that can be easily checked and proven false?” he wrote on his Facebook page. “In the end Russia and the entire world will now ridicule us. Too bad, it’s nothing new for us.”

»The two Ukrainian ministries involved in the military campaign against rebel forces in the east have been trading accusations lately. The latest round of bickering this week came after Geletey said in an interview that “there were no real heroes” among the commanders of the Interior Ministry’s National Guard, who are now seeking seats in parliament. Avakov responded with a demand for an apology from his fellow minister.»

Cet épisode représente, dans son outrance même, un excellent symbole de la situation en Ukraine-Kiev, d’une part par rapport au sérieux qu’on peut attribuer aux représentants de la direction, d’autre part par rapport à la stabilisation-confusion de la situation dans la partie du pays “sponsorisée” par le bloc BAO. Mais il s’agit d’abord de distinguer dans quelle mesure le procédé de la narrative, passant ici de la “fantasy-narrative” (l’“invasion-Stealth” et le reste) déjà largement utilisée à la “narrative-ridicule”, finit par coûter de plus en plus cher à ceux qui l’utilisent, dans un gracieux mouvement d’inversion selon le grand art de la surpuissance du mensonge engendrant l’autodestruction par le mensonge. Il y a là une limite de capacité et de validité à déterminer, c’est-à-dire une limite de mesure du mensonge qui doit être appréciée en fonction des possibilités que la situation puisse ou non l’absorber, et si cette possibilité est dépassée les dégâts engendrés pour celui qui les émet. La sortie du Colonel-Général a notamment provoqué cette réaction cynique d’une source européenne indépendante, dont on pourrait observer qu’elle allie dans ses jugements fatalisme et ironie méprisante : «Il faut savoir bâtir des scénarios-bidons dans les limites des possibilités et de la crédibilité, si l’on veut parvenir à susciter un engagement des alliés extérieurs, même les plus crédules, ou même simplement maintenir leur niveau d’engagement... Il faut être vague, lancer des accusations difficilement vérifiables, donc difficilement niables, et vraiment la sortie du ministre de la défense, qu’il ait été ou non mal compris, est à cet égard complètement contre-productive.»

La question du mensonge dans la partie qui se joue en Ukraine devient un cas de plus en plus délicat pour la direction de Kiev, de plus en plus Kiev-guignol, et de plus en plus divisée à mesure qu’on approche des élections, avec une opposition farouche entre le président Porochenko, qui aurait parfois des velléités d’arrangement de la situation, et son premier ministre Yatsenouk, qui est plutôt de la partie extrême alimentée par les neocons et tous leurs relais de type “société civile” ou centre d’agitation type-Soros. Dans ce cadre général, le Colonel-Général Geletey, recruté en hâte en mai dernier comme on l’a dit et ainsi insuffisamment rôdé au jeu de billard à multiple bandes qu’est la politique à Kiev-guignol avec les multiples influences du bloc BAO, fait plutôt figure d’“électron libre” un peu irresponsable, prenant la licence du mensonge, que ce soit indirectement et presque toujours sans conscience réelle de ce qu’il déclenche, pour un jeu sans limites ni bornes d’équilibre et recherche d’une certaine apparence de cohérence. La sortie “nucléaire” de Geletey, qu’elle ait été exprimée comme telle ou bien interprétée par un journaliste parce que Geletey laissait la place à l’interprétation, montre que le poids du mensonge en politique, notamment par le biais de la “narrative-ridicule”, risque de mettre dans l’embarras même les forces les plus disposées à soutenir cette politique dans le cadre d’une communication russophobe à outrance. Même l’outrance, et nous dirions même “surtout l’outrance” a ses règles, ce que Geletey semble ignorer ; plus l’on ment outrageusement, plus l’on est tenu à une grande rigueur morale dans l’observation des règles opérationnelles de la chose.

Depuis le mois de mars où le courant de la narrative antirusse avait de la tenue, jusqu’au paroxysme de la destruction du vol MH17 en juillet, la narrative antirusse, passant à la phase-fantasy puis à la phase-ridicule, est en train de perdre son efficacité et sa puissance d’impact. C’est une orientation dangereuse. Lorsqu’on monte des narrative à ce point mensongères, effectivement, une tension psychologique extrêmement forte est nécessaire, pour étouffer dans l’intellect des protagonistes divers toute velléités l’esprit critique, pour ne pas prendre le risque de passer pour un constructeur de fausses-vérités de situation, notamment auprès de certains segments du système de la communication puis auprès des électeurs quand il s’agit d’hommes politiques qui tiennent à leur onction démocratique vertueuse et régulière. Des “coups” comme celui du Colonel-Général avec ses obus poutiniens de 3 kilotonnes, avec cette allure de tragédie si énorme qu’on croirait une tragédie-bouffe (de l’italien buffo, pour “ridicule”), font brusquement tomber la tension, faisant passer la gravité tragique qui compose habituellement le masque de carnaval des réunions de l’OTAN, en un éclat de rire nerveux qu’on n’arrive plus à retenir. Il y a un risque sérieux de “dérapage”, comme on dit dans les salons de la politique politicienne et parisienne ; il y a le risque très préoccupant que, soudain, la vérité de la situation apparaisse plus crédible, plus “vendable”, voire plus sexy (cela pour la presse-Système), que les déclarations des ministres amateurs du type Kiev-guignol. Il s’agit là d’un sérieux problème stratégique qui devrait déclencher une réflexion approfondie à l’OTAN et une revue critique de la doctrine de défense du Monde Libre Postmoderniste.

... Effectivement l’OTAN, exactement l’OTAN, – où existent quelques spécialistes de la narrative qui pourraient servir de coaches aux ministres-guignols de Kiev. C’est le cas du général Breedlove, de l’USAF, détaché comme proconsul de la Pax Americana auprès de l’OTAN, comme SACEUR et commandant en chef des forces alliées en Europe. Sur Strategic-Culture.org, le 22 septembre 2014, Finian Cunningham nous rapportait la dernière sortie de Breedlove, – un excellent exemple de l’art consommé de la “fantasy-narrative”, exercée par un vrai professionnel. Au Colonel-Général Geletey, ci-devant ministre de la défense de l’Ukraine démocratique, d’en prendre de la graine.

«Given the appalling humanitarian situation in eastern Ukraine, an observer would think that all reasonable parties should be striving to bolster the chances of success for any ceasefire initiative. Moscow has evidently demonstrated its political commitment. But not, it seems, Washington or its General Breedhate. The American military commander was speaking at a NATO military conference in the Lithuanian capital, Vilnius, on Saturday just hours after the latest peace plan was unveiled in Minsk. The General dismissed the ceasefire as being “there only in name” and he repeated unsubstantiated claims that Russian forces were operating in Ukraine. That’s hardly a constructive attitude.

»As German newspaper Deutsche Welle reported, the Four-Star General “could not pinpoint how many” or where exactly these alleged Russian soldiers are operating in eastern Ukraine. “The fluidity of movement of Russian forces and Russian-backed forces back and forth across [the Ukrainian] border makes it almost impossible to understand the numbers,”said the General with telling, and conveniently, vague assertion. “The ceasefire is still there in name, but what is happening on the ground is quite a different story,”Breedlove added.»


Mis en ligne le 22 septembre 2014 à 16H53