“Voulez-vous donner l’asile politique à Assad ?” “Non, vous plutôt…”

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“Voulez-vous donner l’asile politique à Assad ?” “Non, vous plutôt…”

La chose est sérieuse mais ils ont cru (les Russes) que c’était une plaisanterie… Non non, le bloc BAO, représenté en l’occurrence par les Allemands, est on ne peut plus sérieux. Le ministre russe des affaires étrangères, Sergei Lavrov, qui n’a pourtant pas l’air d’un rigolo, en est resté comme deux ronds de flanc… Son homologue allemand, comme on dit, lui demanda, lors du dernier sommet Poutine-Merkel, si la Russie ne voulait pas donner l’asile politique à Assad, ce qui réglerait ainsi le problème syrien, – abracadabra… Lavrov a alors cru à une plaisanterie et, voulant se faire léger avec ses amis allemands, a répondu, du tac au tac : “Et vous, l’Allemagne, pourquoi ne lui donneriez-vous pas l’asile politique ?” L’histoire ne dit pas si les Russes ont ri à leur plaisanterie, mais l’histoire dit que les Allemands n’ont pas ri à la plaisanterie, parce que, pour eux, ce n’en était pas une.

Enfin, voici les minutes de l’épisodes, telles que rapportées par Lavrov à la presse (Novosti), ici repris par ElWatan, ce 5 juillet 2012. Le titre met les choses au point : «Russie: offrir l'asile politique à Assad, une “plaisanterie” selon Moscou», en espérant que nul ne s’y trompera…

«A l'issue d'entretiens à Moscou avec son homologue allemand Guido Westerwelle, M. Lavrov a révélé que cette idée avait été lancée lors d'une rencontre à Berlin le 1er juin entre le président Vladimir Poutine et la chancelière allemande Angela Merkel.

»“De notre côté, nous pensions que c'était une plaisanterie et donc nous avons répondu par une plaisanterie – qu'en est-il de votre côté, les Allemands? Et si c'était vous qui accueilliez Assad”, a déclaré M. Lavrov. “Je pensais que tout s'arrêterait là, sur cette note de plaisanterie”, a ajouté M. Lavrov, se disant “surpris” que l'idée soit à nouveau avancée lors de récents contacts avec ses partenaires étrangers.

»“Quand nous avons reparlé de la Syrie, j'ai entendu qu'ils étaient convaincus que nous accueillerions (Assad), et qu'ainsi on résoudrait tous les problèmes du peuple syrien”, a ajouté le ministre russe. “Il s'agit soit d'une tentative malhonnête de tromper les gens sérieux qui s'occupent de politique étrangère, soit d'une mauvaise compréhension de la situation”, a encore dit M. Lavrov.»

L’anecdote n’est pas qu’anecdotique puisque, ces derniers jours, les bruits ont couru dans les rédactions “bien informées” de la presse-Système du bloc BAO que l’hypothèse de l’asile politique russe offert à Assad comme partie d’un règlement expéditif et définitif de la crise syrienne était extrêmement sérieuse. L’affaire entre donc dans le cadre de l’extraordinaire narrative que les bureaucraties et les directions politiques du bloc BAO continuent à développer à propos de la position de la Russie dans la crise syrienne, depuis plusieurs mois. (Exactement, d’une façon quasi ouverte, depuis le veto russe à l’ONU le 4 février 2012, qu’on annonçait avec confiance, dans les mêmes capitales du bloc BAO, devoir être une abstention permettant à la motion du bloc, puis à l’intervention qui s’ensuivrait, d’être approuvées par le Conseil de Sécurité.)

Les Russes mènent donc une bataille constante pour rétablir régulièrement la vérité sur leurs positions. Contrairement à l’hypothèse courante, nous ne croyons nullement qu’il s’agisse de pressions calculées et efficaces du bloc BAO sur la Russie et que cela influe sur la politique de la Russie, mais qu’il s’agit plutôt de la sincère croyance que la Russie devrait finir par être touchée par le bon sens comme on l’est par la grâce, et par se rallier aux positions américanistes-occidentalistes. La position du bloc est, comme on le sait par ailleurs, complètement schizophrénique, – sans qu’il faille s’en étonner puisque la schizophrénie est l’un des caractères essentiels des narrative et de la psychologie maniaco-dépressive, certes. La Russie est donc violemment critiquée pour sa position dans la crise syrienne mais aussi pour tant d’autres choses, notamment d’être la Russie, et elle est souvent traitée avec un réel mépris, comme peu fréquentable et comme quantité négligeable, par la presse-Système et la bureaucratie-Système, et certaines directions politiques ; par ailleurs, et comme si ceci n’avait aucun lien de contradiction avec cela, on montre bien que tout dépend de la position de la Russie, notamment à l’ONU, on reconnaît avec empressement que ce pays a la plus forte influence sur la Syrie, l’on espèrerait même épisodiquement que les Russes, après être entrés dans le giron du bloc BAO et avoir emprunté la voix de la sagesse (liquidation d’Assad), se chargeraient de l’essentiel d’une présence militaire en Syrie de peace-keeping pour assurer le nouvel ordre ainsi proclamé. Ainsi ce pays est-il à la fois méprisable et négligeable, à la fois recommandable et indispensable.

L’anecdote sur l’asile politique d’Assad montre aussi bien la distance des perceptions, – pourtant il s’agit des Allemands, très proches des Russes et très défavorables à une intervention militaire en Syrie. L’on sent bien que, pour les Allemands sans aucun doute, pour beaucoup dans le bloc BAO sans doute, l’affaire syrienne est considérée comme une crise très difficile dont il faut se débarrasser à tous prix, et qu’elle devrait être réglée le plus vite possible, – mais conformément à la poussée générale (liquidation d’Assad comme pré-condition sine qua non), – dont nul ne sait vraiment l’origine, justement à ce point d’insistance sur le sort d’Assad comme condition sine qua non. L’anecdote montre par conséquent, également, la position réelle de ces directions politiques du groupe BAO pressées d’en finir, très inquiètes de cette crise, sans réel moyen d’agir efficacement, attendant des Russes qu’ils le fassent effectivement… Et pourtant, toujours dans ce bloc BAO, personne pour s’interroger sérieusement sur l’hypothèse de la maladresse, de l’absence de fondement, de l’illégalité, de l’impasse stratégique, etc., d’une telle politique basée sur une pré-condition aussi radicale et dépendant d’analyses et d’informations dont il est assuré qu’elles sont pour le moins contestables. Le Système est en marche à très grande vitesse, bien plus que les machinations humaines ; et là, désolé Lavrov, ce n’est pas une plaisanterie…


Mis en ligne le 5 juillet 2012 à 18H18