“Grande Muraille Souterraine” et Red Scare

Faits et commentaires

   Forum

Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.

   Imprimer

 930

“Grande Muraille Souterraine” et Red Scare 

16 janvier 2013 – La grande annonce faite d’un “transfert” importance de la capacité et de la vigilance stratégiques des USA de la sphère Europe/Atlantique vers la sphère Asie/Pacifique s’accompagne d’une mobilisation de la communication stratégique à dominante stratégique vers (contre) la Chine. On a vu (le 28 décembre 2012) que, du point de vue de la réalité stratégique (la réalité des forces stratégiques), ce “transfert” est une illusion destinée à dissimuler le fait que les forces armées US ne sont plus capables de mener simultanément deux grandes guerres conventionnelle, et qu’au contraire ce “transfert” mettra en évidence ce fait. Mais la communication, elle, la communication des milieux stratégiques et du complexe militaro-industriel autour du Pentagone, a de tout autres ambitions et entend d’abord substantiver une alarme considérable.

Un point très précis retient l’attention, mentionné dans la dernière loi de programme (budgétaire) du Pentagone, année fiscale 2013 (National Defense Authorization Act, ou NDAA). Il s’agit de l’instruction donnée au STRATCOM (Strategic Command, ou commandement opérationnel des forces stratégiques) d’évaluer la “Grande Muraille Souterraine” de la Chine, d’après le titre d’un rapport de la Georgetown University du 11 septembre 2011 (date prémonitoire), dirigé par Philip A. Karber et intitulé “Strategic Implications of China’s Underground Great Wall”. D’une façon générale, experts, chercheurs, bureaucrates et idéologues washingtoniens observent qu’une grande unité chinoise chargée des missions spéciales du domaine, le Deuxième Corps d’Artillerie qui a la charge de l’entretien et de la protection des forces de missiles stratégiques nucléaires chinois, a construit un gigantesque réseau de tunnels souterrains, d’une longueur générale évaluée à 3.000 miles (près de 5.000 kilomètres) ; nombre des mêmes (experts, etc.), constatant que ce réseau permet le stockage d’au moins 3.000 têtes nucléaires, estiment que ce serait effectivement réalisé… Cela revient à affirmer que les forces nucléaires chinoises disposent d’un ensemble de têtes nucléaires dix fois supérieur à l’évaluation que donnent les services de renseignement US. STRATCOM a donc pour mission d’évaluer tout cela, de considérer si cela peut être détruit par forces conventionnelles ou nucléaires s’il devenait urgent de détruire la chose, de faire un rapport et de le communiquer dans le courant de l’année 2013. Le point de l’“urgence de la destruction” serait considéré si l’analyse des diverses caractéristiques de la “Grande Muraille Souterraine” et de l’arsenal nucléaire chinois selon la tendance Karber impliquaient que la Chine développe et dispose d’une capacité de “première frappe stratégique” (malgré l’affirmation constante d’une politique nucléaire de non-emploi en premier de la Chine).

Russia Today a interviewé (le 14 janvier 2013) l’expert James Corbett, qui réside au Japon où il édite un site, le Corbett Report. James Corbett est notamment excellent connaisseur des affaires asiatiques et des relations entre le Japon et la Chine, aussi bien que de la stratégiue US dans la région.

Russia Today: «The U.S. government is operating on the assumption that there are three thousand kilometers worth of tunnels crisscrossing China. Is that something you'd find believable?»

James Corbett: «Well, I’m not even sure that the US government really believes it. This is really on the back of a study that was commissioned out of Georgetown University last year – or two years ago now – that found that in this network of tunnels that we do know exist and can see from satellite telemetry…and it’s just sheer speculation what exists within them at this point. US intelligence estimates puts the Chinese nuclear arsenal at 300 but this study out of Georgetown in 2011 estimated that it could house as many as 3,000 nuclear warheads. So basically as part of the NDAA [National Defense Authorization Act] 2013 they’re basically saying that now STRATCOM is going to have to issue a report to identify the potential problems involved in this and whether or not they’ll be able to confront this with conventional or nuclear forces in the event that they actually need to take action.»

Russia Today: «We've got most of America’s ballistic submarines, we’ve also got more US ships moving to the Pacific, the Pentagon all the while promising to contain China, and now planning for a possible nuclear strike. That's not exactly going to help already strained relations, is it?»

James Corbett: «It really isn’t. I don’t think we have to look at this report within the context of their going to move in with a nuclear strike right at this point but I think it has to be seen as a wider part of US nuclear policy that’s been stretching out for decades now, trying to come up with ways to justify the existence of some of the US’ existing nuclear arsenal and looking for ways to create new weapons. So, for example, we have the B61-11 nuclear bunker busters with a 400 kiloton yield that they’ve been harboring and talking about for the better part of a decade now in relation to Iran and trying to bust through into Iran’s underground nuclear facilities or alleged nuclear facilities. Now they’re just shifting that rhetoric over to the Asia-Pacific as part of this Asia-Pacific pivot. I think to a certain extent this is just to justify the existence of the US arsenal and to make sure that things like the new START – the strategic arms reduction treaty – basically gets scuttled before it gets off of the ground. And there’s a lot in this new NDAA that really seeks to undermine the president’s ability should he ever want to actually reduce the nuclear stockpile. So I think the congress is definitely trying to get their foot in the door and stop any types of arms reductions before they can actually be implemented.»

Russia Today: «There are certainly some who say that the American president is powerless when going head to head with the military industrial complex. We’ve been getting reports that there have been some rather peculiar, high altitude jet forays between China and Japan, some Japanese jets tailing Chinese jets, basically playing high altitude games of cat and mouse, possibly reigniting another territorial dispute. Is it possible that those two could get involved in something slightly more intense?»

James Corbett: «It certainly could, and of course the more bellicose that the US becomes against China, the more safe Japan will feel in either threatening or responding to these aggressions. So I think it really only serves to put a match next to this powder keg that is the Asia-Pacific region, especially now that this really is heating up and that the American is turning here, we’re going to see more and more of these types of situations come along that could justify even further military intervention. So we have to look at the types of nuclear rhetoric that is coming out right now as not necessarily an intent to strike soon, but [as something] to keep our eyes on as this rhetoric continues to ratchet up.»

Si l’on comprend bien, – et que peut-on comprendre d’autre, en vérité ? – l’on retrouve l’une de ces grandioses échappées alarmistes du complexe militaro-industriel, et des myriades d’experts et de commentateurs qui satellisent autour de lui (l’étude de la très prestigieuse université Georgetown, comme exemple-phare de notre propos). L’on voit aussitôt l’hypothèse Kraber retranscrite en processus bureaucratique, dont la finalité extrême, en cas de conclusion extrême et d’appréciations à mesure, devrait être la planification d’une attaque nucléaire de première frappe à partir du constat que “la Grande Muraille Souterraine” aurait été évaluée comme un dispositif impliquant une possible intention de première frappe, côté chinois… C’est en effet bien ceci qui est in fine dans l’esprit de ceux qui réclament une planification de STRATCOM : mettre en évidence, s’il le faut, les intentions de “première frappe stratégique ”des Chinois, à l’aide d’un arsenal secret et dissimulé. (Même si l’intention est de protéger ou renforcer le programme nucléaire stratégique US, bloquer les prétendues intentions de réduction du président Obama, etc., on n’en aboutit pas moins à une évaluation présentée comme fondée. On ne manquera pas de l'apprécier comme telle.)

Cette occurrence, qui pourrait aisément se transformer en une “Red Scare, modèle 2013”, nous rappelle ce que nous qualifiions, dans notre Lettre d’analyse (papier) dd&e du 10 mai 2001, de “Red Scare, modèle 2001”. (En langage codé, pavlovien, langage-Système par excellence, la Chine reste toujours “rouge” dans ces cas-là.) Cela se passait à la suite d’une mission d’espionnage d’un EP-3E de l’U.S. Navy, qui avait pénétré dans l’espace aérien chinois, puis obligé de se poser sur l’île chinoise de Hainan. (L’incident eut lieu le 1er avril 2001 ; après quelques semaines de négociations et de montée de la tension, l’équipage, puis l’avion furent rendus aux USA.) Le déchaînement fut, à Washington, absolument extraordinaire, – contre la Chine, bien entendu, ----qui semblait refuser de se laisser espionner sans broncher, – signe indubitable qu'elle avait quelque chose à cacher et qu'elle devait être punie pour cela. Le 19 avril 2001, John Laughland, du Spectator de Londres, assistait à un séminaire sur la Chine au cours duquel il entendit, de la part d’un expert de haut niveau, directeur d’un des instituts les plus fameux de Washington et notoirement impliqué dans des équipes de haut niveau de planification travaillant en consultance du Pentagone, une plaidoirie pour une attaque préventive en première frappe (first strike) de la Chine. Laughland l’entretint en tête-à-tête après son intervention, faisant remarquer qu’une telle attaque serait risqué (et disant, en matière de plaisanterie qu’il voulait lugubre : «…Il pourrait perdre un, deux millions d’hommes avec votre attaque, il leur en resterait toujours 998 ou 999»), pour s’attirer cette réponse : «John, si nous lançons une attaque nucléaire contre la Chine, nous en liquiderions plusieurs centaines de millions, pas un seul million». Puis il y eut 9/11 et l’on rangea la Chine sur une étagère intitulée “Red Scare de réserve”.

Tout de même, il y eut une piqure de rappel… Cette fois, à destination des Russes, mais l’on sent bien que c’est le même tableau, la même Red Scare qui resurgit. On veut parler d’un article de Foreign Affairs de mars 2006 qui plaidait pour une supériorité nucléaire des USA, dont on devinait in fine qu’elle permettrait une attaque de première frappe (de la Russie cette fois), – et bon débarras. Cela nous valut un échange rapide mais très vif (voir le 31 mars 2006). Puis l’on oublia l’affaire et l’on rangea la Russie… etc.

Il semble tout de même que ni la Chine ni la Russie n’ont oublié ces rapides passes d’arme, et que l’affaire de l’étude de “la Grande Muraille Souterraine” confiée aux bons soins de la planification de STRATCOM ne soit passé inaperçue, ni de l’une, ni de l’autre. Même si cette affaire précise ne concerne que la Chine, la Russie, elle aussi, se sent absolument concernée. Le constat est d’autant plus évident qu’existe toujours cette crise de la défense stratégique antimissile développée par les USA, qui touche de plus en plus à l’équilibre stratégique nucléaire général en favorisant les hypothèses de première frappe stratégique dans le chef des planificateurs US. Ainsi Chine et Russie resserrent-ils leurs liens stratégiques au plus haut niveau de danger, qui est une éventuelle posture commune face à la puissance militaire US. On le voit à l’occasion de la huitième réunion Chine-Russie sur les relations stratégiques entre les deux pays, dont Russia Today rapporte ceci, ce 9 janvier 2013 :

«At a time when the neighboring countries are beginning to feel the heat of the US military, it seems only natural that Moscow and Beijing are beginning to plant the seeds of a long-term strategic relationship. Xi Jinping, the secretary-general of the Chinese Communist Party, underlined his country’s commitment to a Russian partnership when he noted that he and President Vladimir Putin "came to the unanimous conclusion” that a “comprehensive strategic partnership” between Moscow and Beijing remains the “top priority of their foreign policy.”

The comments were made on Tuesday during a visit to Beijing by Russian Security Council Secretary Nikolay Patrushev, who is participating in the eighth round of Russian-Chinese consultations on strategic security. Xi Jingping, 59, who was sworn as the highest-ranking Communist official in November, echoed the sentiments of the Russian president, who noted at his recent Q&A session with international media that Russo-Chinese relations “have become one of the most important factors in the (realm of) international affairs.”»

Les deux termes de l’alternative catastrophique

Le même article qui présente cette rencontre observe que ces commentaires chinois sont inhabituels, sinon assez exceptionnels, si l’on tient compte de l’isolationnisme traditionnel de la Chine, de sa position en retrait des engagements stratégiques fondamentaux, etc. Russes et Chinois sont, de ce point de vue fondamental de l’équilibre stratégique (nucléaire), et de l’appréciation autant psychologique qu’opérationnel de l’attitude et des intentions des USA, notamment en cette matière, d’un avis similaire et dans le sentiment de l’urgence de la situation. Pour ces deux pays, les USA sont devenus un véritable “danger international”, et ce d’autant plus qu’ils n’ont plus une direction politique assurée. Une remarque contenue dans l’une des questions posées à Corbett reflète sans aucun doute une préoccupation qui n’a cessé de grandir, particulièrement chez les Russes, et tenant à l’autonomie de décision du président des USA : «There are certainly some who say that the American president is powerless when going head to head with the military industrial complex.» (On sait, d’une façon générale, que les Russes ont une perception aigüe de l’irationnalité profonde de la politique US, de son éclatement en divers pouvoirs, de sa paralysie dans l’extrémisme, – bref, tout ce qui la rapproche jusqu’à l’identité de la politique-Système. Bien entendu, la Chine partage cette analyse d’une façon de plus en plus évidente.)

La question de la “Grande Muraille Souterraine” a déjà été débattue par divers experts depuis la publication du rapport. On peut lire une argumentation à ce propos, il y a un an exactement dans The Bulletin of Atomics Scientists, effectivement le 16 janvier 2012, écrit par le scientifique (physicien) Hui Zhang. (Cet expert et universitaire d’origine chinoise conduit, aux USA, des études sur les programmes et la force nucléaire chinoises. Il travaillait à l’université de Harvard au moment de la publication de son article.) Son appréciation est que la “Grande Muraille Souterraine”, et notamment l’importance du réseau de tunnels souterrains, constituent une mesure purement défensive, justement contre des attaques surprises et “préventives” de première frappe. («…Karber's key argument centers on the growth of China's tunnel system; he contends that more tunnels means more nuclear warheads. […] But there is another, far more plausible explanation for the size of the underground great wall. According to major Chinese media and other Chinese-language publications, China's underground great wall is not just a weapons-storage depot; China has moved its land-based missiles underground to protect them from a preemptive nuclear strike…») Cette évaluation est complètement en accord avec la politique et la doctrine de la direction politique chinoise, autant que par l’historique de l’état d’esprit général et de l’attitude chinoises vis-à-vis de l’armement nucléaire, depuis que la Chine est une puissance nucléaire (1964). Cela conduit à renforcer la perception que le véritable problème se trouve du côté américaniste, et du côté de la forme qu’a prise le développement de la politique US, notamment et essentiellement son identification sans cesse grandissante avec la politique-Système.

La Russie et la Chine sont d’accord pour apprécier que le développement du réseau antimissile stratégique (BMD et BMDE) est désormais quasiment hors du contrôle des autorités politiques. Les relations entre les Russes et Obama, et même les relations personnelles entre Poutine et Obama, ont largement montré l’impuissance d’Obama, même s’il lui est fait crédit (dans le chef de Poutine, notamment) d’intentions honnêtes pour tenter de faire évoluer la situation vers l’apaisement. Les prochaines semaines seront absolument décisives à cet égard, notamment avec la visite probable à Moscou du conseiller de sécurité nationale du président Obama, Tom Donilon, à la fin du mois (voir Robert Bridge, de Russia Today, le 11 janvier 2013). Si cette visite n’apporte aucune initiative concrète d’Obama sur les antimissiles, la conclusion sur son incapacité d’effectivement agir (notamment) sur cette question sera inévitable, puisqu’on se trouve dans des conditions idéales pour une action éventuelle. Rien, absolument rien ne laisse penser que Donilon apportera des éléments décisifs, et c’est plutôt le contraire qu’on peut attendre.

C’est dans ce cadre qu’intervient l’affaire de “la Grande Muraille Souterraine” à ce stade actuel, en faisant coïncider peut-être décisivement les appréciations stratégiques chinoise et russe. Même si, comme l’affirme sans doute assez justement Corbett, le gouvernement US ne croit pas à la thèse de Karber («Well, I’m not even sure that the US government really believes it…»), la position de ce même gouvernement, illustrée par la remarque de l’intervieweur signalée plus haut sur les pressions du complexe militaro-industriel, n’a pas une importance décisive. Le fait fondamental est bien qu’Obama a signé la loi de programme et budgétaire du Pentagone le 1er janvier 2013, et que cette loi confie à STRATCOM le dossier de la “Grande Muraille Souterraine”, dans les termes polémiques et déstabilisants de l’étude Karber. Cela signifie que ce dossier, comme celui du réseau antimissile stratégique, est complètement dans les mécanismes de la bureaucratie militaire (militaro-industrielle), et notamment dans les processus de sa planification, – toutes choses qui échappent non seulement au pouvoir politique, mais même au jugement stratégique des chefs militaires et à l’évaluation qu’on peut espérer parfois pondérée par des facteurs politiques des services de renseignement.

Il s’agit d’une intégration directe de cette question dans un processus technique de guerre. Selon notre interprétation, on peut juger que la question de la désignation de la “Grande Muraille Souterraine” comme une menace directe de la Chine contre les USA, toute infondée qu’elle soit et toute absurde qu’elle puisse politiquement sembler, est complètement dans les mains de ce que nous nommons la politique-Système : une “politique” quasiment autonome, hors de tout contrôle réel du pouvoir politique, dont le dessein avéré est la déstructuration et la dissolution. Dans ce cadre, et selon ce qui sera fait du rapport STRATCOM notamment au niveau de la communication (avec les “fuites” éventuelles et très probables commentaires collatéraux qu’on peut attendre), selon la très possible sinon probable relance, ou tentative de relance d’une “Red Scare” à l’image de celle que nous rappelions du printemps 2001, dans un climat infiniment plus détérioré dans le sens de l’idéologie extrémiste, enfin dans un cadre stratégique où la programmation autant que l’état d’esprit de la communauté de sécurité nationale US implique l’idée sans mesure développée après 9/11 de l’emploi “préventif” de toutes les catégories de forces US, on imagine facilement sur quels extrêmes pourrait déboucher la situation.

Il nous paraît évident que c’est cette sorte de problème que réalisent pleinement aujourd’hui les directions russe et chinoise, devant des faits tels que l’attribution du dossier “Grande Muraille Souterraine” à STRATCOM. Les perspectives sont celles de tensions extrêmes et de dangers d’attaques préventives, dans le climat général en détérioration rapide, particulièrement aux USA… Dans ce dernier cas, qui est le pivot de notre réflexion, cette détérioration est de deux ordres : détérioration de la situation “objective” du pays (économique, sociale, infrastructurelle, etc.), détérioration de la situation institutionnelle de la direction du pays (blocage du gouvernement et de la direction, éclatement des pouvoirs, radicalisation policière de tous les types par les autorités, etc.). Cette détérioration aux USA est accentuée par un état catastrophique de la psychologie profonde, avec une atmosphère de guerre civile régnant au niveau de la communication, et qui n’attend qu’un point de concrétisation pour se développer (par exemple, aujourd’hui, la querelle sur le contrôle des ventes et de la propriété d’armes par les citoyens). Cette situation elle-même, vue de Chine et de Russie, constitue un sujet supplémentaire de préoccupation urgente, jusqu’à ce niveau de la possibilité d’une menace de conflit nucléaire dans des conditions d’agression.

La réalité de cette situation catastrophique revient, selon nous, à estimer une fois de plus que l’affaissement, ou plutôt l’effondrement de la puissance US, ne peut pas et ne pourra pas se faire dans des conditions autres, effectivement, que catastrophiques. L’idée effrayante d’une attaque nucléaire préventive impliquée par l’affaire ”Grande Muraille Souterraine”/SRATCOM illustre l’un des termes, porté au plus haut niveau de la spéculation, de l’alternative de cette perspective catastrophique. L’autre terme de l’alternative est que l’aspect intérieur (le climat de “guerre civile”) prenne le dessus, par son éventuelle rapidité rendue possible par son aspect psychologique volatile, et mobilise toute l’attention de tous les pouvoirs, imposant par son désordre une sorte de paralysie par manque d’“opportunité” des processus de planification militaire (lesquels sont déjà naturellement lents, comme tous les processus bureaucratiques). Dans ce dernier cas, même la mobilisation de la communication, type “Red Scare”, serait impossible, puisque la tension intérieure mobiliserait tous les processus de mobilisation de la communication. Quoi qu'il en soit, le tableau reste catastrophique mais il va sans dire qu'on peut préférer un aspect catastrophique (le second, certes) à l'autre.