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Aporie fondatrice pour l'Histoire?

jc

  11/11/2017


PhG: "j’affectionne de présenter les grandes forces structurantes et déstructurantes de l’Histoire comme autonomes et indépendantes des acteurs humains"

Dans "Les dilemmes de la métaphysique pure" Charles Renouvrier a répertorié les grandes oppositions binaires qui sous-tendent toute activité scientifique. L'opposition unité/diversité y est évidemment fondamentale et prend différentes formes selon les disciplines.

 Voici ce qu'écrit Thom à la fin de "Thèmes de Holton et apories fondatrices" (Apologie du Logos):

"La mise en évidence du clivage fondamental unité/diversité qui parcourt en fait toutes les disciplines scientifiques, soulève une question: pourra-t-on un jour réduire ce clivage, l'annihiler? A cette question, je crois qu'il faut répondre par la négative , et que cette tension est destinée à subsister comme moteur ultime de la recherche. Il s'agit là de ce que nous appelons l'aporie fondatrice des disciplines à considérer. Mais le statut "aporétique" varie beaucoup d'une discipline à l'autre. Tout dépend de l'efficacité théorique, de la puissance générative qui règne dans l'appareil de théorisation. Une grande différence se manifeste ainsi entre sciences "dures" et sciences "molles". Dans les sciences "dures", l'unité est construite par une théorie générative à partir d'un divers empirique relativement aisé à observer et unifié par la théorie. Dans les sciences "molles" au contraire (sciences humaines, sciences de la vie), le principe d'unité est immédiatement donné: unité évidente de la vie, -unité non moins évidente de la conscience- et le problème est de rendre compte d'une diversité phénoménale qui reste inexplicable, en raison d'une générativité théorique déficiente.

Voici comment on peut expliciter les apories fondatrices des diverses disciplines.

Mathématique.
C'est le rapport entre le continu géométrique (objet d'une intuition immédiate) et la générativité discrète réalisée dans la succession n->n+1 des entiers naturels) qui fait problème. L'aporie a pour le moment une solution "fantasmatique": la construction du continu à partir des rationnels (coupure de Dedekind ou complétion des suites de Cauchy). Solution qui n'a pas conduit jusqu'à présent à des difficultés effectives.

Physique.
Il s'agit d'expliciter le rapport entre un espace-temps vide, défini abstraitement à partir d'un groupe de symétrie, et les entités physiques effectivement observables (matière et radiation) qui s'y présentent. Ernst Mach avait postulé que la géométrie de l'espace a une origine physique; si la relativité générale d'Einstein offre une perspective de solution, par contre la mécanique quantique, par sa non-localité, pose des problèmes majeurs d'intelligibilité.

Chimie.
La théorisation chimique est impuissante à décrire quantitativement l'agrégation de molécules un peu complexes. De ce fait la chimie reste une discipline essentiellement descriptive et, par suite, non aporétique.

Biologie.
Aporie essentielle: expliquer la stabilité de la forme spatiale des êtres vivants et ce, en dépit du "turn over" incessant des molécules qui le constituent. l'origine de la vie est un autre aspect de cette aporie.

Psychologie.
Elle a pour aporie fondamentale, l'opposition déterminisme-libre-arbitre, alias le rapport entre esprit et cerveau (mind-body problem).

Sociologie.
Ici, c'est l'opposition entre la permanence de la société -en particulier la structure du pouvoir- et la fluence continuelle des individus qui fait problème.

Histoire.
Elle est fondamentalement non aporétique, parce qu'elle est essentiellement descriptive. C'est seulement lorsqu'elle se soucie de théoriser en tant que matériau de la sociologie, qu'elle rencontre des problèmes: ainsi du rôle de l'individu dans le devenir historique.

Linguistique.
Dans la mesure où elle se soucie de théoriser, c'est une science fondamentalement aporétique. En effet elle rencontre une difficulté liée à l'auto-référence: le langage ne peut exprimer son propre fondement. C'est la même difficulté que celle qui mine la psychologie: le Moi ne peut se prendre lui-même pour objet d'un savoir. Une science humaine ne peut accéder au rang de savoir qu'à condition (comme l'histoire) d'être rigoureusement sans efficacité pragmatique.

Dans tous les cas, le seul espoir est d'arriver à une explication, un engendrement, du divers à partir d'un principe unique, est de faire appel à un processus d'émanation, de procession -comme l'avaient bien vu les néo-platoniciens. Si ce processus est assimilé à la propagation d'une prégnance (assortie d'une oscillation convenable entre saillance et prégnance), on sera ramené à chercher les "formes-sources" de cette prégnance: un trou noir qu'on ne pourra jamais remplir que par une image fantasmatique, solution locale et temporaire de l'aporie fondatrice."

L'histoire est descriptive. Mais l'histoire majusculée, la méta-histoire, l'Histoire telle que l'entend PhG, est autre.
PhG a-t-il une aporie fondatrice à (nous) proposer pour Elle?

Aporie fondatrice pour l'Histoire?.1

jc

  17/11/2017

Je tente une réponse à ma propre question.
Si l'on accepte, suivant Thom, que c'est l'opposition continu/discret (alias unité/diversité) qui domine la pensée alors l'aporie fondatrice de l'Histoire ne peut être que l'opposition permanence (unité dans le temps)/changement (diversité dans le temps).
Si Thom n'a pas formulé d'aporie fondatrice pour l'histoire c'est sans doute parce qu'il y a un "loup" quelque part dans ce qui précède. Je ne vois pas où.