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Article : Sir John Glubb et la décadence impériale

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Interprétation des âges de la civilisation selon Glubb

Alex Kara

  18/10/2019

Pour ma part je suis plus "Joseph Tainter" et ses explications microéconomiques mais la liste établie par Glubb est très intéressante. J'y réagis avec des éléments auxquels je pensais dernièrement :
- L'âge des pionniers (explosion)
Les pionniers sont avant tout des iconoclastes et des intellectuels ! Ils ont réussi à trouver une solution aux blocages de leur société archaïque.

- L'ère des conquêtes
L'ère des conquêtes est l'âge des conquêtes purement militaires ; généralement il s'agit dans un premier temps à l'extension de la société complexe à ses voisins qui sont restés archaïques, ainsi que dans un second temps la destruction du rival (Rome occupe la Grèce)

- L'ère du commerce
Or ce rival était au centre d'un réseau commercial, et il a accumulé en son sein les richesses intellectuelles éparses dans l'espace de cet empire commercial mais aussi dans le passé de chaque civilisation.
La conquête du vieux par le jeune fait sauter des blocages sociétaux et permet un printemps intellectuel et scientifique. Détail non négligeable, il introduit du sang frais, figurativement mais aussi littéralement, dans la classe dirigeante. Rome a des généraux puis des empereurs venant des provinces, tout ce beau monde se mélange, et on évite la consanguinité indissociable des sociétés bloquées.

- L'âge de la richesse
Il provient à la fois du pillage du rival et du printemps intellectuel. Dans la série de tableaux “The Course of Empire” ( https://en.wikipedia.org/wiki/The_Course_of_Empire_(paintings) ) c'est “The Consummation”.
Ma théorie tout personnelle est que cet âge est celui des héritiers. Leurs ancêtres n'accumulaient les richesses que comme résultat de leurs conquêtes (intellectuelles, militaires, scientifiques), c'étaient des conquérants.
Les héritiers ne s'intéressent pas aux conquêtes :
d'un côté parce qu'il ne reste plus rien à conquérir. C'est le début du rendement marginal décroissant, au coeur de la thèse de Tainter : il faut de plus en plus d'efforts pour obtenir un surplus de plus en plus insignifiant.

De l'autre côté parce que ce sont des gens nés dans la pourpre, les privilèges, le fric. Or le fric ce n'est pas l'argent, les familles riches ne sont pas l'élite de la civilisation, et du coup on retourne alors croupir dans le marigot des mariages arrangés, des hiérarchies tribales et simiesques, de l'Ecole Alsacienne telle que décrite dans “le crépuscule de Macron”, et finalement l'anti-intellectualisme et la consanguinité (intellectuelle puis génétique).

- L'âge de l'intellect, particulièrement dangereux…
Or la civilisation, toute civilisation, est techno-scientifique ou le devient par nécessité. Voilà que nous avons besoin de gens brilliants, mais l'accès au savoir a été verrouillé par le marigot. Il faudra donc se contenter de faire semblant.
Pour cela, il est impératif de détruire non seulement l'image des bâtisseurs, inégalables car statistiquement rares, mais aussi des artisans communs. Si un artisan est bon dans son métier, il révèle les imposteurs. C'est là que les chansons deviennent vulgaires quand elles furent grivoises, qu'il faut se lever dans la synagogue et montrer à tous combien on est pieux (et incidemment qu'on n'a même pas lu le bouquin…), comme la lesbienne cathozombie de Figaro Madame.


C'est moins l'âge de l'intellect que l'âge de l'anti-intellectualisme, et du règne de l'image. L'image est aisée à produire, la substance demande un investissement que la civilisation, devenue Système, ne sais pas récompenser et encore moins susciter.
C'est le moment où les vrais intellos s'intéressent à l'effondrement, et à faire survivre leurs idées à défaut de survivre physiquement – car plus les choses se dégradent, plus ils réalisent qu'ils n'ont virtuellement aucune chance de survivre l'effondrement. C'est toujours terrible lorsqu'un intellectuel voit ses enfants être moins que lui (mais ausi sans ses tourments), mais encore davantage lorsqu'il les voit devenir un drone intechangeable d'un Système condamné.


C'est là que les choses deviennent mystiques, car les idées des intellectuels d'une civilisation mourante se propagent telles des graines de pissenlit (on va passer sur l'image des grains de moutarde…) sans savoir où elles vont atterrir, et peut-être germer, des siècles plus tard et des continents plus loin, pour donner naissance à une nouvelle civilisation.

ROMANTISME CYCLIQUE & INVERSION DU TEMPS

EricRobertMarcel Basillais

  19/10/2019

Depuis le Romantisme, la question du déclin civilisationnel se nourrit presque toujours des exemples d'Athènes et de Rome et considère qu'il y a un temps impérial cyclique.

La translation brutale de ce schéma romantique à notre époque terminale, produit une erreur de perspective :

1/ d'abord parce que l'effondrement en cours n'est pas le résultat d'un blocage institutionnel, intellectuel, d'une consanguinité de l'élite usurpatrice, ou de l'amolissement de ses héritiers… mais l'achèvement d'une accélération technoscientifique transhistorique sur le Mur du Son qu'elle a elle-même créé.

2/ La différence avec le schéma classique du cycle impérial, est qu'aucun autre peuple n'aura la possibilité de succéder à notre civilisation Terminator [dont la fin appartient à l'intervalle 2020-2080, rappelons -le].

Le XXI° siécle promet donc à l'Humanité, non pas la civilisation d'après... mais l'Inversion du Temps…

ERIC BASILLAIS

Cf. CLIMAX.PDF, Vol. 6, in :  https://ericbasillais.wordpress.com/pdf-a-telecharger/