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Article : Résilience entêtée de la crise syrienne

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Tout change et rien ne change... ou pas

David Cayla

  12/10/2019

Un pétrolier iranien a déchargé son pétrole en Syrie après avoir été retenu pendant un mois par les Britanniques, peu de temps après que les forces syriennes appuyées par les Russes aient repris le contrôle du sud de la province d'Idleb, mettant à mal un réseau de fortifications souterraines, bétonnées aménagé depuis 2013 et qui avait permis jusqu'alors de bloquer toute tentative de reconquête des forces gouvernementales.  Les forces "djihadistes" ont consumé leurs forces dans cette bataille d'attrition, au point où ils ont entrepris de pousser des adolescents âgés de seize ans qui vivent dans les camps de réfugiés en Turquie à rallier leurs rangs pour tâcher de combler les trous dans les rangs. En vain. Les forces qui ont été perdues étaient constituées de combattants aguerris et cette perte est irrémédiable. Pour l'heure, les forces syriennes se préparent tranquillement à la prochaine étape de leur offensive,  elles complètent leurs équipements, mènent leurs opérations d'infiltration (renseignement, assassinats de chefs djihadistes, et repérage de cibles pour l'aviation) répandent la suspicion dans les rangs djihadistes, et  consolident leurs positions de départ, pour ne pas risquer de subir de contre-offensives meurtrières (camions ou voitures suicides blindés et chargés de centaines de kilos voire de tonnes d'explosifs, mines et chausse-trappes en tous genre, combattants individuels portant des ceintures bourrées d'explosifs, drones,...).

Le rythme est lent et pourrait laisser accroire que le "parrain" russe manque de résolution, d'autant qu'il semble encore et toujours céder au "piège" pourtant éculé des demandes de cessez-le-feu systématiquement mises à profit par les djihadistes pour regarnir leurs rangs, refaire le plein d'armes et de munitions, de matériel médical, de véhicules de combat,... Et pourtant, depuis le début de l'intervention russe en septembre 2015, il est manifeste que sur le terrain, c'est bien le camp gouvernemental et lui seul qui a la haute main. C'est d'autant plus long qu'il est impératif de ne surtout pas laisser la possibilité aux forces djihadistes de se disperser dans la "population" (mis entre guillemets car la grande majorité des gens qui habitaient là avant 2011 sont partis et ont été remplacés par d'autres populations) ce qui leur permettrait de mener des opérations de guérilla meurtrières, d'autant qu'ils disposent d'un matériel très sophistiqué (fusils de précision, missiles anti-char, équipements de communication satellitaires les mettant en contact avec les services de renseignement de leurs parrains étatiques,...).

Il est vrai aussi que par un tour de passe-passe, les territoires tenus par Daesh à l'est de l'Euphrate sont tombés dans l'escarcelle des supplétifs kurdes de l'OTAN (dont la Turquie est membre, certes). Faute de couverture aérienne suffisante (Pantsir, Buk, Krashua, et S-300/400) l'incursion des Russes du groupe Wagner a fait long feu, mais en regardant une carte, il est manifeste que l'est de l'Euphrate était un peu éloigné des côtes méditerranéennes où étaient concentrées alors l'essentiel des forces de défense aérienne russo-syriennes. Il aura fallu un accrochage de trop avec l'aviation israélienne pour que les Russes aient une raison solide de déployer des systèmes aériens S300 supplémentaires (en complément des autres systèmes de défense à la disposition des Syriens) qui couvrent désormais le sud et le centre de la Syrie. Avec une interrogation sur la couverture aérienne de Deir-Ezzor et de Abu Kamal.

Quoiqu'il en soit, c'est bien la pression russo-syrienne exercée sur Idleb qui a poussé Erdogan à concentrer ses efforts sur l'est de l'Euphrate, dans la zone "tenue" par les Kurdes, et c'est aussi cette pression qui avait poussé les Français, Allemands, Américains et Britanniques à tâcher de faire pression autant que faire se peut sur les Russes parce que l'enjeu, en lâchant Idleb, c'était bien de devoir céder à la pression turque plus à l'est. Et nous y sommes. Pour ce qui est des Kurdes, déjà, c'est sans doute un peu exagéré de les qualifier de "forces combattantes". Ce sont plutôt des "forces d'occupation", ce qui n'est pas du tout la même chose.  Il est vrai cependant qu'en termes de communication, ce sont censés être de valeureux guerriers ayant vaincu Daesh à eux seuls tandis que les forces russo-syriennes se concentraient sur des "civils désarmés et abandonnés de tous". Ce genre de perceptions trompeuses peut ménager des effets de surprise.

Par ailleurs, si je ne me trompe pas, les "Kurdes de Syrie" ne sont pas vraiment syriens. Ce sont plutôt des Kurdes réfugiés de Turquie accueillis par Hafez-el-Assad qui combattaient la Turquie (ce qui a suscité quelques tensions entre les deux pays), et en outre, les Américains n'ont pas tant fait affaire avec des révolutionnaires qu'avec des voyous, cela après avoir éliminé des dirigeants kurdes moins vénaux.

Aussi, est-ce vraiment étonnant d'apprendre que "encore une fois, les Kurdes ont essayé de négocier un accord aux termes duquel les forces gouvernementales syriennes feraient tampon face aux Turcs tandis que les "Kurdes" continueraient de s'auto-administrer, comprendre en réalité les voyous qui constituent les "forces kurdes" continueraient de vivre de pillage tout en se faisant payer pour ce faire par le gouvernement syrien" ? Et que cela ayant échoué, les "dirigeants kurdes" se sont d'ores et déjà empressés de déguerpir plus au sud ? Seul souci, et de taille, plus au sud, et cela avait déjà posé problème après la prise de Raqqa, il y a des tribus nomades arabes autochtones, et elles ne seront pas forcément particulièrement bien disposées à l'égard des voyous des SDF. Enfin, il se "murmure" que les Russes se préparent à lancer de nouveaux ponts sur l'Euphrate. En ayant sans doute mieux préparé le terrain que la dernière fois…