Forum

Article : R2P en Syrie, rien d’une promenade de santé

Pour poster un commentaire, vous devez vous identifier

GEAB 66: "la guerre de trop aura bien lieu"

Franck du Faubourg

  21/07/2012

Il y a une note de bas de page éclairante:

L’UE serait a priori le médiateur typique pour réaliser un tel « miracle » mais sa direction est encore trop fortement marquée par
l’ « occidentalisme » de ces dernières deux décennies pour pouvoir concevoir une politique originale, proprement européenne. C’est seulement à partir de l’automne 2012 que la diplomatie de l’Euroland va pouvoir commencer à sortir de cet occidentalisme. Hélas, ce sera trop tard pour la question iranienne. Washington a tout fait jusqu’à présent pour empêcher l’Iran de trouver une porte de sortie lui permettant de sauver la face. Bien au contraire, comme le décrit remarquablement l’article de Rober Wright dans The Atlantic du 14/06/2012 (à lire absolument pour comprendre le processus en cours), en se soumettant totalement aux « faucons israéliens » (la même analyse est développée dans Asia Times du 30/05/2012) la diplomatie US a rendu impossible un accord puisque l’Iran a été
sommé de faire des concessions majeures sur l’enrichissement sans qu’aucune des sanctions majeures (pétrole, banques, etc …) ne soit même mises dans la balance. Comment faire croire à une négociation tout en rendant un accord impossible ! L’Histoire a connu nombre de ces situations. En général, elles se terminent très mal car elles dénotent mépris et arrogance, deux traits de caractère qui sont incompatibles avec la compréhension de la réalité. “

En deux mots: certains la veulent, cette guerre!

En parlant de promenade de santé

David Cayla

  21/07/2012

Je me faisais dernièrement la réflexion que contrairement à leurs alter ego de l’Armée de Libération Syrienne, les Kurdes du PKK ou les Talibans se montraient diablement efficaces en s’attaquant au talon d’Achille des forces des pays membres de l’OTAN, à savoir leur précieux entre tous approvisionnement en carburant, plaçant les forces de l’OTAN face à un cruel dilemme : comment protéger ses convois de camions citernes, étant entendu que les faire voyager isolément est hors de question ?

La tâche est herculéenne, et les Kurdes du PKK comme les Talibans ne s’y sont pas trompés, s’offrant même le luxe de laisser les chauffeurs repartir en vie… Ce qui ne contribue sans doute pas peu au succès des opérations au cours desquelles plusieurs dizaines de camions citernes se retrouvent régulièrement incendiés sur des aires de repos. Ce n’est même pas la peine de s’enfuir avec le butin pour le soustraire aux forces de l’OTAN : le carburant brûle très bien, et les camions avec.

Ce qui m’amène à évoquer maintenant le cas du Qatar, grand exportateur de gaz naturel liquéfié. Tout le monde aura remarqué que si les camions citernes brûlent très bien, c’est une toute autre histoire en ce qui concerne les pétroliers, encore plus maintenant qu’ils se retrouvent à voyager chargés de pétrole brut lourd, soufré, difficilement inflammable. En d’autres termes, les craintes d’un blocage du trafic de pétroliers qui transitent par le détroit d’Ormuz sont sans doute surestimées, le risque me semblant surtout tenir à la nature polluante des marées noires.

Le sort qui serait réservé aux méthaniers en cas de conflit ouvert me semble en revanche autrement plus préoccupant, et rejoint la thématique de la proximité entre surpuissance et (auto)destruction abondamment couverte ici, pour la bonne et simple raison que les méthaniers sont des bombes flottantes, d’une puissance comparable à celle de plusieurs dizaines de bombes atomiques comme celle qui a été larguée sur Hiroshima en 1945 (en gros, une explosion de gaz géante, avec plus de 100 000 tonnes de gaz à bord…), avec dans le rôle du détonateur un missile anti-navire atteignant sa cible.

Si on veut s’imaginer l’ampleur du désastre potentiel, il faut s’imaginer un boule de feu de plusieurs kilomètres de diamètre (cinq kilomètres environ), avec des effets s’étendant sur un cercle de vingt kilomètres de diamètre environ, les radiations en moins. S’il y a des navires à proximité, au hasard des bâtiments d’escorte américains, ils seront au mieux hors service pendant une paire de mois (non compris le temps nécessaire pour les remorquer au pays). S’ils naviguaient en convoi, c’est la destruction complète du convoi d’assurée (et on pourra faire confiance aux missiles pour cibler les proies les plus appétissantes… et qui plus impossibles à rater au radar dans le cas de méthaniers). En bref, un cauchemar absolu à tous points de vue.

A ce compte-là, il ne serait même plus question d’une hausse catastrophique des primes d’assurance, mais d’un arrêt complet du trafic tout court, parce que personne ne voudrait ni assurer pareil risque, ni même embarquer sur de tels navires. Et d’ailleurs, personne ne voudra jamais organiser de convois où figureraient des méthaniers. Ces monstres-là sont “trop dangereux pour pouvoir être seulement protégés”... Comme les banques devenues trop grosses pour pouvoir être sauvées ?

Mais revenons au Moyen-Orient et au Golfe persique. Plus encore qu’en Libye, les Etats-Unis ont surtout mis en avant leurs supplétifs, à commencer par leurs alliés qataris et saoudiens qui fournissent hommes, cash, et équipement, et qui sont (surtout les Saoudiens) en situation pré-révolutionnaire, juste au moment où le couperet vient de tomber sur HSBC, la première banque britannique, pour sa contribution au financement des réseaux terroristes de Al-Qaïda avec l’argent de l’Arabie Saoudite, grand financeur par ailleurs de l’extrêmisme sunnite. Et si la véritable cible des Etats-Unis, c’était ce régime corrompu qu’il pourrait devenir opportun de lâcher ? Par exemple si la situation devait tourner à l’aigre pour les faux révolutionnaires et vrais mercenaires de l’Armée Libre Syrienne ? Cela au moment où on assiste à une amorce de grand déballage sur la véritable nature de cette Armée Libre Syrienne ?

PS : Je ne dis pas que cela ferait partie d’un “grand plan” élaboré à l’avance vu l’insistance des Etats-Unis et surtout de leurs alliés à renverser Assad, plutôt la manifestation de la très grande paranoïa des Américains, qui les conduit à tâcher de ne pas mégoter sur la quantité de fusibles disponibles si jamais les choses devaient tourner au vinaigre… Un peu comme les grandes banques dont les dirigeants affirment systématiquement découvrir en même temps que nous l’ampleur des turpitudes de leurs salariés… Mais la ficelle commence à être quelque peu éculée, ce qui est une autre histoire, celle des limites inhérentes à toutes les manipulations. Et je ne sais d’ailleurs pas si un tel “revirement de situation” se produira, en tout cas ce n’est pas le matériel qui manquera sur place si cela devait se produire. Et on pourrait compter sur la gracieuse neutralité de l’Iran en pareil cas, le même genre de neutralité qui a conduit à ce que les Etats-Unis finissent par leur confier discrètement les clés de l’Irak ?

@ David Cayla

Richard RUTILY

  22/07/2012

Bonjour David,

Il me semble que l’explosion que vous décrivez d’un méthanier ne pourrait pas avoir lieu de manière aussi violente. L’oxygène nécessaire ne serait pas disponible en quantité suffisante dans un temps suffisemment bref. Mais ce serait quand même une belle explosion.

Les bombes à effet de souffle

David Cayla

  22/07/2012

Bonjour Richard,

Ces bombes aussi appelées armes thermobariques créent une dépression sous l’effet de la combustion du carburant qu’elles utilisent (un liquide inflammable hautement volatil, et le gaz naturel liquéfié est particulièrement volatil), laquelle aspire violemment l’oxygène de l’air ambiant, avant de produire enfin un effet de souffle une fois que tout le carburant a été consumé.

Les Russes ont d’ailleurs testé une telle bombe en 2007, chargée de 7 tonnes d’explosif, et d’une puissance comparable à l’explosion de 44 tonnes de TNT. En fait, mais je suis d’accord avec vous sur le fait que l’explosion d’un méthanier n’ait jamais été testée “en grandeur réelle”, une bête règle de trois me dirait que l’explosion d’un méthanier chargé de 160 000 tonnes de gaz naturel liquéfié pourrait se comparer à celle de de 160 000 x 44 / 7 = 1 méga tonne de TNT.

En fait, c’est potentiellement encore pire que mon estimation du départ… Peut-être que vous avez raison, mais cela ne se tente pas. Et l’idée d’une “belle” explosion mais qui demeurerait malgré tout “contrôlée” ne m’inspire pas du tout confiance.