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Article : Notes sur la “guerre insaisissable”

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dominique

  03/06/2013

La conclusion d’une conférence de Jorge Beinstein sur LGS

Le but objectif (au delà des discours et prises de position officielles) de la “nouvelle stratégie” n’est pas l’établissement de solides régimes vassaux , ni l’installation d’occupations militaires durables qui contrôleraient les territoires de manière directe mais c’est bien de déstabiliser, de briser les structures de la société, les identités culturelles, de diminuer ou éliminer les dirigeants. Les expérience de l’Irak et de l’Afghanistan (et du Mexique) et, plus récemment, celles de la Libye et de la Syrie confirment cette hypothèse.

Il s’agit de la stratégie du chaos périphérique, de la transformation des pays et des régions les plus vastes en aires désorganisées, balkanisées, dotées d’états-fantômes, de classes sociales (hautes, moyennes et basses) dégradées en profondeur, incapables de se défendre, de résister, face aux pouvoirs politique et économique d’un Occident qui peut ainsi s’emparer impunément de leur ressources naturelles, de leurs marchés et de leurs ressources humaines (de ce qui en reste).

Cet impérialisme fanatique du XXI° siècle correspond à des tendances à la désintégration dans les sociétés capitalistes dominantes, en premier lieu celle des Etats-Unis. Ces économies ont perdu leur potentiel de croissance vers 2012 après 5 années de crise financière. Elles oscillent entre la croissance anémique (Etats-Unis), la stagnation tournée vers la récession (Union Européenne) et la contraction de la production (Japon).

Les états, les entreprises, et les consommateurs, sont écrasés par les dettes. La somme des dettes publiques et privées représente plus de 500 % du PIB au Japon et en Angleterre et plus de 300 % en Allemagne, en France et aux Etats-Unis dont le gouvernement fédéral était en 2011 au bord du défaut [de paiement]. pour comble de dettes et de systèmes productifs financés, il existe une masse financière mondiale équivalant à une vingtaine de fois le Produit Brut Mondial. Ce moteur dynamisant, cette drogue indispensable au système, a cessé de croître il y a approximativement 5 ans et les gouvernements des principales puissances tentent d’empêcher sa récession.

Alors se présente l’illusion d’une sorte de maîtrise stratégique depuis les hauteurs, depuis les sommets de l’Occident, sur les basses-terres, sur la périphérie, où pullulent des milliers de millions d’êtres humains dont les identités culturelles et les institutions sont vues comme des obstacles à la rapine. Les élites de l’Occident, tout l’empire dirigé par les Etats-Unis, sont chaque jour davantage persuadés que la rapine en question aura une vieillesse prolongée et éloignera le fantasme de la mort.

Le chaos périphérique apparaît à la fois comme le résultat concret d’interventions militaires et financières (produit de la reproduction décadente des sociétés) et comme le fondement de féroces pillages. Le géant impérial cherche à profiter du chaos pour finir par introduire ce chaos dans ses propres rangs ; la destruction souhaitée du monde extérieur n’est pas autre chose que l’auto-destruction du capitalisme comme système mondial, sa perte rapide de rationalité. Le fantasme autour de la maîtrise impérialiste du chaos dans le monde extérieur représente une profonde crise de perception, la croyance que les désirs du puissants deviennent facilement des réalités. L’imaginaire et le réel se confondent en formant un énorme bourbier psychologique.

En réalité, les formes opératives de la “stratégie” de la maîtrise impériale du chaos la transforment en un enchevêtrement de tactiques qui essaient de donner une forme à une masse de plus en plus incohérente, prisonnière du court-terme. Ce qui avait la prétention de devenir la nouvelle doctrine militaire, la pensée stratégique innovante qui répondait à la réalité du monde actuel en facilitant sa domination par le capitalisme n’est pas autre chose qu’une illusion désespérée engendrée par le mouvement de la décadence.

Derrière l’apparence d’ “offensive stratégique” font irruption les gestes de la main défensifs, historiquement, d’un système dont la direction impériale est en train de perdre la capacité d’appréhender la totalité du réel. La raison d’état est en train de devenir un délire criminel extrêmement dangereux compte tenu du gigantisme des Etats-Unis et de ses alliés Européens.

Jorge Beinstein
http://www.legrandsoir.info/l-illusion-de-la-maitrise-imperiale-du-chaos-2eme-et-derniere-partie-rebelion.html

ZC

  03/06/2013

Bravo à Dominique dont je partage totalement le point de vue.

Je crois en effet et depuis longtemps, en fait depuis la 1ère guerre IRAK et le long embargo qui a suivi, avec la non fly zone qui a permis le survol permanent et les bombardements réguliers de l’Irak avant la seconde intervention , à la destruction de toute possibilité pour les pays “nourriciers” de l’Occident de sortir du chaos. Ainsi et pour n’évoquer que l’Irak: 1000 MORTS AU MOIS DE MAI 2013, cela gêne qui?

Mais bien avant , l’IRAK il y eu le LIBAN qui comme le phoenix renait toujours de ses cendres;
S’en est suivi la TUNISIE, la LYBIE (renvoyée pour des siècles au moyen âge, en tout cas dans la volonté de ceux qui sont intervenus en 2011), et la SYRIE , qui est la mère de toutes les batailles et au coeur de ce moyen orient objet de toutes les convoitises.
L’IRAN , gigantesque morceau doit attendre un peu, le travail de sape est loin d’être terminé, et la société plus complexe à appréhender;

La TURQUIE connaitra son heure et l’ALGERIE ensuite.

Comme l’Europe se vide de sa jeunesse au profit de l’ALLEMAGNE qui n’a nul besoin d’investir dans une politique de natalité et d’éducation, cueille à bas prix toute l’elite jeune d’Europe qui se paupérise de jour en jour, l’AFRIQUE et le Moyen Orient (qui disposent eux aussi d’élites ) ne peuvent ni ne doivent sortir du chaos.

Tels sont les projets qui tiennent le SYSTEME debout;

Et de mon modeste point de vue, à l’instar des progrès de la medecine qui permettent aux vieux de jouir mieux et plus longtemps de la vie, le SYSTEME a trouvépar la grâce du chaos   sa cure de jouvence.

Le réel

Arrou Mia

  03/06/2013

“la direction impériale est en train de perdre la capacité d’appréhender la totalité du réel. La raison d’état est en train de devenir un délire criminel extrêmement dangereux compte tenu du gigantisme des Etats-Unis et de ses alliés Européens.”

Le système s’en contrefiche.
Il prétend le créer de toutes pièces.
Ce contrôle de la réalité qu’il façonne de toutes les façons par ses interventions intempestives désordonnées souvent contre-productives faussement cohérentes car rien ne vient s’y opposer avec vigueur est impossible.
Il y a des sous-acteurs, ceux en fond de cale même rivés à leurs chaînes qui creusent des petits trous dans le rafiot, simplement parce qu’ils ont faim ou qu’ils s’ennuient.

Avez-vous connaissance de plus grand délire que la guerre de 39-45?
Vous assistez à la suite.

Conférence des mollusques

Théo TER-ABGARIAN

  14/06/2013

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre exposé sur la guerre syrienne insaisissable, extrêmement brillant. Mais je ne suis pas certain que cette guerre soit une guerre de type G4G, il suffit de se pencher sur les Commentaires de la guerre des Gaules de César ou les Mémoires du duc de Rohan pour y voir une banale G1G avec des moyens technologiques plus développés certes et des niveaux de contradictions innombrables. Mais le conflit reste lisible. Il y a les tendances centrifuges, la logique « hors mes murs, le chaos est une garantie », qui explique la politique du Qatar, d’Israël et dans une moindre mesure les Etats-Unis. Il y a les tendances centripètes, la logique du « stable partout », et la Russie s’en est faite une spécialité depuis des lustres (rappelons que Wilson a attendu 1916 pour entrer en guerre contre l’Allemagne car la Russie intrinsèquement «despotique» était du côté d’un camp qui se prétendait démocratique). Le clivage ordre/chaos se retrouve dans la crise ultralibérale qui a produit le clivage Etats-nations/Multinationales anti-étatiques –où s’intègrent très harmonieusement toutefois les lobbies militaro-industriels. J’ai apprécié quand dans un texte récent vous introduisez la notion de biologie où les lois ne sont plus simplement physiques mais réparties selon la courbe de Gauss, c’est-à-dire que l’on peut être normal hors les normes. Les tenants de l’ordre et ceux du chaos, au regard de la biologie, sont dans l’aberration. Si notre cœur bat de manière anarchique de 10 à 200, on est mort (arythmie), s’il ne bat en permanence qu’à 60 idem (il ne s’adapte pas à l’effort, etc…). C’est une petite métaphore physiologique qui permet de résumer la chose.

Pour saisir, il faut pouvoir saisir. La guerre syrienne est insaisissable aussi me semble-t-il parce que les dirigeants, les experts et les journalistes ne maîtrisent pas les bases élémentaires leur permettant d’appréhender le dossier. Ils sont dans le pétrin, du coup, ils nous mettent tous dans le pétrin. Il y a crise de la connaissance (pas seulement perturbation du jugement). Bagage culturel de plus en plus rétrécis, paresse intellectuelle. J’ai été atterré par la retransmission de la Commission des Affaires Etrangères du mercredi 29 mai dernier où M. Fabius a été «auditionné». Après la Conférence des Oiseaux de ‘Attâr nous avons eu droit à la Conférences des Mollusques ! La pauvreté de pensée, l’incapacité à analyser, la perte de l’esprit critique des élus, amorphes, que faisaient-ils là ? L’indigence des propos de M. Mamère, les propos de comptoir de M. Fabius («il y a de chiites sympas, mon ami l’Agha Khan ! » etc…) Effroyable. Que peut M. Fabius en tête à tête avec la machine intellectuelle qu’est M. Lavrov ? Rien.