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Article : Métadonnées, action métahistorique et rolling stone

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Moi et TINA, c'est officiel !

Andros

  13/08/2013

“Mais la situation, sous nos latitudes y compris donc, possède actuellement quelque chose de pire que sous la Guerre froide – pire pour l’esprit et la psychologie.”

Disons que dans les pays communistes, on savait dès le départ être surveillé. Qui l’était plus que les autres, c’était difficile à savoir, mais dans le doute on filait droit.

L’affaire Snowden n’est qu’une transition vers une situation de ce type. D’ici quelques années, de plus jeunes que nous (eh oui…) riront des vieux qui s’offusquent encore du manque de vie privée.

Le problème fondamental de cette histoire est qu’Internet est devenu incontournable. Les entreprises, les administrations, les familles ne fonctionnent plus sans cela. Elles le pourraient, certes, mais à quel prix ?

En effet, Internet n’a pas rendu les alternatives obsolètes, c’est aussi beaucoup moins cher. La télédéclaration des impôts, les sites de presse accessibles gratuitement, la pornographie aussi (pour un adolescent c’est là toute la différence, souvenons-nous des problèmes logistiques et financiers liés aux revues de notre époque…), les SMS d’amour, la soirée-diapositive permanente (ça s’appelle Facebook maintenant), tous ces aspects cités pêle-mêle font partie du même ensemble. C’est pratique, c’est gratuit, c’est incontournable.

C’est-à-dire que la société ne fonctionne déjà plus sans Internet, et cela bien sûr ira en s’accentuant. Certes, pour quelques marginaux il y aura encore un espace de liberté partielle (gageons que George Orwell, même aux Hébrides, avait toujours un compte en banque avec lequel il pouvait payer de quoi se chauffer voire même se nourrir).

Ce qui est pire que durant la Guerre Froide, c’est que maintenant la surveillance totale et permanente est connue de tous. Comme nous ne pouvons plus nous passer de la chose, nous voici contraints de l’accepter. C’est une étape décisive vers la soumission psychologique : après cela, ce n’est plus qu’une question de mise en forme.

En cela, “There Is No Alternative” car le fait même de changer de système passerait par une phase de déstabilisation (révolution ou autre) alors que nous sommes dans un système en flux tendus. Des millions de gens élevés en batterie se nourrissant de millions de poulets à 5 Euros, comment une révolution peut-elle maintenir la vie de ces gens si elle casse la Machine ? Comment une révolution ne pourrait-elle pas être immédiatement odieuse, coupable d’un sabotage génocidaire ?

Cela, si bien sûr une révolution était encore possible. Grâce à Snowden, tout révolutionnaire en herbe se sait surveillé par une foule d’ordinateurs capables d’analyser le contenu de sa tête (d’après son historique Internet, la formulation de sa pensée…) et le fond de sa pensée mieux que lui-même le pourrait.

Les sociétés complexes finissent par s’effondrer (Cf. Joseph Tainter) parce que les individus ne participent plus à l’effort collectif. Mais dans notre cas présent, la Machine remplace les hommes, et rend leur résistance passive sans objet. Pour un whistleblower qui renoncent, des milliers d’ingénieurs et d’opérateurs veillent à ce que nos séries TV et nos histoires de pipol soient dûment livrés. Le système fonctionne parfaitement.

Bien sûr qu’un effondrement est inévitable, mais c’est seulement l’effondrement de l’univers d’une certaine génération. Dans les années soixante quelques paysans étaient encore nostalgiques de l’époque où on pouvait cultiver sans acheter de carburant, et puis ils s’en sont en allés, en regardant Dalida à la télé. Nous avons encore la nostalgie d’un monde sans flicage continu, mais nous utilisons Internet pour le dire.

La nouvelle génération est déjà prête et formatée, ses parents lui font bien comprendre qu’elle sera surveillée de manière totale (au plein sens du terme), et puis elle s’en ira dans ses aventures numériques.

Internet pour tous, c’était en 1994, bientôt 20 ans, c’est-à-dire une génération.

Puisque la vie (l'irréductible et magnifique vie !) ne se réduit pas à l'officiel…

Christian

  13/08/2013

A Andros:

1. Petite émission que l’on peut écouter…

http://www.rts.ch/espace-2/programmes/entre-les-lignes/4572794-entre-les-lignes-du-28-01-2013.html

(Jean-Pierre Martin, l’auteur de « L’autre vie d’Orwell », est lui aussi quelqu’un d’intéressant : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Pierre_Martin)

2. Et puis ensuite, réécouter :

https://www.youtube.com/watch?v=vWwgrjjIMXA

3. Et puis ensuite, sortir dehors…

Christian Steiner.

Très bon article

Jean-Paul Baquiast

  13/08/2013

Très bon article, et très bon commentaire d’Andros. La question de savoir pourquoi les gens, dont nous sommes, se résignent à cette situation, et continuent à considérer le web comme un espace de liberté? Parce qu’il n’ont pas mieux pour s’exprimer?

Quena il est question d'effondrement aux USA ...

Pascal B.

  14/08/2013

...  en lien avec ce qui est développé ici, il est (très) intéressant de se souvenir des textes de Dmitry Orlov pour compléter notre perception du cycle des événements :

Les cinq stades de l’effondrement 11 novembre 2008==> http://www.orbite.info/traductions/dmitry_orlov/les_cinq_stades_de_l_effondrement.html

Un entretien avec Dmitry Orlov - 15 décembre 2011 ==> http://www.orbite.info/traductions/dmitry_orlov/un_entretien_avec_dmitry_orlov.html

Fragilité et effondrement : lentement d’abord puis tout d’un coup - 5 juin 2012 ==> http://www.orbite.info/traductions/dmitry_orlov/fragilite_et_effondrement.html