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Article : L’Europe se déchire, — c’est plutôt douloureux mais c’est complètement nécessaire

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Pentagone contre hexagone

Crapaud Froid

  12/03/2009

J’avais lu à l’époque l’édito du Monde cité in extenso et, me désolant comme ses auteurs que les Polonais achètent le F16, en avais seulement conclu qu’une véritable Europe n’était pas pour demain. (Mais Chirac, leur ayant déclaré qu’ils avaient « perdu une occasion de se taire », ne risquait pas de se concilier leurs faveurs…)

Découvrant cette critique percutante, je me demande comment j’ai pu gober l’édito sans coup férir. Son premier paragraphe ne m’a pas paru mensonger, car l’idée d’« Europe puissance » est celle du projet européen depuis son origine. A partir de là, on ne s’étonne pas que les nouveaux venus le contrarient, puisqu’ils ont une histoire très différente de la nôtre.

Mais à regarder la réalité en face, (« Un tourbillon, une confusion de petits calculs, de batailles d’influence sans grandeur, de petits intérêts aveugles, d’ignorance complète des enjeux, ce qui est à peu près l’exact reflet de la situation dans au moins à peu près tous les pays sur les 15 de l’UE »), l’on réalise subitement que ce « projet » n’est qu’un paravent, le masque vertueux mais virtuel d’une Europe incapable de s’unir.

Il y a de quoi être « stupéfait » que Le Monde cherche ainsi à nous faire croire au père Noël, mais il y a pire : puisqu’il conclue à « l’incapacité de l’Amérique à tolérer un allié indépendant qui s’appellerait l’Europe », il laisse entendre que cette Europe serait un bien meilleur allié si elle pouvait acheter des Rafales plutôt que des F16, et il reproche aux Américains de ne pas faire confiance à leur partenaire. Sous-entendu : nous partageons les mêmes valeurs et les mêmes priorités. C’est ne pas voir ni mesurer, du côté américain, la hantise, la paranoïa, la haine de tout ce qui se teinte de socialisme. Somme toute, Le Monde est aussi atlantiste que les nouveaux venus, et regrette seulement que la France n’en profite pas.

Détail curieux: le « seul pays à avoir une conviction européenne réelle, une conviction d’“Europe-puissance” », est aussi le seul à s’identifier à un être du même genre que le pentagone mais d’une autre espèce, l’hexagone. Faut-il y voir une pomme de discorde ou celle du destin ?