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Article : Leur catastrophe ontologique

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Dit autrement

Ni Ando

  20/10/2019

Je le dirai différemment. L'être en lui même n'est pas forcément différent avant et après la transgression. Les pulsions qui l'agitent sont très probablement les mêmes depuis très longtemps, en tous les cas depuis au moins bien avant la Renaissance qui n'est jamais qu'un moment de ce que l'on appelé le Moyen âge. Ce qui fait une différence c'est effectivement la tradition, un ensemble de règles non dites tant elles semblent evidentes (ceraines desuetes mais d'autres toujours pertinentes) fondées et nourries par une très ancienne histoire, qui borde les comportements plus efficacement que le juridisme moderne. Raskolnikov a une particularité. C'est un intellectuel. A ce titre, il conceptualise et ne voit plus ce qui est vivant, ce qui est sensible. Il lui semble, en tuant, qu'il transgresse une idée alors que c'est du sensible qu'il va supprimer. Les plus grands tueurs de l'histoire politique humaine ont souvent été des intellectuels tatillons (les chefs bolcheviques sans pitié de la guerre civile russe de 1918 1922 tout comme les dignitaires nazis des années 38 45). La Raison a du mal avec le sensible. Les doctrinaires de l'église ont toujours fait une place royale à la raison, mais en dessous de la foi, qui relève plutôt du sensible. L'apogée des Lumières n'est pas vraiment celle de la raison, c'est celle de la raison qui veut éliminer le sensible, qui veut regner seule et sans concurrence. C'est Raskolnikov.

Notre catastrophe ontologique

jc

  20/10/2019

Si l'on considère les choses globalement, et si l'on suit Thom, leur catastrophe ontologique devient la nôtre, c'est-à-dire la catastrophe ontologique de notre société ou civilisation. Car, pour Thom, les sociétés humaines ont un psychisme analogue à celui d'un animal¹, et on connaît le besoin exploratoire des animaux qui s'éveillent après une période de sommeil, le réveil de notre civilisation occidentale, par analogie, se faisant à la Renaissance, bien nommée à ce propos.

Psychiquement le "moi" de la société toute entière se décentre vers celui d'une société imaginaire que la société désire plus qu'elle-même (l'irrésistible attrait du progrès?). Puis, la roue cosmique tournant inexorablement, ce "moi décentré" finit par se recentrer sur sa position initiale dans un cycle de quatre "catastrophes"² (les quatre âges d'un Manvantara pour une civilisation).

Bien entendu les laps de temps catastrophiques ne sont pas aussi nettement marqués que pour le cycle de prédation d'un animal affamé qui a décentré son "moi" sur une proie; car il faut que, progressivement (éventuellement sur des générations), de plus en plus de membres de la société aient l'intuition de la catastrophe à venir, jusqu'à être suffisamment nombreux pour faire basculer le statu quo.


¹: SSM, 2ème ed., p.323

²: Cf. Métaphysique expérimentale 14.1

 

À propos du commentaire de Ni Ando

jc

  21/10/2019

NA: "Raskolnikov a une particularité. C'est un intellectuel. A ce titre, il conceptualise et ne voit plus ce qui est vivant, ce qui est sensible. (...) La Raison a du mal avec le sensible. (...) L'apogée des Lumières n'est pas vraiment celle de la raison, c'est celle de la raison qui veut éliminer le sensible, qui veut régner seule et sans concurrence. C'est Raskolnikov."

Je profite de l'extrait ci-dessus du commentaire de Ni Ando pour rappeler le récent principe de métaphysique expérimentale (et donc à expérimenter) formulé par un certain Elie Bernard-Weil et que je m'empresse de faire mien:

"Pour une pensée bipolaire …

«Il faut apprendre ou réapprendre à penser toujours d’une manière bipolaire et de ne pas céder à l’attrait d’une pensée unipolaire, branchée sur un pôle dominant -ce qu’on appelle aussi « pensée unique » de nos jours -une tentation qui fait immanquablement plonger dans l’erreur et l’impuissance. La seule excuse, c’est que presque tout le monde considère que c’est là l’enjeu de la rationalité : trouver le bon pôle. Faux! "

(NA: "Les plus grands tueurs de l'histoire politique humaine ont souvent été des intellectuels tatillons (...)".
Personnellement je supprimerai le qualificatif "politique", pour laisser une place à "religieuse" -entre nombreux autres-.)

Par delà le bien et le mal, le vrai et le faux, etc. ?  Il me semble qu'on est contraint d'en arriver là si on pense, comme moi, que la roue cosmique tourne inéluctablement, permettant ainsi la régulation de tous ces conflits binaires.

Cf. mon commentaire "Symbolisme: de la Tradition aux mathématiques contemporaines.1.1, Article lié : Du Règne de la Quantité, 20/10/2019