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Article : Le vote de Mallarmé

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Les restes indigestes.

Ilker de Paris

  21/03/2015

La concordance du mot à ce qu’il nomme se fait “hors de l’oubli”, oubli de quoi ? De la voix qui met à l’écart les contours qui nous viennent à l’esprit quand nous pensons au mot fleur, c’est là que se lèverait musicalement l’idée même, ce qui est absent de son environnement.

Donc quand nous parlons de ceci ou de cela nous “oublions” l’environnement, nous parlons donc de l’environnement, ni de ceci ou de cela.

On radote quoi, et on radote ce qui nous est donné à manger par les médias, les restes indigestes d’une information.

c'est pas si simple...

marc gébelin

  22/03/2015

vous faites un peu fausse route Ilker de Paris, si je peux me permettre… Je reprends à la racine. La racine c’est les mots. Imaginons :

J’écris au hasard des mots : ciel / bleu / nuage / blanc / plage / voir/ joie…

combine ces mots entre eux, en rajoute :

Le ciel est bleu.
Je vois le ciel bleu et ses plages de nuages blancs.
Ce ciel bleu est un sentiment de paix immense, sans limite.
Les nuages blancs dans ce ciel bleu invitent au repos, à la joie.

en rajoute encore, fais des phrases pour « faire sens » :

« Le ciel donne à l’adjectif bleu toute sa valeur ».
« Bleu, n’est pas qu’une couleur, c’est un sentiment, une sensation qui nait avec la couleur ».
« Sans oublier qu’il y a plusieurs bleus: de cobalt, d’outre-mer, de prusse, céruléen, etc… chacun ayant sa note affective »... etc.

Maintenant, une couleur vaut un ressenti. Le mot [bleu] n’est plus seulement le signe d’une couleur mais un état d’âme. Deux sens se mélangent. Evoquer le bleu, avoir du bleu, c’est “voir la vie en rose”, se détendre, être heureux.

Mais…

Je ne suis pas “un bleu”. Je vois dans la vitrine du libraire un roman, son titre est Le bleu du ciel. Ce titre a-t-il à voir ni avec le phénomène coloré, avec le lieu où il se manifeste (le ciel), avec sentiment trouvé lorsque je rapproche le bleu de l’idée de calme? Certainement pas. Tous les signifiants de ce titre désignent autre chose qu’un objet, une couleur, un lieu. Ils désignent de l’Inconnu et c’est cet inconnu que je lis dans la vitrine…

Ainsi, avec des mots ayant du sens j’ai une chaine signifiante qui n’a à proprement parler pas de sens même si chacun de ses mots en a un. Le bleu du ciel a certainement un sens, mais un à venir, un suggéré ou… pas! Il est non-sens, éveille en moi ma faim de sens, cette faim de sens qui fait que je suis un homme, un homme fait de mots.

Si attiré par ce non sens du titre j’achète le livre je réalise mon humanité, mon désir légitime de sens, d’un besoin de créer du sens. Je cherche à travers ce titre « ma couleur ».

SI MAINTENANT J’ECRIS :

“Quelques fois je vois au ciel des plages sans fin couvertes de blanches nations en joie”.

Je produis une chaine signifiante dont le sens, pourtant clair grammaticalement, m’échappe alors même que les mots employés correspondent à des objets ou des actes connus. Je trouve la phrase belle mais les mots ne sont plus des mots puisque je ne comprends pas!... La langue française imparfaite, comme toute langue, aurait-elle produit une “hors-langue” presque “parfaite”. « Les langues, en cela que plusieurs, manque la suprême », dit Mallarmé (c’est son style ampoulé!...)

Pourtant, relisant plusieurs fois la phrase, je sens que ce qui me touche c’est l’atmosphère qui émane de la phrase, le secret de ces “blanches nations en joie” dans une suite signifiante qui n’a plus rien à voir avec la mer, avec le ciel, ou avec la plage… Cette phrase est une sorte de « fleur qui grandit de soi-même du sol vide ».

Par ces phrases, je suis dans la « poésie », celle de Rimbaud. J’ai une « vision » de Rimbaud, une « idée » de lui… C’est l’ “animal” secret du Signifiant qui creuse ses galeries obscures en nous et nous conduit du profond de « la terre » au « bleu du ciel »…

C’est loin des élections? Pas tant que ça si on est attentif au sens galvaudé des mots à l’art oratoire des candidats, au choix de leur vocabulaire, à leurs hésitations, leurs gestes sûrs ou maladroits, etc.
Hollande montre par ses gestes et sa diction, la pauvreté de sa personne. Il est coincé, robotisé dans le dérisoire. Sarko l’était dans le malhonnête, l’emphase menteuse… Il faut les prendre tous, les passer au crible du langage, de l’intonation, des gestes. Alors on voit, on entend. On fait partie de ceux qui ont « des yeux pour voir, des oreilles pour entendre ».

Les mots prisonniers du virtualisme.

Ilker de Paris

  25/03/2015

Un mot, Marc Gébelin, vous pouvez l’embarquer dans n’importe quelle phrase et ça lui donne sens.

Le mot nomme quelque chose et ce quelque chose ne peut être saisi seul, hors contexte. C’est de ce hors contexte dont Mallarmé parle, quand il dit “l’absente de tous bouquets”.

Les mots de tous les jours insérés dans une phrase, font perdre l’essence, l’” idée même”, de ce qu’ils nomment.

Aujourd’hui, c’est encore pire avec le “virtualisme”, qui hallucine le monde.