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Article : Le Vicomte de Bonald et la Tradition bafouée

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la tradition ancrée dans le présent

perceval78

  15/09/2016

On retiendra a ce propos la comparaison de Sainte Beuve entre Louis de Bonald et Frédéric le Play qui comme chacun sait est une des sources d'inspiration d'Emmanuel Todd.

La grande différence entre les réformes proposées par M. Le Play et celles des autres philosophes politiques, lors même qu'ils ont l'air de se rapprocher, consiste dans le point de départ, dans la méthode et aussi dans l'inspiration. M. de Bonald, par exemple, que je viens de nommer, était un esprit éminent et 
ingénieux, mais absolu
, qui, vivement frappé de tout ce que la Révolution avait supprimé de fondamental et de vital en détruisant l'ancien régime, désirait un retour en arrière, et qui, la Restauration venue, aurait voulu voir rétablir purement et simplement, et par des moyens d'autorité directe, tout ce qu'on pouvait ramener de cet ancien régime à moitié ressuscité. Appartenant à la vieille race de gentilshommes ruraux que  n'avaient pas atteints la corruption de Cour et l'élégance des vices inhérents à Versailles ou même nés bien auparavant à Fontainebleau et à Chambord dès le règne de François Ier, il déplorait la perte d'un état de choses, où la grande propriété, la famille, la religion, les moeurs étaient garanties .il avait l'imagination et le souvenir remplis des tableaux d'une vie simple, régulière, patriarcale, frugale, antique, et il demandait au 
Pouvoir royal restauré de rétablir de son plein gré et de toute sa force ce qu'il avait laissé perdre par sa faute, ce qu'il avait compromis et entraîné avec lui dans une ruine commune…

M. de Bonald était chez nous le plus éminent, mais n'était peut-être pas le plus exagéré des esprits qui réagissaient dans cette voie…
J'ai tenu à montrer l'excès dans ce système de restauration pure du passé, dont M. de Bonald nous représente le sommet le plus éminent et le plus imposant, mais dont M. Rubichon nous marque le degré le plus hardiment rétrograde. Avec de tels hommes, pas plus avec celui qui rendait ses oracles d'un ton chagrin, négatif et répulsif, qu'avec celui qui nous lançait à la tête ses anathèmes à l'état de singularités et de boutades, il n'y avait moyen de s'entendre. la guerre continuait…

M. Le Play est d'une génération toute nouvelle il est l'homme de la société moderne par excellence, nourri de sa vie, élevé dans son progrès, dans ses sciences et dans leurs applications, de la lignée des fils de Monge et de Berthollet et, s'il a conçu la pensée d'une réforme, ce n'est qu'à la suite de l'expérience et en combinant les voies et moyens qu'il propose avec toutes les forces vives de la civilisation actuelle, sans prétendre en étouffer ni en refouler le développement…

Toutefois il a vu des plaies, il les a sondées, il a cru découvrir des dangers pour l'avenir et, à certains égards, des principes de décadence, si l'on n'y avisait et si l'on n'y portait remède et non-seulement en bon citoyen il pousse un cri d'alarme, non-seulement il avertit, mais en savant, en homme pratique, muni de toutes les lumières de son temps et de tous les matériaux particuliers qu'il a rassemblés, au fait de tous les ingrédiens et les mobiles sociaux, sachant tous les rouages et tous les ressorts, il propose des moyens précis de se corriger et de s'arrêter à temps… 

Lui aussi, il rend justice au passé, à l'ancien ordre social disparu: il croit que ce sont les derniers règnes seulement et les vices de Cour, avant tout, qui ont tué l'ancienne monarchie il regrette que les passions, excitées et portées au dernier paroxysme par les abus et les scandales dont la tête de l'ancien régime donnait l'exemple, aient amené l'explosion finale et rendu la rupture aussi complète avec l'ancienne tradition, avec l'ancienne nationalité française…

M. Le Play, qui sait qu'il faut un degré d'optimisme pour l'action et qui s'est voué de coeur et d'esprit à l'apostolat du bien, ne s'en tient pas à ces vues générales et négatives. Je rappellerai encore une pensée de M. de Bonald : Il y a des hommes qui par leurs sentiments appartiennent au temps passé, et par leurs pensées à l'avenir : ceux-là trouvent difficilement leur place dans le présent.Lui, il a voulu faire mentir le mot et montrer qu'il appartient au présent

Etonnant , oui .

Christian Feugnet

  15/09/2016

Chaque phrase de ce texte suscite de la reflexion . Et puis dans  quelle belle langue , celle du 18e siécle , il y a de la lumiére là , rien que çà c'est un plaisir  . Mais quand méme 17 volumes , çà me fait peur , je suis trop enfoncé dans la modernité , perdu corps et bien . J'aurais aimé étre un aristocrate au 18e siécle . Mais pourquoi la France a perdu contre l'Angleterre , peut étre quelque chose qui nous échappait . Au contraire l'Angleterre conserve ses traditions , devenues ridicules , certes , à mon sens ; donc la solution s'il y en a une doit étre ailleurs encore . Oui l'avenir c'est le passé plus le présent . Belle formule , opératoire ?