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Article : L'antiaméricanisme de Aron et Dandieu

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précision sur la critique de l'Amérique

Zajec

  27/06/2003

L’extrait de la prose de Dandieu et Aron, que vous proposez, est très intéressant, mais il est peut-être mal mis en perspective, ou du moins, sa postérité l’est-elle. Vous écrivez en effet:

“A partir de là, l’anti-américanisme deviendra idéologique pour l’essentiel (on est anti-américain parce qu’on est pro-soviétique, ou marxiste). Ce n’est qu’aujourd’hui qu’on commence à retrouver des courants de critique de l’américanisme qui rejoignent en ampleur et en ambition ceux de la période Aron-Dandieu”.

Historiquement, vous procédez ainsi à un saut digne des raccourcis politiques, idéologiques et historiques des neo-cons américains. Toute la deuxième moitié du vingtième siècle a été remplie de critiques non-marxistes de l’américanisme, critiques qui ne s’intéresaient pas tant au paradigme libéral et capitaliste qu’à la nature réelle du messianisme américain. Ces critiques se situaient pour la plupart à droite: La Nouvelle droite, en particulier, a depuis longtemps analysé la véritable nature de l’imperium américain (voir en particulier les lumineux passages d’Alain de Benoist sur les Etats-unis dans “les idées à l’endroit” (1979). Que certains commentateurs et analystes, revenus de de leurs illusions et de leurs paradis collectivistes s’aperçoivent aujourd’hui des ambitions et surtout de la nature réelle de la psyché américaine, tout cela est bel et bon. Mais il serait honnête intellectuellement de reconnaître que la critique “européenne” et charnelle du rouleau compresseur post-moderne qu’est l’Empire américain, colosse sans identité, sans mémoire et sans but, n’a jamais cessé depuis les efforts des non-conformistes des années trente. Maulnier, Venner, de Benoist et d’autres n’ont pas attendu la mondialisation pour s’en redre compte. Ils eurent le tort d’avoir raison avant tout le monde, et, surtout, d’opérer cette critique salutaire tout en ne cédant pas à l’illusion communiste. Il ne faut jamais avoir raison trop tôt. On peut ajouter que cette critique, tout comme celle des anti-conformistes des années trente, s’est faite au nom de l’émergence nécessaire d’une Europe consciente d’elle-même, de son identité, de son destin et de son histoire. Tout ce qui s’opposait, évidemment aux illusions d’un quelconque “sens de l’histoire”, qu’il soit communiste ou “démocratiste”.

Si nous nous battons aujourd’hui pour ne pas sortir de l’Histoire, c’est pour avoir oscillé entre ces deux illusions, consommé de ces deux opiums, sans nous interroger sur le sens du destin proprement européen.

Ce commentaire voulait simplement rappeler que ce n’est donc pas , comme vous l’écrivez, seulement aujourd’hui que l’on retrouve des courants de critique de l’américanisme d’une ampleur comparable à celui que représentent Dandieu et Aron. Ces courants ont toujours existé, mais ils étaient moins politiquement corrects, vus leurs défenseurs, que l’atlantisme béat ou le communisme buté qui faisaient alors recette.

Vous ferez de ces commentaires ce qu’il vous plaira. Votre site est extrêmement intéressant.

O. Zajec