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Article : La Syrie, les “mots magiques” et le déterminisme-narrativiste

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Tenir ensemble les fils d'une démonstration...

marc gébelin

  15/08/2015

La position d’être celui qui par la finesse ou l’inhabituel de ses concepts renvoie dos à dos les protagonistes d’un débat, est tentante. Elle m’a souvent tenté car expliquer l’histoire relève du discours paradoxal et tenir ensemble tous les fils d’une démonstration est hors de notre portée. Il y aura toujours des vides, des creux, des non-dits dans ce qui est dit.

Pourtant laisser entendre que « les USA et leur “politique“ sont aussi vides qu’une coquille vide datant du Tertiaire », après m’avoir fait rire me fait un peu tiquer.
Que l’intelligence historique des Yankees soit petite, cela me semble une évidence car les Usa ne sont ni une nation, ni un pays et donc pas un Etat, par contre leur intelligence de marchands, de boutiquiers, au fond d’affairistes qui ne pensent qu’au business me parait grande. Faudrait-il dire par exemple que le choix de faire attaquer l’Iran par l’Irak dans les années 80 et puis de laisser Saddam se piéger tout seul au Koweït, fut le fruit d’une narrative ou d’un politique système sans cervelle? Je pense au contraire que cette stratégie dans son cynisme (toute stratégie est cynique) méritait de gagner. Que Saddam dans sa primarité de despote mal éclairé s’y soit laissé prendre, ne devrait étonner personne. Je ne connais dans l’histoire récente qu’un homme qui n’a pas laissé son intelligence s’infecter par le despotisme, autre nom d’une autorité nécessaire, c’est de Gaulle. A ce niveau on peut dire que la destruction de l’Irak est due à Saddam d’abord, certes abusé par les petits lutins déconneurs d’outre atlantique, mais à Saddam d’abord. La stratégie américaine fut digne de Sun Tsé. Bien sûr, gros balourds qui croient écraser les problèmes au lieu de les résoudre, ils ont eu leur récompense, haine partout contre eux dans le monde, dette abyssale, morts (pas beaucoup et de toute façon seuls les pauvres couillons du prolétariat américain ou latino qui y ont cru eux aussi à la « bonne guerre » qui leur permettrait de devenir président comme autrefois le cireur de chaussure du Bronx, et pas le bon citoyen Us rangé).

A l’opposé dire « que nombre d’antisystèmes n’ont la sensation de ne pouvoir exister que dans la mesure de la puissance de ce qui les menace dans l’ordre de l’humain dressant des plans machiavéliques », n’est pas absurde sauf que… l’histoire montre que les complots de toute sorte sont précisément les évènements qui, à 40 ans de distance lorsqu’ils sont révélés par des déclassifications de documents top secret, sont seuls capables d’expliquer l’inexpliqué d’autrefois que l’on croyait inexplicable. Mais il y a complot et complot. Que les Américains par exemple aient fourni les ressources en pétrole via les pays neutres pour rendre possible la gigantesque offensive de la Wehrmacht contre l’Urss qui nécessita des millions de tonnes de carburant, n’est pas un complot mais cela est-il dit dans les manuels ou appris à Science Po? Idem pour IBM qui permit aux allemands de déloger les Juifs de partout où ils se trouvaient en Allemagne et ailleurs. Ce n’est pas un complot, juste un « fait » dont l’anniversaire ne sera jamais fêté. On préfère raconter des histoires de bombardement d’aiguillages qui n’ont pas eu lieu ou accuser la Sncf de participation à la shoah, plutôt que de répéter à chaque anniversaire d’Auschwitz par exemple que c’est IBM qui a favorisé le gazage (une suite de l’enquête serait de connaître tous les noms des dirigeants d’IBM entre disons 1935 et 1945).

Ajoutons à ça la psychologie et surtout celle de ceux qui mériteraient un psychologue à domicile, tant leur comportement est… comment dire? dément? Mais là, nous entrons dans un autre domaine qui celui des hommes « qui font l’histoire » dit-on. Qu’un Truman ait « fait » l’histoire personne je pense n’en doute. Par sa décision de bombarder Hiroshima et Nagasaki, il a déclenché la guerre froide et à obligé Staline à une politique de soviétisation forcé en Europe de l’est qui n’était nullement dans ses intentions premières. Mais comprenant que les avions Us et anglais qui s’étaient distingués de Dresde à Tokyo, en passant par Hambourg, Hiroshima et Nagasaki, devaient être tenus à la plus grande distance possible de l’Urss, il a finit par admettre que la bonne intelligence avec Roosevelt n’avait plus d’avenir. Ainsi, les deux bombes nucléaires sur le Japon sont un complot, c’est-à-dire une stratégie dont le but était l’isolement de l’Urss en vue de sa destruction ultérieure. Heureusement le grand savant Sakharov vint. On connaît hélas la suite. Les historiens du futur auront à cœur de dire que ce sont les forces nucléaires russes qui ont évité la 3e guerre mondiale.

En ce qui concerne la Syrie, il ne faudrait pas oublier qu’elle était dans le collimateur du psychopathe dubbleyou Bush dès son arrivée à la maison blanche, que les Saoudiens, aidés des Allemands et de Chirac, après l’attentat contre Hariri, ont fait des pieds et des mains pour démontrer que les Syriens étaient coupables. Que le désir de détruire Bachar remonte à loin et est donc un des fils rouges dans la politique Us. Avaliser donc, en référence au texte de Mac Clatchy, « une complète incertitude sur l’intérêt stratégique de la Syrie pour les USA, sur la valeur, le crédit, les capacités de l’opposition, ni même sur l’aide que les USA pouvaient apporter à une politique de régime change en Syrie », ne me parait pas raisonnable. Dire par contre qu’après l’Egypte et la chute de Moubarak, les yankees ne savaient pas s’il valait mieux garder un despote pour éviter que le populo, la racaille, la rue arabe, s’en mêle, et que, dans un premier temps, les plus raisonnables à la Maison blanche n’avaient rien contre Assad, ça oui. Mais ça n’a pas duré et ils ont été rendus inaudibles les raisonnables, par les fous de la politique système. Enfin, l’affectivisme se montre de plus en plus en ce que les hommes politiques (enfin, ce qui en tient lieu) ne fondent plus leurs analyses sur des faits politiques, stratégiques, géopolitiques bien compris lorsqu’ils diabolisent un homme. Ici le « pas très catholique » Fabius, selon la fine expression de ce cher Georges Frêche, s’est sans doute tissé d’immondes lauriers en tant que ministre « de la France », en fait ministre des intérêts d’Israël et des Saouds en souhaitant publiquement la mort d’un président étranger.
Faire par contre de Juppé le néocon effrayant les amerlos me parait lui prêter trop de pouvoir et trop de « cojones » quand on pense qu’il a obéi à BHL pour la guerre en Syrie, tout ça pour garder sa place de ministre. Là, on mesure encore mieux le rôle des sayanim en France (voir les livres de Jacob Cohen*, ce juif qui a « la haine de lui »!) et cela explique la « lâcheté » d’un Hollande, d’un Valls on d’un quelconque ministre de la France tous passés par des institutions franco-américaines, c’est-à-dire des institutions pilotées de loin ou de près par le lobby juif de l’Aipac.

Il reste que le déchainement de la matière, concept clé de Dedefensa, mériterait de repasser par l’âme subtile de De Maistre, voire de Baudelaire, qui attribuaient tous deux ouvertement au diable, d’indiscutables pouvoirs. Non que ce concept n’ait sa pertinence vu notamment la façon dont il a été construit en prenant Verdun et la 1e guerre mondiale comme le premier signe d’une déshumanisation radicale pénétrant la sphère de l’histoire humaine, mais cette forme de métahistoire n’en reste pas moins une abstraction intellectuelle, non une réalité surhumaine (au dessus de l’homme), plaçant les Puissances du Mal à l’œuvre. Etre « mystique » peut être une aberration de la raison, sentir en soi et dans le monde à l’œuvre les Esprits du Mal c’est autre chose que De Maistre comme Baudelaire expérimentaient, et qu’un homme comme Poutine doit sans doute sentir frémir. Ce qui se passe en Ukraine, c’est-à-dire à la porte de la Sainte Russie est le signe que le grand combat est plus contre le christianisme dans ce qu’il a de plus fondamental, de plus essentiel pour la compréhension du monde, que contre l’Islam qui n’est que le prétexte à de bas raisonnements de boutiquiers, de boursicoteurs, voire de transsexuels, qui s’imaginent avoir en charge le destin du monde qui, selon eux, ne pourrait raisonnablement s’envisager que par le « mondialisme » à condition que sa capitale soit à… Jérusalem comme le suggère à demi mots notre diablement peu cultivé mais arrogant Attali.
Ainsi à la question « est-ce le chien qui remue la queue » ou « la queue qui remue le chien », chacun pourra s’efforcer d’admettre qu’il n’y aurait rien d’extraordinaire à ce qu’une queue ait tant de pouvoir.

NOTE
* Jacob Cohen à propos de sayanim
http://www.egaliteetreconciliation.fr/Jacob-Cohen-reagit-a-l-organisation-de-Tel-Aviv-sur-Seine-34451.html

Stratégie si, "mots magiques" non

Patrice Coste

  15/08/2015

Que le déclenchement de la crise Syrienne ait été en partie imprévu, ou plutôt lié à des circonstances, des évènements non prévus, certes.
Par contre qualifier de “vide absolu” la stratégie US est aussi une forme d’aveuglement.

Il est beaucoup plus simple et plus logique de replacer cela dans le contexte de l’évolution de la stratégie Bush de recomposition du Moyen-Orient, évolution qui donne bien une ligne stratégique dont le résumé-raccourci serait: un croissant sunnite allant de l’Egypte au Liban, aux mains des Frères Musulmans parrainés par la Turquie et sponsorisés par le Qatar (et/ou les Saoud).

Schéma intellectuellement (voire “moralement”) satisfaisant, puisque qu’il s’agit finalement de laisser le M-O aux arabes, ici à une puissance arabe plus ou moins transnationale a priori “modérée” vue des USA et surtout alliée, qui avait l’avantage de faire tampon entre Israël et l’Iran et en ce sens calmant les deux, et permettant aux USA de se désengager du M-O pour aller pivoter vers l’Asie.

Plus le “leading from behind” et l’utilisation des “partenaires”, cf. la doctrine Obama etc…. toutes choses qui permettent aux USA de dire “c’est pas nous” ou à d’autres de penser “ils font n’importe quoi au M-O”.

On en trouvera l’origine par exemple chez Seymour Hersh en 2007: http://www.newyorker.com/magazine/2007/03/05/the-redirection On observera dès cette époque en France les débuts de la réhabilitation de l’Islam des Frères, l’arrivée du Qatar,  la célébration du nouveau leader Turc Erdogan - au passage on peut se demander pourquoi c’est la composante nationalo-islamiste AKP qui a été ainsi promue et non son associé-devenu-rival la néo-confrérie Gülen.

Les circonstances ont décidé de la séquence des évènements au M-O. En particulier le Liban, plus fragile, était sans doute plus dans les cibles initiales que la Syrie… Dans les facteurs annexes ont peut ajouter les gaz et pétroles de schiste et la modification des mix énergétiques (gaz et renouvelables) qui ne sont pas sans influence sur le jeu des acteurs (Saoud en particulier).

Que cette (re)construction intellectuelle du “Moyen-Orient élargi” s’est heurtée à la dure réalité, entre autres à cause de cette fâcheuse arrogance/ignorance et du jeu des Saoud et des Frères et de l’utilisation des salafistes etc. : oui.
Que cela a transformé l’échec patent en Iraq en une catastrophe régionale, oui.
Et que la suite ressemble à de l’improvisation en fonction de l’indocilité des différents “pions”, oui.

La critique du papier de Hannah Allam: http://www.moonofalabama.org/2015/08/narrative-and-reality-of-the-us-war-on-syria.html
Le topo de la Rand corporation de 2008: http://www.rand.org/content/dam/rand/pubs/monographs/2008/RAND_MG738.pdf
Et sur le rôle de la France: http://www.renenaba.com/les-islamophilistes-tontons-flingueurs-de-la-bureaucratie-francaise/

Sans oublier https://wikileaks.org/gifiles/docs/16/1671459_insight-military-intervention-in-syria-post-withdrawal.html où l’on voit bien une certaine improvisation, mais encore une fois circonstantielle, car il est clair que tout le monde est prêt “à y aller” comme en Lybie.