Forum

Article : Eschatologisation de l’esprit

Pour poster un commentaire, vous devez vous identifier

Fin d'un temps

jc

  03/01/2021

Guénon termine "Le règne…"  en disant que la fin d'un manvantara n'était pas la fin du monde mais la fin d'un monde. Je pense que c'est la même chose ici : nous sommes à la fin d'un temps, précisément la fin du quatrième et dernier temps d'un manvantara, la fin de son âge de fer.

PhG : "Chacun prend sa voie, chacun tente son sort, chacun cherche son destin, pour découvrir qu’au bout il y a une communauté de toutes ces choses où nous nous retrouverons tous, certains sans mémoire de rien, d’autres songeant gravement à ce qu’il s’est gravé d’infini dans leurs mémoires."

Personnellement je n'arrive pas à me détacher de l'idée que nous vivons la fin du quatrième temps d'un cycle que l'on retrouve quasiment à toutes les échelles et avec tous les substrats. C'est le cycle détente-échappement-admission-compression, les temps étant séparés par des évènements au sens de Finkielkraut et Badiou ou des catastrophes au sens de Thom, et la fin du quatrième temps étant la plus catastrophique (fin de systole pour le cycle cardiaque, explosion pour le moteur à explosion, prédation pour le cycle de prédateur-proie, etc.). C'est difficile d'imaginer ex abrupto que la dynamique soit la même pour un cycle cardiaque qui dure une seconde et pour un manvantara qui dure des milliers d'années. Çà l'est moins si on croit comme moi en ma citation thomienne favorite : "Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés.". Je vois ça comme des engrenages : il y a un moteur non mu qui meut tous ces cycles avec pignons et roues dentées. Il y a des cycles facilement arrêtables pendant un laps de temps pas trop grand (on peut s'arrêter de respirer ou sauter quelques repas) -mais on doit rattraper le temps perdu-. Dans le cas d'un manvantara je ne vois pas ce que la société peut faire pour arrêter ou même infléchir le cours de la métahistoire car le rapport de dents du pignon du moteur non mu à la roue civilisationnelle est gigantesque. Voilà où je suis bloqué, depuis un bon bout de temps maintenant.

Participation mystique

jc

  04/01/2021

Matheux de formatage initial, j'ai quelque réticence à aborder le sujet qui suit. Mais puisque Thom l'aborde…

Dans sa métaphysique, Aristote distingue la pratique, la poïétique et la théorétique, et, dans cette dernière, la mathématique (connaissance des substances abstraites de la matière), la physique (connaissance des substances immergées dans la matière) et la théologie (connaissance des substances séparées de la matière). Mais les matheux dans leur immense majorité (dont Thom -et donc moi-) sont platoniciens et considèrent donc que leur domaine est également celui des substances séparées de la matière, autrement dit qu'un mathématicien est un théologien : le θεο de θεολογία a à voir avec le θεώ de θεώρημα (dont le sens étymologique -donc le vrai sens- est "contemplation"). M'étant ainsi auto-proclamé théologien, j'ai déjà moins de réticence à aborder le problème de la participation mystique puisque je suis maintenant dans mon rôle (https://fr.wikipedia.org/wiki/Participation_mystique).

Mon intuition basse (je tente de m'opposer -par principe héraclitéen- en topocrate face au logocrate PhG et sa mystérieuse -mystique?- intuition haute) me souffle que nous sommes à la fin de l'âge de fer, pour moi yang-yang, masculin, et que nous allons rentrer dans un nouvel âge d'or yin-yin, féminin (de ce point de vue la féminisation de la société -dont on constateactuellement les débordements- est pour moi tout-à-fait dans la nature des choses). Aussi je serais très heureux d'avoir une explication rationnelle de l'effondrement des deux tours de NY et de la flèche -mis pas des tours- de NDP, évènements-catastrophes à la symbolique évidente.

Pour Thom "la rationalité n'est guère qu'une déontologie dans l'usage de l'imaginaire" (et il ne se gêne pas pour s'écarter de la rationalité "aristotélicienne") : "On ne cherchera pas à fonder la Géométrie dans la Logique, mais bien au contraire, on regardera la logique comme une activité dérivée (et somme toute bien secondaire dans l'histoire de l'esprit humain) une rhétorique." (ES, p.16). Cela laisse donc la latitude d'user de cette nouvelle rationalité pour tenter d'aborder le problème de la participation mystique.

Thom fait à plusieurs reprises allusion à Durkeim et Lévy-Bruhl (en particulier AL pp. 461 et 501), montrant ainsi qu'il s'est intéressé au problème.  La citation ci-après (SSM, 2ème ed. p. ) donne une idée de la façon dont il l'aborde :

"Selon notre point de vue, le symbolique est issu du conflit entre deux critères d'identité. Il existe en effet deux manières radicalement différentes d'envisager l'identité d'un être :
a) Pour un être spatial, matériel, l'identité peut être définie simplement par le domaine (connexe) d'espace-temps que cet être occupe. En effet, deux objets matériels sont impénétrables l'un à l'autre, comme deux solides. L'identité d'un homme, son nom propre, peut être considérée comme définie par la localisation spatio-temporelle du domaine occupé par son corps. (L'identité « civile » réduit cette localisation aux lieu et date de naissance.)
b) Pour un être de type abstrait, comme une qualité, par exemple, l'identité ne repose plus sur une base spatiale. Une même couleur, vert par exemple, peut être trouvée simultanément en deux endroits différents de l'espace ; la définition même de la qualité est parfaitement indépendante de la localisation spatio-temporelle des objets qui la possèdent. Ici l'identité est de nature sémantique, elle fait appel à la » compréhension » d'un concept.

À partir du moment où la « qualité d'être », le statut ontologique qu'on accorde à un être, est plus de nature sémantique que de nature spatiale, alors rien ne s'oppose à ce que cet être puisse apparaître simultanément – sous des apparences d'ailleurs diverses – en des lieux différents de l'espace. D'où les faits de » participation » que Lévy-Bruhl avait qualifiés de prélogiques, mais qui, en fait, s'expliquent très naturellement dans le cadre d'une logique « intensive », qui met plus l'accent sur la compréhension des concepts que sur leur extension, comme le fait la logique moderne. C'est du conflit – de la dialectique – entre ces deux critères d'identité que naît l'imaginaire.

[Remarque : vu la première phrase et la dernière, je pense qu'il faut remplacer le dernier mot (imaginaire) par symbolique.]

Personnellement je suis fasciné par la section "Chréodes génitales" de SSM , tirée du chapitre 9 épigraphé "Et le Verbe s'est fait chair", section dans laquelle la catastrophe "ombilic parabolique", alias "phallus impudicus" (dans le texte, 2ème ed. p.192). Cette section se termine par : "un autre problème soulevé par cette étude [de la formation des organes génitaux] est celui de l'apparition des centres organisateurs secondaires d'un centre organisateur primitif. (...) Il est tentant de penser qu'en effet, un centre organisateur secondaire apparaît par un phénomène de focalisation, quelquefois à assez grande distance du centre primitif. Ainsi, le triple bang causé par le passage d'un avion supersonique peut se manifester de manière très localisée [focalisée!] à grande distance de la trajectoire de l'avion."

Il ne m'en faut pas plus pour faire l'analogie bikini (maillot de bain féminin)/Bikini(essai nucléaire US). Les tours du World Trade Center et de Notre Dame de Paris comme signes des temps précurseurs d'une catastrophe de type paraboloïde elliptique ?

L'article "Dieu a-t-il un plan B ?" (https://www.dedefensa.org/article/dieu-a-t-il-un-plan-b )se termine par :

"La Grande Crise, la GCES m’épuise… “Moi non plus”, répond en ricanant mon double (le tragique et son bouffe). – en ajoutant, sur un ton d’un humour effroyable et grossier : “On récolte ce qu’on s’aime”, – et moi, toujours voulant le dernier mot pour qu’enfin le crépuscule de son temps le fasse taire : “Quand on sème, on a toujours vingt ans”."

 

Participation mystique.1

jc

  04/01/2021

Je me souviens avoir fait il y a longtemps un commentaire de ce genre, commentaire que je précise ici.

Dans participation mystique.0 j'ai évoqué ma façon de voir les quatre âges d'un manvantara : âge d'or yin-yin ; âge d'argent yin-yang ; âge de bronze yang-yin ; âge de fer yang-yang, où, par convention le premier nommé est dominant dans le couple.

Il y a une certaine confusion dans la façon qu'a Thom d'utiliser le terme de catastrophe. C'est ainsi en effet, d'une part, qu'il désigne ses sept catastrophes élémentaires et leurs extensions, et d'autre part qu'il classifie en deux types les ruptures phénoménologiques en catastrophes de bifurcation et catastrophes de conflit.

Dans le cas d'un manvantara, deux âges consécutifs sont séparés par une rupture phénoménologique : il s'y passe quelque chose. Entre l'âge d'argent et l'âge de bronze on passe de yin-yang à yang-yin : c'est donc clairement une catastrophe de conflit, conflit remporté par les "yang", les trois autres étant des catastrophes de bifurcation (de changement de sexe!), avec un seul changement de sexe dans le couple dans les cas yin-yin -> yin-yang et yang-yin -> yang-yang, et avec deux changements simultanés à la fin de l'âge de fer.

Dans un article de AL intitulé "La notion de programme en biologie", Thom fait la distinction entre les deux catastrophes, la catastrophe de bifurcation étant une catastrophe" locale, donc obtuse", alors que la catastrophe de conflit est "intelligente" car exigeant une analyse globale du comportement du système dynamique.

Dans le cas d'un être vivant dont l'évolution est régie par l'affectivité (les choix malheureux provoquant une douleur, les choix heureux un bien-être), le modèle que Thom décrit dans l'article conduit à ce que le bien-être soit global alors que le mal-être est local, ce que l'on constate effectivement en général en cénesthésie.

Je pensais jusqu'ici que le cycle complet d'un manvantara était correctement modélisé par la catastrophe "fronce" (comme l'est le cycle cardiaque ou le cycle de prédation selon Thom). Mais cette catastrophe ne pouvant rendre compte de la double bifurcation yang-yang -> yin-yin, il semble naturel de se tourner vers la catastrophe  "double fronce", catastrophe qui "contient" la catastrophe "ombilic parabolique", alias catastrophe "champignon".