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Article : Eschatologique, effectivement…

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à De Defensa

nol

  14/08/2009

Quand on découvre, comme moi, De Defensa depuis peu, il se peut que l’on soit fort séduit par le ton et la teneur de vos propos. Après tout, combien de blogs ou sites insistent sur le caractère “civilisationnel” de la crise et vice-versa ?  Cette vision des choses m’attire non pas par intérêt intellectuel, mais parce qu’elle correspond à quelque chose de viscéral chez moi que toute la tartine médiatique humaniste-progressiste-rationaliste des 40 dernières années n’a fait que renforcer ( ceci étant dit non pas pour raconter ma vie mais pour couper court à toute prétention “rationnelle” et “raisonnée” dans les choix politiques, philosophiques et existentiels de chacun, comme tout bon forum de discussion peut le démontrer). Vous avez une certaine vision des choses et il est bon pour la connaitre, de s’intéresser un peu aux archives. Je prendrais cet exemple parmi sans doute beaucoup d’autres, mais je n’ai pas vraiment le temps :
“On perdrait son temps à chercher des desseins machiavéliques, les constructions mystérieuses des uns et des autres. Les hommes, et les dirigeants politiques en sont ô combien, sont les jouets de ces forces historiques dans une mesure qui n’a jamais été rencontrée précédemment. L’essentiel pour ce temps historique est moins d’analyser les “politiques” que de distinguer où peut nous conduire la logique des grands événements qui se déroulent sous nos yeux.” ( dans un billet sur la France et l’Otan de novembre 2007)
Il y a donc “des forces historiques”, il y a aussi des organisations et des bureaucraties qui semblent suivre leur propre logique, douées pour ainsi dire d’une vie propre, voir le billet sur le Pentagone (Les Etats de l’Union contre la “militarisation corporatiste”).  J’ai longtemps pensé effectivement que des corps constitués comme l’administration, l’armée, les grandes écoles, Monsanto, Coca-Cola, la CIA,  etc etc vivaient leurs propres vies et leurs propres buts indépendament des élus du contribuable ( les gouvernements) et des souhaits des consommateurs. La vieillesse relative de ces institutions brouille un peu les cartes, mais cela est particulièrement flagrant quand on s’intéresse par exemple à des “sectes” de création relativement récente ( 20 à 50 ans disons) qui normalement n’auraient pas dû survivre plus d’un an à la mort de leurs fondateurs. La structure continue ?

Entre la “conspiracy” et le “fuck-up”, vous semblez avoir choisi le ” disaster of the first magnitude” comme disait Winston après les accords de Munich, quelque chose qui nous dépasse tous complètement et d’abord nos braves élites : l’OTAN au bord de l’éclatement, structure faible et dépassée, le Pentagone qui suit sa logique bureaucratique, l’Etat Fédéral en pleine décomposition, l’Empire américain au bord du gouffre qu’il a lui-même créé...Tout indique la médiocrité, l’incompétence, la corruption, le laissez-aller, le manque de courage, le manque de perspective, plutôt que la planification, la “conspiration”, le “dessein”. A ce titre vous me rappelez la posture d’une certaine gauche radicale américaine, qui, en gros et pour schématiser, voit dans le 9/11 un “fuck-up” de 1ère catégorie commis par une classe dirigeante si médiocre qu’elle aurait été par ailleurs bien incapable de concevoir et encore moins de mener à bien un tel projet ( Peut-être ainsi pour se différencier de l’extrême-droite hard-core, qui, eux, ne se privent pas pour prêter aux “élites” et à l’Etat Fédéral les intentions les plus noires ).

Votre vision des choses est intéressante, séduisante, mais elle, ou plutôt votre argumentation, a parfois du mal à passer.
” Ces projets du Pentagone sont de pur type bureaucratique, avec la tendance de la bureaucratie à toujours étendre ses investissements, ses pouvoirs de contrôle, etc. Ses projets de contrôle de la Garde Nationale sont à placer sur le même plan que son expansion continuelle dans un réseau de bases extérieurs (plus de 700), le résultat étant d’ailleurs, comme toujours dans le mouvement bureaucratique, un accroissement constant des charges sans avantages politiques et militaires décisifs, et même, en temps de crise, pour un résultat contraire. Le but recherché n’est d’ailleurs pas politique et militaire mais un simple mouvement automatique de renforcement de soi-même (de la bureaucratie). ” ........
“Le but du Pentagone n’est pas le pouvoir politique sur le territoire (dictature, fascisme et ainsi de suite) mais la destruction du pouvoir politique. C’est pourquoi il s’attaque aux pouvoirs des Etats de l’Union, qu’il perçoit comme des pouvoirs politiques échappant au grand mouvement déstructurant qui est en cours, et très efficacement, à Washington, dans le cœur du “centre”. ”
Humm,  non seulement ces affirmations vont à l’encontre des maigres convictions que j’ai pu acquérir dans cette vie, mais elle se contredisent elles-mêmes : soit le Pentagone suit son penchant bureaucratique ( c’est naturel , c’est comme ça), soit le Pentagone suit un “agenda” politique bien précis, qu’il soit “structurant” ou “déstructurant” selon le point de vue où l’on se place. Ou alors il fait les deux et je n’ai rien compris ( ce n’est pas grave, je n’en suis qu’au début de mes lectures ici..)
Le résultat finalement est le même : on se prépare à Washington pour des troubles, sociaux, sécessionnistes, et autres . Vous pensez, si je ne me trompe, que cela ne fera qu’accentuer le chaos. Je suis d’un avis opposé.

Ces forces économiques "prétendument si puissantes" s’avèrent "totalement inorganisées" ?

Francis Lambert

  16/08/2009

“Almost a year since the collapse of the Icelandic banks, the rotten nature of these financial corpses is slowly beginning to emerge. (...)

Eva Joly, the French-Norwegian MEP and fraud expert hired by Iceland and now working with the Serious Fraud Office, now believes it will be “the largest investigation in history of an economic and banking bank collapse”.
Many of the banks’ secrets are likely to be inextricably bound up with corporate Britain (...)

“Iceland got its regulations from the EU, which was basically sound,” he says. “But the government had no understanding of the dangers of banks or how to supervise them. They got into the hands of people who took risks to the highest possible degree.” (...)

(rappelons quand même que l’Islande n’est pas membre de l’UE mais de l’EEA depuis 1992. L’EEA est un traité entre l’UE et l’EFTA. L’EFTA est “l’European Free Trade Association” créée par la Grande Bretagne en réponse au “Marché Commun” : on est en plein dans le libéralisme anglo-saxon “bound up with corporate Britain”. )

So how did no one manage to spot that these banks were making precarious loans to benefit a very small number of people?
One London-based analyst at a large investment bank who followed Kaupthing, Glitnir and Landsbanki for many years is unsurprised at the some of the revelations. It is the ratings agencies and financial supervisors who must take the blame for failing to spot some tell-tale signs that some unusual activity was occurring, he claims. (...)

So how are these investigations likely to end?
One major issue faced by the investigators is the tightly-knit nature of the financial community, where family and friendship ties are everywhere. “

Extraits de
2009/08/15 Iceland: what ugly secrets are waiting to be exposed in the meltdown ? By Rowena Mason
http://www.telegraph.co.uk/finance/newsbysector/banksandfinance/6034654/Iceland-what-ugly-secrets-are-waiting-to-be-exposed-in-the-meltdown.html

L'idéologie comme mythe

PEB

  17/08/2009

Vous avez raison effectivement de démythifier l’état critique du système.

L’idéologie, tout comme le parricide et l’inceste, est un leurre. C’est une vue de l’esprit. Elle est un lieu de la méconnaissance de notre propre violence. Le Saint-Père parle de nature blessée. (Et non, Sa Sainteté n’autorise pas le crime en col blanc, bien au contraire!)

La Main Invisible est la divinité de la bonne réciprocité de l’argent. Elle ignore que l’argent est, au départ, un objet rituel qui doit compenser la mauvaise réciprocité. Le capitalisme ignore que l’argent ne doit pas être accumulé indécemment au point d’être ressenti comme une menace. La finance fut une activité rituellement impure car le financier était le ministre d’un objet sacré et donc potentiellement violent. Le libéralisme, c’est le mythe de la liberté déchaînée dans une enceinte économique sans rites ni interdits (travail dominical &c.) et donc sans protection des personnes.

Le socialisme est le miroir inversé de tout cela.

Par le technologisme, l’homme s’aveugle lui-même en préférant l’outil à son humanité.

Toutes ses forces, qui se déployaient relativement séparément autrefois, sont aujourd’hui en voie de conjonction. Leurs pouvoirs déstructurants se présentent donc comme une crise cumulative. Tant que le passage de la diachronie à la synchronie des Quatre Cavaliers (tyrannie, guerre, famine et peste*) n’est pas consommé, le Jour de Colère (Dies Irae) n’a pas encore lieu.

Le déplacement sacrificiel de la crise vers l’idéologie est de moins en moins efficace. La présente chronique qui révèle la royale nudité en est un des signes.

* tyrannie (blanc) = hubris d’un pouvoir défaillant et autoritariste
guerre (rouge) = conflit extérieur et intérieur déstructurant
famine (noir) = faillite des systèmes économiques
peste (vert) = épidémie psychologique et sanitaire = affaiblissement généralisée des esprits et des corps

La puissance technologique dont nous observons la progression vers son impuissance à être.

Francis Lambert

  17/08/2009

La complexité croissante semble créer son propre trou noir qui l’aspire.

Mais n’est ce pas une vieille histoire ?
Une théorie se complexifie et invente “l’éther” par exemple pour intégrer certains faits. Les faits et les contradictions se multiplient au hasard des recherches, bientôt la théorie n’arrive plus à tout intégrer dans son modèle ... “son impuissance à être”. Avec un peu de chance un prix Nobel propose une meilleure théorie.
Ne serions nous pas ainsi en transitions ? Au pluriel car il semble y avoir une “convergence de transistions” qui bouche autant le champs de visibilité.

Pour se limiter aux crises économiques, les précédents ne manquent pas et poussent à la prudence :

“The banking crisis of 1873 started what has been called “The Long Depression”. This consisted of a period of rolling recessions that continued for almost 40 years and included additional banking crises in 1893 and 1907.
This long period of economic and financial turmoil was a major motivator in the formation of the Federal Reserve Bank. The Fed was the first true central national bank for the U.S. since the dissolution of the Second Bank of the United States in 1837 by Andrew Jackson.”
Extrait de http://seekingalpha.com/article/156269-coming-soon-banking-crisis-of-historic-proportions

Donc une “Longue Dépression” de 40 ans avec des milliers de faillites puis la création de la FED ... et ça recommence en 1929.

Ne pas oublier , en actualisant le parallèle, la convergence avec la révolution scientifique et les nouvelles technologies, l’insécurité terroriste (la dynamite récemment inventée alimentait une myriade d’attentats), l’idéologie communiste, l’effondrement en 3 jours de l’empire Tsariste (encore), l’effroyable guerre de 14-18, la montée des USA (comme le BIC Brésil-Inde-Chine) parallèle au déclin de l’empire océanique britannique.

Ces “cycles” poussent à la prudence dans l’analyse, sans la refuser.
Faut il absolument sortir du doute ? N’est ce pas une attitude américaniste ?

Banksters et agences de notation : re-titrisation des titres toxiques "nearly identical"

Francis Lambert

  25/08/2009

Un “titre toxique” est un mélange, vicieux ou malin, de créances de qualité avec des “subprimes” (sortes d’emprunts à fonds perdus).
Cette enveloppe de créances variées et avariées constitue un nouveau “titre opaque”.
Les banquiers achètent alors la “qualification” d’une Agence de Notation pour les vendre au mieux.
C’est une tromperie et un vol en bandes organisées : la City et Euronext-NYSE sont parmis les meilleurs dealers de ces produits toxiques. Ces traders se sont gorgés de commissions dans un “poker menteur” d’enfer.

A force les banquiers perdent confiances entre eux ! Ils dévalorisent, changent les règles ... et n’ont toujours pas plus confiance. L’effondrement immobilier et économique dévalorise encore ces titres jusqu’à plus rien. La tentative de rebond des marchés n’arrive pas à réévaluer leurs avoirs, leurs bilans s’érodent toujours. 
Ils encaissent tout ce qu’ils peuvent mais ces fonds ne compensent pas les dévaluations, ils n’arrivent plus à prêter, l’incertitude sur leur bilan et la “garantie d’état” devient la condition de leur survie.
Le sort du “marché libre” dépend des Nations. Ces Nations salvatrices que les banques endettent sur des générations sans même parvenir à y trouver les revenus de leur survie.

On aurait pu penser que ces banquiers, désormais guidés par nos politiciens, allaient ouvrir ces “enveloppes” de titres toxiques, trier les bonnes créances des mauvaises et les replacer sur un marché devenu transparent autant qu’efficient ... avec des Agences de Notation indépendantes et autres bienfaits des experts financiers à l’éthique aussi irréprochable que leurs discours.

Hélas :

“Deja Vu: Investment Banks Recycling Mortgages
by THE ASSOCIATED PRESS, August 24, 2009

Wall Street may have discovered a way out from under the bad debt and risky mortgages that have clogged the financial markets. The would-be solution probably sounds familiar: It’s a lot like what got banks in trouble in the first place.

In recent months investment banks have been repackaging old mortgage securities and offering to sell them as new products, a plan that’s nearly identical to the complicated investment packages at the heart of the market’s collapse.

“There is a little bit of deja vu in this,” said Arizona State University economics professor Herbert Kaufman.”

La suite sur http://www.npr.org/templates/story/story.php?storyId=112171128&ft=1&f=1006