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Article : DIALOGUES-32 : Occuper Wall Street, ou de l'intuition en politique

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Sortie de Système

René Moreau

  21/11/2011

Merci tout d’abord de m’avoir donné  l’opportunité en voyant le mot — monisme —  de me remettre en tête ce concept et l’occasion de l’approfondir.
Wikipédia consultée me donne l’assurance rien qu’en voyant le sommaire que je vais avoir de quoi me nourrir et approfondir pour un moment

Par ailleurs en vous lisant m’est venue la pensée que :  “pour étudier, analyser correctement un système il fallait y être extérieur”.  Ce qui sous tend l’idée qu’il faille en sortir. et nous voilà rejoignant ainsi le concept d’Inconnaissance prôné par P.G

Mais comme vous le dites si bien,  nos cerveaux enregistrent des données, des idées,  parfois inconsciemment sans toujours être capable de même se rappeler où et comment telle idée, telle information leur est parvenue, et ils les traitent ultérieurement faisant émerger quelque chose d’utile à eux mêmes et parfois à la collectivité.

C’est justement mon cas ici même pour une information notée précédemment ,  je ne sais plus si j’ai vu cette notion “d’extériorité à un système,  nécessaire pour l’analyser correctement ”  sur Dedefensa il y a quelques temps ou dans d’autres lectures,  par exemple dans le domaine scientifiques où cette nécessité est fréquemment rencontrée,  et d’ailleurs dans certains cas on s’y heurte aussi car il n’est pas toujours possible de monter une expérience capable   d’être hors du système étudié

Cette synthèse de textes en résonance, pour ce cas précis,  s’est donc faite en vous lisant dans une réalisation concrète et immédiate de votre explication plus abstraite .

Monismes

jc

  02/10/2021

En parcourant (rapidement…) https://www.dedefensa.org/article/mythologies-monistes j'ai actionné le moteur de recherche du site qui m'a conduit à ce Dialogue32 entre PhG et JPB (Jean-Paul Baquiast). Une fois parcouru ce dialogue je le commente en commençant par citer un extrait de l'article Wikipédia sur "Le règne de la quantité et les signes des temps" de René Guénon, tellement il me semble représentatif de la façon dont j'imagine que JPB voit les choses:

" La raison, la faculté intellectuelle individuelle par excellence de l'être humain, est devenue un « dogme », s'accompagnant, depuis Emmanuel Kant, de la négation de tout ce qui est d'ordre supra-individuel, notamment de l'intuition intellectuelle pure. Tout cela débouche sur une matérialisation de toutes les activités humaines et du triomphe du domaine économique et de l'industrie. Parallèlement, il y a disparition des métiers anciens, en particulier de l'artisanat, où l'activité de l'artisan était un prolongement de son être et un support pour son développement spirituel. Les objets sont estimés par leur prix, signe du règne de la quantité". (JPB ne fait aucune distinction esthétique entre des cathédrales comme Reims et des tours modernes comme celles de Dubaï, https://www.dedefensa.org/article/dialogues-4-lindividu-dans-lhistoire).

L'article "Monisme" de Wikipédia m'a fait découvrir la polysémie du mot. Clairement pour moi il s'agit chez le technocrate JPB du monisme matérialiste ("le monisme que postule la science matérialiste"), exactement le même, selon moi, que celui que revendique le philosophe Michel Onfray dans "Cosmos" où, toujours selon moi, il se positionne en anti-Hegel.

Pour moi Guénon est évidemment moniste, comme toute personne ayant foi en la Tradition primordiale. N'étant pas matérialiste (le matière est pour lui le Mal), le voilà donc naturellement conduit à être classé parmi les monistes spiritualistes, en compagnie de Hegel, ce qui fera très certainement hurler -avec raison- les guénoniens. PhG, ayant lui aussi foi en la Tradition primordiale, est lui aussi moniste. Rentrent-ils dans une case de l'article Wikipédia?

La position de PhG vis-à-vis de la matière n'est pas celle de Guénon (la Matière -M majuscule- est le Mal, mais pas la matière -m minuscule-, PhG prometttant de nous éclairer à ce sujet dans le troisième tome de "La Grâce…"). Le monisme transcendantal "pessimiste" me semble adéquat pour désigner son monisme: "les pessimistes ou mystérianistes considèrent que le monde phénoménal étant le seul accessible à l'homme, l'absolu « doit être rangé au nombre des inconnaissables ».

Quid du monisme de Guénon? Je n'ai que la citation suivante de "Le symbolisme de la croix", pour moi insuffisante pour le classifier :  "L’unité principielle exige en effet qu’il n’y ait pas d’oppositions irréductibles. Par conséquent, tout « dualisme », qu’il soit d’ordre théologique comme celui qu’on attribue aux Manichéens, ou d’ordre philosophique comme celui de Descartes, est une conception radicalement fausse.". Cependant j'ai noté un certain nombre de correspondances avec le monisme thomien (bien que Thom soit beaucoup plus "in re" -mais pas, surtout pas, nominaliste- et matérialiste que Guénon, selon moi résolument "ante rem" et essentialiste).

Thom se dit lui aussi moniste : "C'est sans doute sur le plan philosophique que nos modèles présentent l'apport immédiat le plus intéressant. Ils offrent le premier modèle rigoureusement moniste de l'être vivant, ils dissolvent l'antinomie de l'âme et du corps en une entité géométrique unique." (SSM, conclusion)  -position qui n'a guère été prise en considération, à ma connaissance, par les philosophes contemporains…- et je le vois bien soit dans la catégorie des monistes transcendantaux psychophysiques ou celle des monisies cosmiques, soit dans celle  des monistes immanents (la théorie des catastrophes étant pour Thom "une théorie de l'analogie qui contient en quelque sorte en elle-même son propre principe" et Thom se met volontiers à la place de Dieu : "Selon de nombreuses philosophies Dieu est géomètre; il serait peut-être plus logique de dire que le géomètre est Dieu").

Voilà. J'espère, moi apprenti-philosophe autodidacte, n'avoir pas dit trop de bêtises aujourd'hui.

Monismes.1

jc

  03/10/2021

Dans le .0 j'écrivais: "PhG, ayant lui aussi foi en la Tradition primordiale, est lui aussi moniste. ". Mais sur le site jepense.org que je viens de découvrir et que je trouve de bonne tenue il est écrit :

"La transcendance évoque l’idée de nécessaire effort pour établir un lien avec le principe supérieur : c’est entre autres le rôle des spiritualités et des religions (du latin religare : relier). L’immanence évoque plutôt l’idée de rechercher dans la matière et en soi-même ses propres causes : c’est une invitation à l’introspection, à la connaissance de soi pour accéder à la Connaissance avec un grand « C ».
Ainsi la transcendance appelle à chercher vers le haut pour percer le mystère de Dieu, comme pour monter à une échelle. Au contraire, l’immanence invite à chercher au fond de soi pour y trouver le secret de la Création : c’est l’idée qu’il y aurait en nous, comme en toute chose, la flamme du principe organisateur." ,

ce à quoi je ne trouve rien à redire. Et plus loin :

"La transcendance évoque une Lumière venant d’en haut, alors que l’immanence évoque une présence lumineuse « en-dedans »" et " La première est verticale (à l’image de l’axe du monde) alors que la seconde est horizontale (plan de la manifestation)"

aux accents pour moi typiquement guénoniens qui devraient satisfaire PhG.
 
Et enfin, ce qui justifie ce Monismes.1, puisque ce qui suit va à l'encontre de ce que j'ai écrit dans le .0 :

"La transcendance a tendance à séparer le corps et l’esprit, alors que l’immanence sous-entend que tout est dans tout,"; d'où il suit que "La transcendance porte en elle un certain dualisme, y compris dans la manière de percevoir, alors que l’immanence est un monisme,".

Ces citations m'enhardissent dans la voie du .0 où j'écrivais le plus discrètement possible (compte tenu de l'idée que PhG a, je crois, de l'immanence): "je le vois bien [Thom] (...) dans celle [la catégorie] des monistes immanents.".

La citation thomienne suivante, jointe aux citations de jepense.org qui précèdent, me conforte dans l'idée d'un monisme thomien immanent:

"... en écrivant ces pages j'ai acquis une conviction; au cœur même du patrimoine génétique de notre espèce, au fond insaisissable du logos héraclitéen de notre âme, des structures simulatrices de toutes les forces extérieures agissent, ou en attente, sont prêtes à se déployer quand ce deviendra nécessaire. La vieille image de l'Homme microcosme reflet du macrocosme garde toute sa valeur: qui connaît l'Homme connaîtra l'univers." (SSM, Épilogue).

NB: Je précise que, pour moi, l'immanence est au-dessus de la transcendance, seul Dieu pouvant contenir en lui-même son propre principe. Aussi j'interprète cette citation thomienne comme une prophétie : Dieu est en nous, et il se manifestera quand ce deviendra nécessaire.".
.

 

Conceptualisme et intuition

jc

  27/03/2022

Je poste mon commentaire ici parce que le mot intuition apparaît dans le titre et que j'y ai déjà fait des commentaires concernant la querelle des universaux, commentaires en rapport avec ce qui suit. Je poste après avoir lu un commentaire de l'article "Ukrisis, catastrophe potentielle" par JC Cousin qui évoque Abélard, généralement classé comme conceptualiste, et après avoir lu le tout récent "Mathematica", du matheux David Bessis, qui tente de réhabiliter -en mathématiques- l'intuition par rapport à la raison -présentée par DB comme l'incontournable juge de paix du mathématicien".

1. À propos du conceptualisme.

Présentée comme intermédiaire ("in re") entre la position "ante rem" (l'idée avant la chose) et "post rem" (l'idée après la chose), la position conceptualiste se décline (1) en conceptualiste ontologique -celle d'Abelard- et conceptualiste méthodologique -celle de Kant-. ce qui m'a retenu dans (1) c'est que dans les deux cas l'intuition vient exclusivement du côté des choses :

"aucune réalité substantielle en dehors du sensible " (conceptualisme ontologique), "C'est au moyen de la sensibilité que des objets nous sont donnés, seule elle nous fournit des intuitions" (Kant) (conceptualisme méthodologique).

Thom refuse cette façon essentiellement matérialiste de voir les choses selon laquelle c'est l'existence qui implique l'essence; Pour lui l'objet extérieur (la chose) remonte au sujet porteur de formes intérieures génétiques de la même façon que la tintement de la sonnette agit sur le chien de Pavlov (Rantanplan).  il y a pour lui harmonie entre objets extérieurs et formes intérieures, l'idée est pour lui dans la chose et la chose est aussi dans l'idée. C'est -à mon avis…- ce qu'il dit en substance dans les citations suivantes :

"(...) le problème classique de l'opposition : « réalisme-idéalisme » ne se pose pas pour nous ; car on se place à un niveau (celui de l'image homomorphe du réel dans l'esprit) où cette distinction s'abolit.";
"C'est sans doute sur le plan philosophique que nos modèles présentent l'apport immédiat le plus intéressant. Ils offrent le premier modèle rigoureusement moniste de l'être vivant, ils dissolvent l'antinomie de l'âme et du corps en une entité géométrique unique." (SSM, conclusion).
À propos de la dernière citation il va sans dire que la conception (sic!) qu'a Thom du monisme n'a rien à voir ni avec le monisme matérialiste, ni avec le monisme idéaliste.


2. À propos de Mathematica.

J'ai été attiré et séduit par le bouquin de DB parce qu'il privilégie nettement l'intuition par rapport à la raison dans son domaine de recherche qui est la géométrie et la théorie de l'interprétation et je n'ai trouvé dans le texte principal rien qui s'opposait à la position herméneutique de Thom, si ce n'est qu'en cas de désaccord entre intuition et rationalité c'est à l'intuition à s'adapter (DB parle de la plasticité de l'intuition) à la rationalité, alors que je pense, à la suite de Thom, que c'est à la rationalité à s'adapter aux intuitions tenaces, aux intuitions prégnantes comme on dit maintenant ( intuitions qu'on qualifie parfois de hautes ou de profondes….). On comprend alors pourquoi Thom considère que la rationalité n'est pas donnée une fois pour toutes mais que ce n'est qu'une déontologie dans l'usage de l'imaginaire. Pour le conceptualiste Thom la pensée conceptuelle est une embryologie permanente. Voici ce qu'il dit de l'intuition en mathématiques:

"Dans sa confiance en l'existence d'un univers idéal [platonicien], le mathématicien ne s'inquiétera pas outre mesure des limites des procédés formels, il pourra oublier le problème de la non-contradiction." (AL,p.561).

Il est très clair pour moi que PhG est dans cette même ligne, et donc opposé à la ligne DB: en cas de litige, c'est pour lui (PhG) à la rationalité de s'adapter.

C'est en parcourant les compléments que mes illusions d'accord de DB avec la position thomienne se sont définitivement envolées :

"La question de l'origine des concepts abstraits est connue en philosophie sous le nom de "problème des universaux". La position réaliste "soutient que les concepts sont des choses réelles, c'est-à-dire qui existent indépendamment du regard humain. Le "nominalisme" (et sa variante "conceptualiste") soutient que ce sont des conventions de langage (ou des choses qui existent dans nos tes). historiquement la position réaliste a longtemps été dominante. au Moyen Âge, la question fit l'objet en Europe d'un vif débat, alimenté notamment par les prises de position nominalistes-conceptualistes de *pierre **abelard et Guillaume d'Ockham, dont les thèses furent condamnées par l'église. En ce sens, l'apprentissage profond leur a finalement donné raison.".

il n'y a donc pour moi aucun doute possible : DM est du côté de l'IA et donc du Mal (pour cette nouvelle classification, cf. mon commentaire "Tectonique des plaques.3" de l'article "Ukrisis, catastrophe potentielle" (2)). Tant pis!


1: https://fr.wikipedia.org/wiki/Conceptualisme

2: https://www.dedefensa.org/article/ukrisis-catastrophe-potentielle

Validation expérimentale des intuitions

jc

  31/03/2022

JPB a des idées précises et arrêtées sur les intuitions que le scientifique -lorsqu'il se coiffe de sa casquette de scientifique- doit accepter ou rejeter, et ces idées ne sont autres que celles de la science contemporaine: il faut des expériences concrètes, palpables, qui valident ces intuitions aux yeux de la dite collectivité. Et il me semble à peu près clair que c'est la ligne suivie par JPB dans cette trentaine de dialogues avec PhG. et dans son "Paradoxe du sapiens" où il introduit et développe ses idées de systèmes anthropotechniques (où la technique est considérée au sens moderne).

PhG, de son côté, ne jure que par l'intuition haute et oppose le néologisme de système anthropomystique à celui d'anthropotechnique: pour lui il y a quelque chose de plus dans l'antique teknè (traduit par art en français) que ce que les modernes en ont fait. Dit brutalement et grossièrement PhG accepte la validation psychique de ses intuitions -considérées comme des expériences de pensée- alors que JPB  n'en accepte que la validation physique. Cathédrales -> anthropomystique de PhG (anthrophoartistique); tours de Doubaï: antropotechnique de JPB.
 
Dans la conclusion de SSM Thom consacre un long paragraphe au problème de la validation expérimentale, pour constater que sa théorie n'est guère susceptible d'une validation scientifique au sens moderne: en quelque sorte, il faut y croire, il faut avoir foi en elle.

J'ai été tout récemment accroché par une citation thomienne que j'avais maintes fois parcourue sans qu'elle me retienne, citation qui, selon moi, corrobore l'idée de validation expérimentale psychique (expérience de pensée), dans le droit fil de la position aristotélicienne (c'est l'art imite la nature et non l'inverse);

"Si j'ai ainsi tendance à minimiser le rôle de l'expérience dans le progrès scientifique, c'est à cause d'une conviction : les grandes lois du monde physique nous sont implicitement connues avant d'avoir été explicitement découvertes et formulées. Il suffit d'avoir un tant soit peu réfléchi aux mécanismes à l'œuvre dans le développement embryologique pour se convaincre que la formation de notre squelette et de nos muscles suppose une connaissance implicite des lois de la mécanique ; de même, l'organogenèse de l'œil témoigne d'une connaissance implicite des lois de l'optique. L'expérimentation scientifique n'a donc fait que révéler à notre conscience des lois d'ores et déjà contenues dans le patrimoine génétique de notre espèce ; en ce sens, la connaissance scientifique est l'analogue, sur le plan de l'espèce, d'une psychanalyse sur le plan individuel : elle permet à l'homme de prendre conscience des grands mécanismes qui assurent la stabilité de la vie, l'homéostasie et la régulation biologique. Ces connaissances nous sont initialement interdites, comme nous échappent –normalement – les battements de notre cœur, ou les contractions de notre tube digestif. Il s'agit là d'activités trop proches de notre existence même pour que nous puissions en avoir conscience, c'est-à-dire les traiter comme des objets extérieurs. L'objectivation scientifique, l'expérimentation nous permet de lever cette censure, de transgresser ce tabou. Mais il n'est pas impossible que la pure réflexion, fondée sur un Gedankenexperiment, ou sur un modélisme géométrique ou numérique, ne puisse, en stimulant l'intuition, conduire au même résultat. C'est dans son bain qu'Archimède a découvert le principe qui porte son nom." (1968, La science malgré tout…)

Peut-être existe-t-il des cas où des intuitions (très) hautes peuvent recevoir des validations expérimentales tant biologiques que psychiques?

Jean Guitton: “Les émotions sexuelles violentes préfigurent l’état de l’âme ressuscitée. À l’intérieur d’une émotion extraordinaire du corps, on s’échappe du corps. Le coït me semble une pré-expérience de la résurrection”.