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Article : DIALOGUES-21 : Le chroniqueur métahistorique et sa mission

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SUSAN GEORGE ET PAUL JORION : QUE FAIRE ?

Francis Lambert

  02/02/2011

Ils ne s’étaient jamais rencontrés, c’est maintenant chose faite.

Susan George :
Réglons leur sort à Davos et au G20 ...  Davos n’a rien vu et ne verra rien venir, ceux qui s’y rendent ne vont y chercher, en plus des « deals », qu’une sorte de sagesse conventionnelle ; c’est un rituel aussi. ...
Que faire alors ?
Notamment, selon moi, une taxation sur les transactions financières qui permettrait de financer le tournant de civilisation nécessaire

Paul Jorion :
On exprime en effet dans certains milieux l’opinion que la crise est terminée, en particulier au G20 et à Davos. Comment peuvent-ils ignorer l’existence de différentes bombes à retardement dont, aux Etats-Unis, le déficit public faramineux, l’immobilier résidentiel qui connaîtra encore une aggravation cette année, l’immobilier commercial sans solution, ainsi que le marché obligataire des États et des autorités locales et, en Europe, les phases encore à venir de la crise de la zone euro. ...
les décideurs tiennent en public des propos « business as usual » alors qu’ils vous glissent dans le tuyau de l’oreille en privé que tout va vraiment très mal…

Paul Jorion :
Pour en venir à la taxe sur les transactions financières, j’ai une autre approche, sans doute pour avoir pratiqué pendant dix-huit années les milieux financiers. ...
Pour moi, il existe trois types d’opérations financières : les utiles, les nuisibles et les indifférentes. Les utiles : tout ce qui est intermédiation et assurantiel, qui représente peut être 20% de l’ensemble, doivent être encouragées. D’autres, environ 10%, ne font pas de mal. Quant au reste, qui est nuisible, soit à mon avis 70% de l’activité financière, il faut tout simplement l’interdire. ...
C’est en réalité assez simple : les opérations nuisibles sont toutes des paris sur les fluctuations des prix – qu’il suffit donc d’interdire.

Susan George :
Je suis bien entendu séduite par cette idée, mais imposer une mesure comme celle-là suppose disposer de davantage de pouvoir politique encore que pour obtenir une taxation des transactions financières, la finance étant en mesure de faire barrage à une telle diminution de son chiffre d’affaires.
Par ailleurs, il faudrait interdire les produits dérivés sur les marchés des produits alimentaires.

Paul Jorion :
... Vous avez raison, c’est dans le domaine alimentaire qu’une interdiction des paris sur les fluctuations de prix serait la plus urgente.

Susan George :
On dit que trois « trillions », trois mille milliards de dollars, sont échangés chaque jour sur le marché des changes, or ceci ne reflète certainement pas le volume des échanges commerciaux ! ... Il faut les socialiser, partiellement, voire totalement.
Actuellement, les PME-PMI trouvent toujours difficilement du crédit. ... les PME-PMI représentent 90% de l’emploi.  Il faut obliger les banques ...

Paul Jorion :
« Mais regardez le Crédit Lyonnais, c’était une banque nationalisée et elle était pire que les autres ! » ...
parce qu’elles se sont mises à partager la même culture. ...
Vous avez raison, il faudrait socialiser par opposition à nationaliser, et importer une autre culture, une autre logique.

Susan George : ...
Une autre question me parait importante, celle des agences de notation. Ne devrait-on pas les empêcher au moins de noter les Etats ?

Paul Jorion :
... Mais le problème est plus vaste, car pour un nombre important de produits financiers on ne sait en réalité pas comment les évaluer, les modèles d’interprétation étant faux de notoriété publique, on ne sait ni comment ces instruments fonctionnent ni, automatiquement, comment en mesurer le risque…

Susan George :
Nous n’avons pas abordé une autre question essentielle : celle des dysfonctionnements du système monétaire. En 1942 et 43, Keynes a proposé la seule issue, qui reste à mon sens toujours valable : la création d’une monnaie pour les transactions entre pays, dont le mécanisme devait empêcher à l’échelle globale l’apparition de surplus comme de déficits. Cette solution implique une chambre de compensation multilatérale utilisant une monnaie de compte appelée le bancor. Le rapport des forces de l’époque a fait que cette solution a été écartée, nous ne pouvons pas nous séparer sans y faire référence.

Paul Jorion :
Vous avez raison : la solution est connue, elle a été proposée par Keynes en 1944 à Bretton Woods. Des intérêts colossaux s’y opposaient alors et s’y opposent toujours mais il n’y a pas d’autre choix.

http://www.pauljorion.com/blog/?p=20919#more-20919

NB: après le “siècle des lumières”, et avant 1789 cela faisait longtemps que la révolution était faite ... dans les têtes.
De même de nombreuses analyses convergent actuellement et depuis aussi longtemps.