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Article : C’est qui la racaille ?

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Question de fric

jc

  02/02/2020

Avant cette globalisation qui impose des monnaies globales (euro pour l'Europe, dollar pour le monde), il y avait des monnaies locales (franc, mark, lire, etc.), et des mécanismes de régulation plus contraignants qu'actuellement (droits de douanes, taux de change, etc.).

Je suis tous les jours un peu plus convaincu qu'il suffit de revenir aux monnaies locales pour régler la plus grande parties des problèmes qui se posent à la société occidentale (sinon mondiale). Mes connaissances de ces choses (et mon intérêt pour elles) sont nettement insuffisantes pour préciser mon point de vue (par exemple, faut-il une seule monnaie locale ou deux -une monnaie d'échange de biens et une monnaie d'échanges de services- comme le préconise François Roddier¹?). Mais qu'un habitant d'un village de la Beauce doive payer sa farine produite sur place en équivalent dollar par un cours déterminé à Chicago est pour moi, je pèse mes mots, délirant.

Pour moi la monnaie familiale ne peut être que le bisou (le poutou dans le Sud). Le fait d'avoir 500.000 monnaies villageoises, 50000 monnaies communales, 2000 monnaies cantonales, 100 monnaies départementales et 10 monnaies provinciales peut sembler délirant. Mais tout ça peut être géré sans problème par une unique carte bancaire: il suffit de s'arranger pour que chacun ait intérêt à régler ses "achats" dans la monnaie la plus locale possible.

Bien entendu les 10%, les1% et les 0.1% vont être vent debout contre cette façon de voir les choses qui va les priver de leur moyen de racketter le monde.

Remarque: Après une période de dérégulation liée à la globalisation, je pense souhaitable et nécessaire qu'il y ait une période de repli local maximale, repli culturel, économique, sexuel, etc. Mais cette période ne pourra durer éternellement, interdits de l'inceste sexuel et des scléroses économique, culturelle, etc. obligent.

La Girondine: "Allons enfants de la matrie, que chacun retrouve ses racines, puis qu'un sang nouveau abreuve nos sillons." : la société doit respirer, principe de bipolarité oblige.


¹: Cf. http://francois-roddier.fr/Mines-2018/assets/player/KeynoteDHTMLPlayer.html

Question de fric.1

jc

  03/02/2020

Dans l'hypothèse d'une tentative d'organisation bottom-up de la société, un problème crucial est celui de la compréhension du rôle de la monnaie locale (en vue de sa maîtrise locale). Quelle est la taille maximum du village Astérix (ou du petit Liré...) qui permet une organisation harmonieuse sans nécessité de monnaie (simple troc de biens et de services)?  

Le problème fondamental que je vois est alors d'instaurer des monnaies d'échange (de biens, de services, etc.) au sein d'une communauté complètement autarcique (un monde clos) constituée de quelques villages, avec pour objectif d'obtenir une communauté apaisée (mais pas uniforme!). 

Je pense que la tradition, celle que nous rapportent les anthropologues des sociétés dites primitives, peut être utile à ce sujet. La plus vieille monnaie d'échange -"des monnaies d'échange (etc.)"- faite pour apaiser les relations intercommunautaires, vieille comme le monde, est le mariage. Claude Lévi-Strauss nous a fait part à ce sujet de profondes réflexions¹ auxquelles le mathématicien André Weil² a apporté sa contribution. 

 Thom (lettre à Benoît Virole): "Après tout l'échange commercial don + contre-don est socialement assez fondamental, mais il n'existe aucune singularité de codimension < 4 qui le réalise ...". Le problème de l'échange véritable (don et contre-don) est redoutable.

¹: Cf. "Structures élémentaires de la parenté". 

²: L’article d’André Weil « Sur l’étude algébrique de certains types de lois du mariage » est paru en 1949, comme appendice à la première partie des « Structures élémentaires de la parenté ».

Question de fric.2

jc

  04/02/2020

Parcourant pour la première fois "La structure des mythes¹" de Claude Lévi-Strauss , je trouve que l'épigraphe et la conclusion méritent d'être reproduits ici:

« On dirait que les univers mythologiques sont destinés à étre pulvérisés a peine formés, pour que de nouveaux univers naissent de leurs débris. » Franz BOAS, introduction à : James Teit, "Traditions of the Thompson River Indians of
British Columbia," Memoirs of the American Folklore Society, VI (1898), p. 18

CLS: "Les pages qui précèdent conduisent à une autre conception. La logique de la pensée mythique nous a semblé aussi exigeante que celle sur quoi repose la pensée positive, et, dans le fond, peu différente. Car la différence tient moins à la qualité des opérations intellectuelles qu'à la nature des choses sur lesquelles portent ces opérations. Voilà d'ailleurs longtemps que les technologues s'en sont aperçus dans leur domaine : une hache de fer n'est pas supérieure à une hache de pierre parce que l'une serait « mieux faite »
que l'autre. Toutes deux sont aussi bien faites, mais le fer n'est pas la même chose que la pierre.

Peut-être découvrirons-nous un jour que la même logique est à l'oeuvre dans la pensée mythique et dans la pensée scientifique, et que l'homme a toujours pensé aussi bien. Le progrès - si tant est que le terme puisse alors s'appliquer - n'aurait pas eu la conscience pour théâtre, mais le monde, où une humanité douée de facultés constantes se serait trouvée, au cours de sa longue histoire. continuellement aux prises avec de nouveaux objets."

L'Histoire Humaine, "continuellement en prise avec de nouveaux objets", en puzzle géant permanent?

Les mathématiques, celles d'André Weil comme celles de René Thom, sont hors substrat ("la même logique est à l'oeuvre dans la pensée mythique et dans la pensée scientifique").


¹: http://www.ali-aix-salon.com/Claude%20Levi-Strauss%20%20La%20structure%20des%20mythes.pdf