Urnes, prison, guerre et fluidité syrienne

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Urnes, prison, guerre et fluidité syrienne

L’article de E.J. Magnier ci-dessous a déjà été publié et repris par divers sites, en anglais et en français notamment. Il présente l’hypothèse d’une attaque d’Israël contre des cibles stratégiques syriennes et des cibles stratégiques iraniennes en Syrie selon le sentiment de l’actuel premier ministre israélien Netanyahou sur ses chances de remporter à nouveau la majorité aux élections d’avril, et d’être ou non reconduit dans ses fonctions. L’argument n’est nullement stratégique mais concerne un destin personnel : si Netanyahou perd, il ira devant la justice avec une forte possibilité, pour ne pas dire “de fortes chances”, d’être condamné et d’aller en prison ; s’il a le sentiment qu’il va perdre, il déclenchera l’attaque, c’est-à-dire la guerre, parce que dans ce cas les élections seront postposées, et sa possible condamnation reportée.

D’habitude, Magnier donne des informations assez complètes sur les positions des uns et des autres, dans le camp syrien. Ce texte, essentiellement sinon exclusivement écrit à partir de sources syriennes, se démarque partiellement mais très significativement de la méthode, en ceci qu’il ne dit absolument rien de la position russe en cas de conflit alors que cette question est tout simplement essentielle dans le cas envisagé. Il affirme la solidité et la solidarité complète de l’alliance entre la Syrie et l’Iran, par conséquent par rapport aux positions iraniennes en Syrie. Il donne quelques détails sur une implication US dans ce “projet” de Netanyahou, notamment à partir du constat du déploiement temporaire de batteries de missiles sol-air THAAD.

Par contre, Magnier ne donne aucune précision concernant l’attitude des Russes, sinon un écho de la rencontre Poutine-Netanyahou le 27 février à Moscou au cours de laquelle Poutine aurait dit à Netanyahou qu’il n’avait aucun pouvoir sur l’alliance entre la Syrie et l’Iran, et par conséquent aucun moyen d’agir sur la présence des Iraniens en Syrie (en faveur d’un retrait, comme le demandent les Israéliens). C’est assez maigre et finalement assez négatif pour la Russie, indiquant implicitement que cet acteur majeur de la crise, soit n’a aucun pouvoir réel sur une composante majeure de la situation, soit s’en lave les mains en se tenant en retrait.

On notera aussitôt que, sur cette question de la position de la ,position actuelle de la Russie dans ce qui reste, – qui est plus que jamais même si en plus soft l’imbroglio syrien, le site DEBKAFiles dont on connaît bien entendu l’orientation, a une toute autre appréciation, qui présente une situation géopolitique complètement différente. Le site israélien estime qu’un changement profond s’est produit depuis la rencontre Poutine-Netanyahou du 27 février, qui place la Russie assez loin, sinon très-loin de ses alliés syriens et iraniens.  Il s’agit d’une nouvelle du 3 mars 2019, confirmée indirectement (répétée) sur le même site le 10 mars 2019selon une analyse très critique de la coalition qui s’oppose à Netanyahou pour les élections du 6 avril. Il s’agit de l’affirmation que les Russes et les Israéliens, ou même plus précisément Poutine et Netanyahou (précision importante pour le côté israélien), ont trouvé un terrain commun qui les détachent de leurs positions conventionnelles et habituelles.

« À Moscou[le 27 février], le général Tamir Hayman, responsable des services de renseignements militaires israéliens, a déployé devant Poutine les cartes montrant les sites militaires iraniens en Syrie. Le but principal de Netanyahou lors de sa rencontre avec Poutine à ce moment-là était d'empêcher l’Iran d’établir une présence militaire en Syrie. Le dirigeant russe a répondu que Jérusalem et Moscou avaient un objectif commun: “rétablir la situation en Syrie comme avant la guerre civile qui durait depuis huit ans”.

» C’est une évolution historique pour les deux hommes. Sa signification épique a été complètement occultée par l’épouvantable campagne électorale[en Israël] et la décision du procureur général sur le dossier de corruption contre le Premier ministre. Ce qui s’est passé à Moscou, c’est que Netanyahou a rompu avec la version conventionnelle de ses propres chefs des services de renseignement, qui ont toujours affirmé qu’Assad avait perdu la guerre et que les forces israéliennes avaient détruit 90% des structures militaires iraniennes en Syrie. Reconnaissant que ni l’une ni l'autre de ces affirmations n'était réaliste, il a conclu un accord avec Poutine pour la création d'une commission conjointe russo-israélienne pour le retrait de toutes les forces étrangères de Syrie.

» Pour Poutine, il s’agit d’un geste audacieux mais calculé. Puisque Assad, dont il avait sauvé le régime, peut se rendre à Téhéran sans dire mot à Moscou[de cette visite], Poutine s’estime justifié d’introduire Israël dans les discussions sur l'avenir de la Syrie. Après les discussions du mois dernier avec l’Iranien Rouhani et le Turc Erdogan à Sotchi, le président russe fait entrer Netanyahou dans l’équation.

» Le Premier ministre s’est également engagé sur un nouveau terrain en acceptant de discuter avec le président russe des moyens de retirer “toutes les forces étrangères” de la Syrie, – tant américaine qu’iranienne, – et même de discuter des arrangements sécuritaires qui prévaudraient après leur départ. »

Bien entendu, l’on connaît ces deux sources que nous consultons régulièrement, leurs orientations politiques et idéologiques quasiment opposées, leurs recours à des sources propres qui vont en général dans le même sens et la tentation normale d’appuyer leurs analyses dans les sens favorisés. Il n’empêche que le crédit de ces deux sites, qui fait leur qualité et leur influence, les empêche d’écrire n’importe quoi et de fabriquer ce que le Système nomme vertueusement, par son expérience même, des totales FakeNewsOn se trouve donc devant deux interprétations de la situation aussi dissemblables et antagonistes que possible, et qu’on ne peut écarter avec dédain et certitude en prononçant : “Fake”.

Par conséquent et de façon symétrique, nous ne nous prononcerons certainement pas dans quelque sens que ce soit. Dans ce cas pour notre compte, l’inconnaissance doit triompher, – justement parce que ces orientations de communication si différentes, et malgré tout envisageable chacun pour ce qu’elle vaut, signalent que la situation syrienne est devenue extrêmement fluide. Tous les acteurs sont affectés par cette transformation de la substance, et par conséquent les lignes de partage, les oppositions tranchées qui pouvaient être distinguées il y a encore quelques mois (par exemple, l’alliance Syrie-Iran-Russie) deviennent plus floues et peut-être insaisissables. La folle situation washingtonienne (“D.C.-la-folle”) avec une présidence de la sorte qu’on voit, un Congrès volatile et incontrôlable, les décisions (“retrait” de Syrie) prises ou pas, exécutées ou pas, tout cela existe comme la toile de fond d’une situation dite d’hégémonie au moins au niveau de la communication, et constitue sans le moindre doute l’un des principaux foyers de l’accélération du désordre caractérisé de plus en plus par la perte de contrôle des grands axes d’intervention et des logiques à mesure. La situation syrienne évolue dans un cadre d’une étrange structuration d’“hyperdésordre”, dont le principal responsable (les USA) se trouvent écartés par leur propre tourbillon crisique intérieur.

Ci-après, le texte de Elijah J. Magnier du 7 mars 2019, traduit sur le site de l’auteur et pour la version française par Daniel G., et dont le titre complet est « La Syrie prépare ses missiles en vue de la prochaine bataille l’opposant à Israël ».

dedefensa.org

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La Syrie prépare ses missiles...

La Syrie et ses alliés préparent leurs missiles en vue de la bataille à venir contre Israël si Tel-Aviv décide d’ouvrir le feu contre des positions militaires importantes sous le contrôle de l’armée syrienne. 

Des sources bien informées affirment que « tout dépend de la tournure que prendront les élections israéliennes. Si le premier ministre Benjamin Netanyahou estime qu’il a suffisamment de chances d’obtenir un second mandat, il ne se lancera pas dans un nouvel affrontement avec la Syrie et ses alliés de sitôt. La date de la prochaine bataille sera remise à plus tard. Mais s’il croit qu’il va perdre les élections, la possibilité qu’il se lance dans une bataille est très élevée. Un affrontement sérieux entre Israël d’une part, et la Syrie et l’Iran d’autre part, serait un motif suffisant pour reporter les élections. Netanyahou n’a pas grand choix : soit il remporte les élections et repousse l’action en justice contre lui, soit il se retrouve en prison ».

Le commandement des forces des USA en Europe (EUCOM) a récemment envoyé des avions militaires ainsi que 200 soldats américains, qui transportaient des batteries de missiles du système de défense antimissile balistique  THAAD  devant être déployées au sud d’Israël. La raison officielle du déploiement de ce système perfectionné ultramoderne serait en vue d’un exercice conjoint entre Israël et les USA. Les batteries du système THAAD soutiendront les systèmes d’interception de missiles déjà en place en Israël : “Dôme de fer” contre les missiles à courte portée, “Fronde de David” contre les missiles tactiques et “Arrow” contre les missiles balistiques intercontinentaux.

« Les USA ne font pas confiance au système israélien, d’où le déploiement du système THAAD pour abattre les missiles lancés par les forces syriennes ou iraniennes déployées en Syrie, comme elles l’ont promis en cas de bataille provoquée par Netanyahu. La Syrie et l’Iran ont promis tous les deux une riposte immédiate si Israël bombarde des positions militaires importantes dans ces deux pays. C’est pourquoi les USA ont décidé de prendre part à cet affrontement, car ils sont convaincus que toute nouvelle bataille sera dévastatrice pour les deux parties. » 

La visite du président Bachar al-Assad à Téhéran [le 25 février] a clairement indiqué à toutes les parties impliquées dans la guerre en Syrie, tout particulièrement l’UE et les USA, que Damas ne demandera jamais à l’Iran de se retirer de la Syrie pour plaire à des tiers ou en échange de la reconstruction du pays ou de la normalisation des relations entre les Arabes et la Syrie ou entre l’Occident et la Syrie.

« La visite du président syrien en Iran a permis au président Poutine d’expliquer à son visiteur Netanyahou que Moscou ne peut aider Israël à obtenir le retrait de l’Iran de la Syrie. Les liens entre la Syrie et l’Iran sont solides (a expliqué Poutine à son invité, d’après ce qui a été rapporté à Damas) et la Russie n’est pas en mesure de faire changer cette relation stratégique entre les deux pays », a indiqué la source. 

Elijah J. Magnier