Une postmodernité sociétalo-papale

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Une postmodernité sociétalo-papale

Il nous semble intéressant de trouver, parmi les réactions nombreuses au message papal du 21 août sur les réfugiés, celle d’un homme politique s’exprimant en tant que telle, de confession juive, et attaquant le pape sans le moindre intérêt direct pour les questions religieuses ou les questions progressistes-sociétales dans la société française. Pierre Lellouche interpelle le pape en tant que spécialiste des questions stratégiques, de lutte contre le terrorisme et d’observateur attentif des équilibres nécessaires pour la tenue de la structuration de la société française.

Le ton ironique et extrêmement critique qu’il emploie à l’encontre du pape François n’est pas déplacé, tant les mots et les phrases du pape constituent une incursion directe dans un problème stratégique de première ampleur et dans le cœur même de la souveraineté des nations, en Europe. Ce n’est pas Lellouche qui s’est égaré sur le terrain progressiste-sociétal, et accessoirement religieux puisqu’il en est question avec le pape, mais bien le pape qui entraîne la religion et les rapports du Vatican avec les questions progressistes-sociétales sur le terrain de la politique la plus engagée et y rencontre notamment Lellouche.

Étrange pape, que l’on trouve ainsi aux côtés des “philosophes” de la Silicon Valley, de l’activisme de George Soros, des grands coeurs riches et libéraux d'Hollywood, de la presseSystème US telle qu’elle se déchaîne actuellement dans l'hystérie haineuse, de la bienpensance de toutes les grandes entreprises multinationales qui savent valser d'un pays l'autre pour s'adapter aux salaires et des moralistes sans fin des bureaucraties sans fin des institutions européennes ; sans parler, – mais enfin parlons-en, de la gauche-néo-caviar/nouvelle cuisine, certes. D’autant plus étrange, le pape, qu’ainsi faisant, il n’est pas dans son tort de laisser penser qu’il interprète le message évangélique jusqu’à son terme, et ainsi l’on peut commencer à mesurer exactement ce que nous dit l’Église sur l’avenir de l’homme, ou plus largement dit, sur l’avenir des genres.

L’article de Lellouche, ancien ministre et actuel député LR, se trouve sur Figaro-Vox du 23 août 2017, auteur d’Une guerre sans fin, aux Éditions du Cerf. (Le titre original, raccourci pour des raisons techniques, est : « Pierre Lellouche: “Le message du pape sur les migrants est dévastateur pour l'Europe”. »)

dde.org

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« Un message dévastateur pour l’Europe »

Sans doute faut il y voir un signe de la Providence: c'est lundi dernier 21 août, le jour où l'assassin de Barcelone a été abattu par la police catalane, que le Pape François, sorti de sa retraite estivale a cru bon d'éclairer le monde, et l'Europe, sur «l'intégration des migrants». 

Tandis que les victimes pleurent leurs morts, se demandent toujours comment des hispano-marocains, censés être parfaitement intégrés, ont pu massacrer de sang-froid des dizaines de civils innocents dans leur pays d'accueil, – tandis que cette même question s'est posée ces derniers jours en Finlande, en Sibérie ou se sont produits des attentats du même genre, sans parler de Marseille ou l'on tait encore le nom du chauffeur de la camionnette qui a écrasé son véhicule sur des abris bus, – le Pape, lui, fait comme si cette violence, d'essence pourtant religieuse, n’avait jamais existé. 

Ce Pape argentin veut faire la leçon à l'Europe: il veut des visas humanitaires pour tous les migrants, réfugiés politiques ou non, des regroupements familiaux étendus à tous les ascendants et descendants, «aux frères et aux sœurs» des jeunes hommes débarqués en Europe ; il veut l'accès à la nationalité à l'emploi et la régularisation des sans-papiers, le tout dans le respect de la «culture» de chacun. 

Mieux, nous dit sa Sainteté, au nom du «principe de la moralité de la personne humaine, la sécurité personnelle des migrants doit passer avant la sécurité nationale». 

Ce texte est proprement dévastateur. Il outrepasse de très loin la fonction de son auteur en ce qu'il porte sur le cœur même des attributions régaliennes des Etats, que sont d'abord la sécurité de leurs citoyens et le contrôle des frontières. 

Au nom de sa conception du dogme, – assez surprenante au demeurant pour qui connait l’histoire de l’Eglise, – mais sans doute clairement destinée à séduire le public du tiers-monde (notamment africain) qui constitue désormais les gros bataillons de fidèles, le Pape s’arroge le droit d’intimer à l'Europe une sorte d'ordre «moral» d'ouverture totale et sans condition de ses frontières et de ses nationalités, à quiconque voudrait venir s'y installer. Et ce, quelles que soient les conséquences sociales, économiques et sécuritaires d'une immigration de masse hors contrôle. 

Sa Sainteté fort bien entourée, ne peut cependant pas ignorer les chiffres que j'ai rappelés pour ma part dans un ouvrage récent.

A elle seule, l'Afrique, à quatorze kilomètres des côtes européennes, représentera dans trente ans 2,5 milliards d'hommes et la pression migratoire est déjà, on le sait, extrêmement forte, voire hors contrôle: 1,5 million de migrants en 2015, plusieurs centaines de milliers en 2016 et 2017.

La France à elle seule reçoit 200 000 migrants «légaux» et 100 000 illégaux par an, dont l'immense majorité n'a rien à voir avec des réfugiés politiques. Ce sont simplement de jeunes gens qui ont décidé, portable à la main, de tenter leur chance en Europe où la télévision leur dit que l'on y vit beaucoup mieux. 

Le Pape fait mine, également - et ceci ne laisse pas d'interroger car n'est-il pas d'abord un chef religieux? - d'ignorer que l'immense majorité de ces migrants sont musulmans (Afrique du Nord, de l'Ouest et de l'Est, Afghanistan), et ce au moment même où l'Islam est traversé par de très puissantes forces de violence et de conquête, entre Musulmans eux-mêmes (Chiites, Sunnites, comme on le voit chaque jour en Syrie, en Irak et au Yémen), mais aussi contre l'Occident impie, le tout sur un arrière fond terriblement dangereux de décomposition des frontières et des Etats dans le Proche-Orient. 

Voilà donc l'arrière-plan des milliers d'attentats islamiques commis chaque année dans le monde. La fable du «rien à voirisme» très en vogue ces jours-ci: «l'Islam n'a rien à voir avec le terrorisme, qui n'est qu'une affaire de déséquilibrés voire de fous» ; «les migrants n'ont rien à voir avec les auteurs d'attentats» ; cette rengaine vient d‘être puissamment relayée par cette sorte de sanctification papale. 

A se demander si ce Pape argentin veut sauver l'Eglise en Afrique ou en Amérique du Sud, en étant le fossoyeur de l'Europe…

Voilà en tout cas qui complique sévèrement la tâche des gouvernements européens, à commencer par la France, où le Président Macron, convaincu qu’il faut distinguer entre réfugiés politiques et migrants économiques, s’évertue à convaincre les pays de l'autre côté de la Méditerranée d’ouvrir des centres de traitement de demandes d’asile. 

L’Europe et la France n’avait pas besoin de ce coup de pied de l’âne, fut-il papal.

Pierre Lellouche