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• Un parlementaire US parle de « la mascarade dont nous avons été témoins ces quatre derniers jours. ». • Bonne description des avatars du “plan de paix-28” devenu “plan de paix-19” sans possibilité d'accord de la Russie.
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On peut bien vous l’avouer tout de go : les cinq-six derniers jours, depuis que le “plan de paix-28” s’est imposé sur le devant de la scène, ont été pour nous le déroulement d’un chaos (contenu du plan, origine du plan, source de la diffusion du plan, multiples versions du plan, ran-tan-plan...) où toute interprétation était possible et où une compréhension ferme et assurée était impossible. Les meilleurs analystes, selon nos choix et habitudes, restaient sur une prudente défensive, se contentant d’insister, notamment, sur ce que les Russes n’accepteraient certainement pas parce que, finalement, la position russe est la plus claire et la plus ferme, et assurée de ne pas varier sur l’essentiel.
Il est intéressant de tenter, d’essayer de comprendre après coup ce qu’il s’est passé et ce qu’il en est résulté dans les diverses positions, essentiellement sinon exclusivement du côté de l’Occident-compulsif qui a été le véritable champ de bataille. Pour cela, nous avons choisi un texte de Larry C. Johnson, qui est devenu coutumier des déplacements à Moscou où il a évidemment tissé des liens de communication sérieux. Son expérience professionnelle d’ancien officier de la CIA puis du Centre anti-terroriste du département d’État qui lui donne une vision solide et des sources à mesure dans la situation US, est désormais renforcée par ses liens avec les milieux de la sécurité nationale de la Russie.
Johnson nous explique donc le cheminement et les avatars extraordinaires du “plan de paix-28”, présenté officiellement comme d’origine US, mais identifié par divers parlementaires du Congrès comme l’adaptation US d’un “brouillon” de pseudo-plan d’origine russe... On a aussi une idée de l’accueil qui en a été fait à Washington même, notamment dans un Congrès très antirusse et hostile au contenu du plan. Finalement, il y a donc eu toute une manœuvre en boucle de l’administration Trump dont la responsabilité a été transférée, de façon fort sympathique et originale, aux Européens qui n’y ont vu que du feu (titre original : « L'administration Trump laisse l'Europe saboter son projet de plan de paix russo-ukrainien »)
Le texte de Johnson, publié dans la nuit du 24 au 25 novembre (décalage horaire) ne tient aucun compte du résultat des négociations USA-Ukraine débouchant sur un nouveau plan (“plan de paix-19”) qui n’a été achevé et accepté par les deux que dans la journée d’hier. Il mentionne simplement la probabilité de cet accord au conditionnel.
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Les négociations entre les États-Unis, l'Ukraine et l'Europe concernant le cadre proposé en 28 points auraient abouti à un accord sur 19 points, qui sera présenté prochainement aux Russes. Cependant, malgré le discours optimiste lancé à Genève (où se sont tenues les discussions), le contenu de cet accord supposé est en réalité catastrophique.
Premier point de confusion : l'auteur du plan en 28 points. Le Washington Post rapportait lundi :
« “Rubio nous a clairement indiqué que nous étions les destinataires d'une proposition remise à l'un de nos représentants”, a déclaré le sénateur Mike Rounds (R-Dakota du Sud) lors du Forum international sur la sécurité d'Halifax. “Ce n'est ni notre recommandation, ni notre plan de paix”.
» Quelques heures plus tard, Rubio a démenti les propos des sénateurs, écrivant sur X : “La proposition de paix a été rédigée par les États-Unis. Elle constitue un cadre solide pour les négociations en cours”. Le porte-parole du département d'État, Tommy Pigott, a qualifié les commentaires des sénateurs de “totalement faux”. Dans des déclarations distinctes, Pigott et la Maison Blanche ont affirmé que le plan “avait été élaboré par les États-Unis, avec la contribution des Russes et des Ukrainiens”. »
Or, un problème se pose : la « contribution russe » ne provenait d’aucun responsable russe… Elle aurait été fournie par Kiril Dimitriev, conseiller informel de Vladimir Poutine, mais sans influence au sein du ministère russe des Affaires étrangères ni du Conseil de sécurité nationale. De plus, comme je l’ai indiqué dans mon analyse précédente du document en 28 points, ce prétendu plan de paix reflète très peu les positions officielles de la Russie sur divers sujets.
Youri Ouchakov, conseiller de haut rang du président russe Vladimir Poutine et conseiller du Kremlin en matière de politique étrangère, a commenté le plan de paix américain proposé pour l’Ukraine lors d’un entretien accordé aujourd’hui (lundi 24 novembre) à l’agence de presse d’État TASS. Ouchakov, chargé de coordonner les relations internationales de la Russie et impliqué dans des efforts diplomatiques clés (notamment les pourparlers d'Istanbul de 2022), a décrit le plan comme partiellement conforme aux intérêts de Moscou, tout en soulignant qu'aucune négociation formelle n'avait eu lieu. À ce jour, le seul document examiné par la Russie est celui présenté lors de la rencontre d'août à Anchorage, en Alaska, entre Trump et Poutine.
Selon Ouchakov, la Russie connaît une version initiale du plan de paix américain (issue du sommet d'août 2025 en Alaska entre Poutine et le président Trump), mais « aucune négociation spécifique » n'a eu lieu à ce sujet. Il a noté que plusieurs versions circulent actuellement, mais ses commentaires portaient sur celle examinée par le Kremlin. Ouchakov a ajouté que le Kremlin considère le cadre de paix alternatif de l'UE comme “totalement contre-productif et inadapté”, car il ne répond pas aux intérêts fondamentaux de la Russie, tels que l'affaiblissement de la position de l'OTAN en Europe de l'Est. Donald Trump est politiquement trop faible pour obtenir un accord acceptable pour la Russie sans déclencher une vive polémique parmi les parlementaires républicains et démocrates, sans parler de la forte opposition des Européens et des responsables ukrainiens. Voici quelques exemples de ces réactions :
« Des parlementaires américains craignent que la proposition initiale ne déstabilise davantage la sécurité mondiale en récompensant la Russie après son invasion de l'Ukraine en 2022, ce qui soulève des questions quant à la nécessité pour Trump de conclure cet accord si rapidement, même au détriment des intérêts américains et ukrainiens.
» “Il faudrait que certains soient limogés lundi pour la mascarade dont nous avons été témoins ces quatre derniers jours”, a écrit le représentant Don Bacon (R-Nebraska) sur X samedi. “Cela a nui à notre pays, sapé nos alliances et encouragé nos adversaires”.
» Le sénateur Mitch McConnell (R-Kentucky), ancien chef de la majorité, a mis en garde dimanche contre la stratégie de l'administration Trump consistant à “faire pression sur la victime et à apaiser l'agresseur” pour instaurer la paix. Il s'est interrogé sur les concessions difficiles que les États-Unis avaient exigées de la Russie.
» “Alliés et adversaires observent : l'Amérique résistera-t-elle à l'agression ou la récompensera-t-elle ?”, a écrit McConnell sur tweeterX.
» Le sénateur Mark R. Warner (démocrate de Virginie) a vivement critiqué le plan initial, déclarant dimanche matin à ABC que « la capitulation de Neville Chamberlain face à Hitler [avant] la Seconde Guerre mondiale paraît “presque héroïque en comparaison” et que le plan ressemble à un ensemble d'“éléments de langage russes”. »
Une très large majorité de responsables politiques à Washington et de dirigeants européens persistent à nier la gravité de la situation en Ukraine… Ils croient sincèrement que la Russie subit une forte pression due à une économie soi-disant défaillante et à des pertes considérables sur le champ de bataille. Ce sont deux mensonges. La Russie ne perd pas de temps et continue d'attaquer et de détruire les fortifications et les infrastructures électriques ukrainiennes tout au long de la ligne de contact. Poutine, ainsi que le porte-parole du Kremlin, Pechkov, et Ouchakov, continuent de feindre un intérêt pour une solution diplomatique, mais savent pertinemment que Trump ne parviendra pas à présenter un accord acceptable pour la Russie.
Si l'Ukraine remportait des victoires militaires et que la Russie était en difficulté économique et militaire, nous n'assisterions pas à cette course effrénée des États-Unis et de l'Europe pour obtenir un accord avec Moscou afin de mettre fin aux combats… L'Occident, de concert avec Zelenski, sablerait le champagne et fêterait ça.
Une fois que Rubio aura élaboré une proposition satisfaisante pour l'Ukraine et apaisante pour l'Europe, elle sera présentée au ministère des Affaires étrangères de Poutine, qui fera les gestes diplomatiques d'usage, lira attentivement le document, puis le rejettera poliment ou demandera une rencontre entre Trump et Poutine. Tout cela prendra du temps, et la Russie n'est pas pressée de conclure un accord compte tenu de ses succès militaires croissants.