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392620 mai 2024 (15H05) – L’article de Ray McGovern que nous avons présenté hier, qui vient en original d’une parution dans ‘ConsortiumNews’, a soulevé un grand intérêt. Nous avons déjà brièvement signalé la réaction d’Alexander Mercouris, qui en fait une analyse fouillé et révélatrice à plusieurs égards :
« Voyez le bien qu’en dit Mercouris au début de son programme du 18 mai 2024 : “Un article absolument essentiel de Ray McGovern”. »
Par ailleurs, nous signalons dès le début par deux rapides citations, d’une part l’importance que McGovern accorde à la rencontre, analyse complètement partagée par Mercouris, mais aussi l’inéluctabilité conditionnelle d’une escalade vers un conflit plus large, sinon total, sinon nucléaire. (Nous disons de l’inéluctabilité qu’elle est “conditionnelle” à cause d’un “si” qui introduit une réserve, mais cette réserve nous paraissant un simple artifice dialectique, – la cause, à cet égard, étant entendue)...
« L’accueil de Poutine par Xi Jinping à Pékin consacre une coopération stratégique toujours plus étroite, fondamentalement incomprise à Washington. » [...]
« Si les petits génies de la politique étrangère du président américain Joe Biden restent dans le déni [de l’alliance Russie-Chine], l'escalade est presque une certitude. »
Ces deux données sont évidemment complémentaires. Il est assuré que l’alliance Moscou-Pékin est certainement « plus qu’une alliance » (Mercouris), dans la mesure où si les grands domaines de la stratégie sont concernés, d’autres, beaucoup plus opérationnels, non-militaires, voire sociaux et sociétaux, sont concernés et ont été abordés durant la visite de Poutine avec une énorme délégation russe comprenant un nombre impressionnant de ministres. Si l’on veut tout de même se référer au terme d’“alliance”, nous dirions par exemple que c’est « une alliance culturelle » (Mercouris), dont Douguine dirait ou dira tôt ou tard qu’elle est finalement et plus simplement une “alliance métaphysique”.
Bien entendu, les “petits génies” de l’Occident-compulsif portent toute la responsabilité de l’évolution générale et du contexte, mais la puissance formidable de cette alliance est bien une création des Chinois et des Russes, – et de deux hommes, Poutine et Xi. Et si Mercouris, avec sa véhémence de retenue et de recherche d’une approche de forme objective, se garde bien d’affirmer que cette alliance est faite contre les États-Unis (ou contre l’Occident-compulsif), cette défense est faible, au contraire de l’“alliance”. Cette “bien plus qu’une alliance” est faite très fermement dans un but qu’on peut considérer, du point de vue stratégique et “culturel”, comme étant celui d’une “défense agressive”, comme ont fait les Russes en Ukraine : faire durer, user l’adversaire, l’épuiser (psychologiquement/hystérie dans ce cas, aussi bien qu’économiquement/militairement), pour pouvoir le frapper le plus décisivement possible... (puisque « l'escalade est presque une certitude ».)
C’est bien entendu, sans aucun doute, l’issue de plus en plus affirmée devant laquelle nous nous trouvons placés. En d’autres termes plus brutaux, l’affrontement nous paraît inévitable malgré l’absurdité stratégique de type hystérico-narcissique des « petits génies » qui ont si bien travaillé pour forcer, – nous disons bien “forcer” malgré la satisfaction de ceux qui sont ainsi forcés, – Russes et Chinois à un tel rapprochement.
Mercouris décortique l’article de McGovern dans lequel il trouve deux affirmations d’une logique hystérique qui éclairent les conditions du conflit et la détermination de fer dans l’erreur des américanistes-occidentalistes.
• D’abord, le passage où McGovern rapporte les sermons de Biden sur la nécessité pour la propre existence de la Russie de ne pas se rapprocher de la Chine :
« Lorsque Biden a pris ses fonctions en 2021, ses conseillers lui ont assuré qu'il pourrait jouer sur la peur (sic) que ressent la Russie à l'égard de la Chine et semer la discorde entre les deux pays. L'embarras devint manifeste lorsque Biden fit part de ce qu'il avait dit à Poutine lors de leur sommet de Genève, le 16 juin 2021.
» Cette rencontre a confirmé à Poutine que Joe Biden et ses conseillers étaient coincés dans une évaluation terriblement dépassée des relations entre la Russie et la Chine. »
Il semble, selon McGovern que le début de l’automne 2022 fut la période où les conseillers de Biden commencèrent à douter de leurs analyses tout en continuant, à complet contresens, le même jeu, ou en ne parvenant pas à percer la cuirasse de certitude pathologique de l’entêtement de Biden à cet égard. Mais pour eux, le temps était venu de « passer à l’action », selon le risque de plus en plus grand qu’un « conflit [avec la Russie] était la seule façon de séparer la Russie de la Chine ».
• La contradiction entre Biden affirmant à Poutine en décembre 2021 que les USA ne déploieraient pas d’armes nucléaires en Ukraine et le démenti donné par Blinken à Lavrov en janvier, affirmant au contraire que de telles armes seraient déployées. Là aussi, étrange tango entre Biden et son ministre...
« La joie russe [des promesses de Biden] a toutefois été de courte durée.
» Le ministre des Affaires étrangères, M. Lavrov, a révélé le mois dernier que lorsqu'il a rencontré Antony Blinken à Genève en janvier 2022, le secrétaire d'État américain a prétendu qu'il n'avait pas entendu parler de l'engagement de M. Biden envers M. Poutine le 30 décembre 2021. Au contraire, M. Blinken a insisté sur le fait que les missiles américains de moyenne portée pourraient être déployés en Ukraine, et que les États-Unis seraient peut-être disposés à en limiter le nombre, a déclaré M. Lavrov. »
L’agenda ‘neocon’ tournait à fond et à toute vitesse, et Biden était “invité” à suivre sans essayer de comprendre.
« C’est à ce moment que les Russes conclurent que l’équipe Biden avait décidé la prise en main de l’Ukraine et la menace nucléaire directe sur la Russie, la montée des attaques contre le Donbass juste avant le 22 janvier n’étant qu’une confirmation. » (Mercouris)
On comprend que l’agacement est grand chez ces dames-messieurs de voir ces pouilleux d’Ukrainiens incapables de donner aux Russes un avant-goût de la robuste rouste qu’ils ne manqueraient pas de recevoir des américanistes-occidentalistes. Du coup, les USA sont de plus en plus inclinés à soutenir les “plans” de Zelenski de taper le plus loin possible (canons et surtout missiles) à l’intérieur de la Russie, avec du matériel que les USA leur fournissent, – un peu comme ces missiles qu’ils (les USA) auraient de toutes les façons déployés. L’offensive a déjà fait beaucoup de dégâts, beaucoup de victimes, parce que c’est le genre d’attaque contre lesquelles on ne peut assurer une défense à 100%.
Comme Poutine l’a expliqué, l’offensive du 10 mai dans la région de Kharkov ne vise pas la prise de cette ville mais la saisie et la sécurisation de la zone à partir de laquelle les tirs sont effectués pour les faire cesser. Mais l’on sait la dynamique qui anime le jusqu’auboutiste Zelenski et ses patrons américanistes. L’hypothèse probable qui vient à l’esprit, c’est la livraison de missiles à plus longue portée, hors de la zone sécurisée, pour poursuivre le pilonnage de la Russie.
« Medvedev, sur Telegram, a précisé que si Zelenski obtient des missiles à plus longue portée et l’autorisation US de s’en servir contre la Russie, la “zone sécurisée” pourrait être étendue au minimum de 550 kilomètres sur tout le territoire ukrainien et cela porterait la présence russe profondément vers l’Ouest de l’Ukraine. Les mêmes limites seraient appliquées notamment autour de Kiev et d’autres régions ce qui en fait couvrirait une avancée de 550 kilomètres dans tous le pays, jouxtant la frontière polonaise, et peut-être même des débordements en Pologne même... » (Mercouris)
Bien entendu, Medvedev joue là son rôle de provocateurs, mais on note qu’il est passé des jugements généraux furieux à des menaces précises concernant la situation à venir, qui pourrait venir rapidement, où l’on commence à envisager de sortir du seul territoire ukrainien pour défendre, – devoir sacré, – la sécurité de la mère-patrie... Quelque cvhose que les Russes ressentent comme la chair de leur chair.
Note de PhG-Bis : « Bien entendu, il s’agit d’une escalade “concentrique” sans fin, qui conduit à un engagement européen. L’hypothèse que fait Medvedev devrait normalement être suivis par le déploiement de missiles à plus longue portée, ce qui conduirait la Russie à élargir sa zone sécurisée plus encore, et ainsi de suite, en pénétrant sur les terres otaniennes. Là aussi, “inévitable”... »
C’est un des quelques scénarios qui fond d’une “fin” convenable de la guerre d’Ukraine, notamment par des négociations, des ustensiles pour farces et attrapes ; il n’y a guère d’arguments à leur opposer sinon ceux de l’évidence que cette guerre limitée est faite comme base de départ pour s’étendre à ce qui revient à un combat à mort entre Tradition et Modernité.
Au reste, la plupart des chefs russes sont persuadés de la probabilité d’une guerre élargie et totale, qu’ils assumeront sans état d’âme. Voici lre cas de Sergei Narichkine, chef du SVR (‘renseignement extérieur), le 14 mai
« S'exprimant mardi lors d'une réunion plénière du Conseil de la Fédération, Narichkine, chef du SVR, a déclaré que son agence avait obtenu des informations selon lesquelles "certains hommes politiques euroatlantiques considèrent qu'il est possible de déclencher un conflit militaire à grande échelle afin de maintenir leur hégémonie".
» Il a noté qu’il existe de “solides raisons” de croire qu’une telle escalade pourrait effectivement se produire si l’Occident décidait que cela serait “raisonnablement sûr” et bénéfique pour ses intérêts. »
Effectivement, on trouve un durcissement notable, même dans les groupes qu’on jugeait les moins aventureux, comme le comités des chefs d’état-major US. Ainsi du général Brown, président du JCS qui devient une émule de Macron, que WSWS.org présente dans des termes extrêmement dénonciateurs, – en omettant de noter l’évidence que ces positions américanistes-occidentalistes correspondent à une panique du camp occidental devant l’avancée russe.
« Dans le cadre d'une escalade majeure de la guerre entre les États-Unis et l'OTAN contre la Russie en Ukraine, le président des chefs d'état-major interarmées des États-Unis, Charles Q. Brown, a déclaré jeudi 16 mai au New York Times que l'alliance militaire de l'OTAN enverrait “à terme” un nombre important de soldats de l'OTAN en service actif. troupes en Ukraine, ce qui, selon le journal, signifiait que le déploiement était “inévitable”.
» En affirmant que l’envoi de troupes par l’OTAN est “inévitable”, le Times veut dire que la décision a déjà été prise et que tout ce qui reste à attendre est la détermination sur la meilleure façon d’annoncer l’escalade au public. [...]
» La déclaration de Brown selon laquelle l'OTAN enverrait des troupes en Ukraine, après que le président américain Joe Biden a catégoriquement exclu une telle décision parce qu'elle conduirait à une “Troisième Guerre mondiale”, poursuit le schéma : chaque fois que la Maison Blanche a déclaré qu'elle ne ferait rien en Ukraine , il l'a fait par la suite.
» L’affirmation selon laquelle les troupes envoyées serviraient simplement à “entraîner” les forces ukrainiennes, plutôt que de servir de troupes de première ligne, n’a aucun sens. Une fois à l’intérieur de l’Ukraine, ils seraient la cible des tirs des forces russes, ce qui entraînerait des représailles directes contre les avions russes et les sites air-sol de la part des forces de l’OTAN.
» Le Times le dit clairement : “En tant que membre de l’OTAN, les États-Unis seraient obligés, en vertu du traité de l’alliance, d’aider à la défense contre toute attaque contre les entraîneurs, entraînant potentiellement l’Amérique dans la guerre”. »
Par conséquent, le Pentagone n’a pas plus de stratégie que la Maison-Blanche ou l’inimitable guitariste Blinken. Aucune surprise, lorsque l’air lui-même de l’atmosphère (celle de Washington D.C. comme de ses sœurs jumelles) est dispensateur à la fois d’aveuglement d’hybris et de bêtise. Aucune surprise non plus que le terme “inévitable” (pour le déploiement de troupes OTAN en Ukraine) revienne sous la plume de même que dans le texte de McGovern ; la seule question qui nous taraude est de savoir s’il restera encore du terrain ukrainien où déployer les troupes de l’OTAN lorsque la décision sera prise de le faire...
La situation se détériore avec une régularité et une accélération remarquables. L’hypothèse de la guerre nucléaire ne produit plus son effet de terreur comme durant la Guerre Froide. Ce sont des faits, nullement des hypothèses, et nous devons simplement le reconnaître sans envisager d’imaginer les conséquences d’une telle attitude. Un tel fait relève d’un climat général de démence dont Biden et Macron (et le général Brown)changeant aussi vite qu’il est sont deux exemples extrêmes.
Malgré les possibilités effrayantes de telles situations, rien n’est écrit à notre sens. Plus que jamais, la situation aux USA est un facteur aussi insaisissable qu’il est mobile d’une extrême importance, totalement incompréhensible d’un point de vue chronologique et orientation. Même le pire du pire, qui est l’emploi d’une arme nucléaire (disons tactique, de bataille), ne paraît en soi être en soi un acte décisif conduisant à la destruction du monde. La seule certitude qui ressort de cette situation qui est si difficile à appréhender est qu’elle ne laisse d’issue possible qu’à des catastrophes et qu’elle met en action des personnages à l’influence évidente dont l’immense majorité, – disons 95% ? 90% ? – sont totalement insensible à toutes ces possibilités catastrophiques. Le pire du pire côtoie le bouffe du bouffe...
Tragédie-bouffe ! Laissez faire les dieux, – c’est ce qu’ils font d’ailleurs...
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