Trump veut l'image d'une attaque des BRICS

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Trump veut l'image d'une attaque des BRICS

`• Une attaque généralisée contre les exportations de pétrole russe par la Chine et l’Inde ? • Interprétation : une tentative de briser l’unité des trois grands des BRICS, ou dans tous les cas une image dans ce sens. • Scepticisme de Korybko.

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Trump est sans doute le premier dirigeant US à avoir pris conscience de la formation et de l’importance des BRICS, parce que cette organisation a réussi à imposer une image figurant son importance. Trump a saisi, car c’est un homme de télévision et de l’image, quelques images caractéristiques de ce phénomène de l’émergence offensive des BRICS, notamment la tentative en, bonne marche de “dédollarisation”. Il répond donc par des images figurant une attaque pouvant réussir contre les trois piliers des BRICS (les RIC : Russi, Inde, Chine), – une attaque qui porte sur les liens de ces trois puissances avec le pétrole russe.

Le problème n’est-il pas que la dédollarisation est  certes une image populaire, mais aussi un véritable processus en marche, dont on parle et qui avance à un rythme assez soutenu depuis plusieurs années, au rythme d’accords entre divers partenaires ? Et n’est-il pas également qu’il reste à voir si l’attaque contre les BRICS portera l’image d’une réussite, et rien qu’une image avec toute sa fugacité ?

$C’est dans tous les cas l’avis d’Andrew Korybko, pourtant critique qui ne s’embarrasse pas de complaisance pour la Russie et les BRICS bien qu’il en soit partisan. Pour Trump, peu importe : si l ‘image a pris et qu’on parle d’une “attaque des BRICS” en bonne et due forme, c’est l’essentiel. L’image est acceptée partout et Trump est satisfait. Que l’attaque réussisse, c’est le cadet de ses soucis, et avant de pouvoir le mesurer on sera passé à bien d’autres choses. Trump est l’homme de l’instant et de l’image de l’instant. D’où la justification du scepticisme de Korybko dans son texte du 27 octobre.

dde.org

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Tentative de dislocation des BRICS ?

Les dernières sanctions américaines contre la Russie, les premières sous la seconde administration Trump, visent moins à attaquer l'économie russe qu'à instrumentaliser la géopolitique énergétique pour tenter de disloquer les BRICS, et plus particulièrement leur noyau dur Russie, Inde, Chine (RIC). Cette analyse se fonde sur les liens commerciaux étroits de l'Inde et de la Chine avec les États-Unis, malgré leurs droits de douane respectifs de 50 % et 55 %, sur leur rivalité persistante malgré leur rapprochement naissant, et sur leur triangulation avec la Russie.

Dans l'ordre chronologique, les échanges commerciaux de l'Inde et de la Chine avec les États-Unis sont bien plus importants que leurs échanges avec la Russie, mais la Russie fournit une part importante de leur énergie. Bien qu'aucun des deux ne souhaite payer plus cher son pétrole, le coût global d'une hausse des droits de douane américains, sanctionnée par le non-respect de ses dernières sanctions, ainsi que des sanctions secondaires qui pourraient être imposées à leurs institutions financières qui facilitent ces échanges, pourrait être encore plus élevé. Cela pourrait sans doute les contraindre à reconsidérer leur position.

Quant au deuxième point, être mieux perçu par les États-Unis que l'autre sert leurs intérêts mutuels, car aucun des deux ne veut risquer que son rival s'allie aux États-Unis contre lui, ce qui pourrait avoir des implications stratégiques. Ils pourraient donc calculer qu'ils ont plus à perdre en défiant les États-Unis pour obtenir une baisse des prix du pétrole et en maintenant des liens plus étroits avec la Russie si l'autre ne le fait pas aussi, et qu'il est donc préférable de se plier à leurs exigences. Cela revient à instrumentaliser le dilemme du prisonnier.

Sur la base de ce qui précède, le dernier point est que chacun a peut-être calculé que son rival n'améliorera pas ses relations avec la Russie à ses dépens tant qu'ils se conforment tous deux, de manière informelle et partielle (condition clé), aux dernières sanctions américaines, ce qu'ils pourraient faire malgré leurs critiques publiques. Il s'avère qu'ils avaient déjà réduit leurs achats de pétrole russe avant même les sanctions : ceux de l'Inde ont chuté de 14 % entre août et septembre et ceux de la Chine de 8,1 % au cours des neuf premiers mois de l'année.

Aussi convaincants que soient ces arguments, il ne faut pas présumer que l'Inde et/ou la Chine cesseront totalement d'importer de l'énergie russe, et encore moins immédiatement. L'offre sur le marché est tout simplement insuffisante pour qu'ils le fassent. Même si d'autres augmentent leur production, ces deux pays pourraient ne se désintéresser que progressivement de l'énergie russe, qui serait alors probablement vendue à un prix encore plus bas pour les inciter à conserver certains de leurs achats. Tout s'équilibrera donc probablement d'elle-même.

Néanmoins, les États-Unis pourraient toujours mettre en avant la réduction des importations de l'Inde et de la Chine sous la contrainte (la première étant confirmée par son principal acheteur, la seconde étant seulement rapportée) afin de déconstruire le mythe selon lequel les BRICS (et en particulier le RIC) œuvreraient tous en harmonie contre les États-Unis, mythe dont Trump s'est déjà plaint. Peu importe qu'une telle guerre de l'information n'ait aucun effet tangible sur les processus mondiaux, puisque seul importe à Trump la perception que les États-Unis ont brisé l'unité des BRICS (et surtout du RIC).

À ce propos, l'opération spéciale russe ne serait pas entravée, même dans le fantasme politique d'un abandon définitif de l'énergie par l'Inde et la Chine, le Kremlin disposant d'un trésor de guerre suffisamment important pour continuer à financer sa partie du conflit pendant au moins les prochaines années, même si cela pourrait engendrer des coûts d'opportunité. En conclusion, les États-Unis instrumentalisent bel et bien la géopolitique énergétique pour tenter de disloquer les BRICS, ce qui pourrait réussir en apparence, mais cela ne changera rien de substantiel dans la réalité.

Andrew Korybko