Trump hurle, tremble l’OTAN

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 1962

Trump hurle, tremble l’OTAN

12 juillet 2018 – La première journée du sommet de l’OTAN a confirmé tout ce qu’on savait déjà du caractère déstabilisateur de la présence de Donald Trump, sa singularité, ses interventions tonitruantes, etc. Elle a accéléré les supputations et réflexions sur l’avenir de l’OTAN, comme sur l’avenir des relations entre “alliés”. Elle a d’autant plus justifié que l’on aborde le problème ainsi exposé selon une perspective historique dès lors que la partie US (Trump, bien entendu) ne cesse de confirmer sa vision paradoxalement isolationnistede la situation transatlantique.

La question qui pourrait alors se poser selon les seules données stratégiques, politiques et psychologiques, serait, s’il n’y avait dans le jeu la personnalité et la puissance bureaucratique de l’OTAN (mais l’existence de l’OTAN étant désormais un enjeu de la bataille et non plus un verrou qui empêche la bataille) : sommes-nous revenus à l’enjeude la période de 1945-1948, lors de cette période que nous avons nommée « Le trou noir du XXème siècle » en la décrivant selon des faits bien peu connus, ou plutôt qu’on s’attache à ne pas trop connaître ? Nous développions dans ce texte du Glossaire.ddel’analyse d’un certain nombre d’événements peu connus parce qu’ils ont été, volontairement ou plus encore par ignorance, dissimulés ou réduits à des effets accessoirespar la préoccupation d’une démarche mémorielle du Système pour transformer l’historiographie de façon à la faire correspondre au simulacre de la situation présente.

Il s’agit d’un détournement massif de l’histoire pour permettre l’installation de la fiction selon laquelle il y a eu une continuité conceptuelle entre l’engagement extérieur rompant avec l’isolationnisme des USA dans la deuxième Guerre mondiale (1941-1945 pour eux) et l’engagement universaliste et globaliste, notamment européen, depuis 1945, – mais que nous datons, nous, de 1948. En réalité, ces trois années, durant lesquelles toute était possible dans l’orientation de la situation internationale, les USA se trouvèrent dans une posture redevenue majoritairement isolationniste, dans une situation de complet désarmement, essentiellement préoccupés par leur situation intérieure. Des circonstances à la fois manipulées, à la fois d’importance annexe mais aux effets considérables, modifièrent brusquement cette tendance au profit d’une minorité globaliste rescapée de la tendance universaliste et gauchisante de l’administration Roosevelt, avec le soutien du complexe militaro-industriel qui s’établit d’une manière structurelle en 1947-1948. Ce basculement de 1947-1948 transforma cette minorité en majorité d’influence incontestable. 

Bien entendu, il existe aujourd’hui, ou il a existé jusqu’à aujourd’hui des facteurs objectifs de stabilité qui n’existaient pas en 1945-1948, qui rendent (ou rendaient jusqu’il y a peu) la situation générale actuelle totalement différente sans pour autant gommer certaines similitudes circonstancielles et opérationnelles importantes. On observera néanmoins, – ce pourquoi nous hésitons entre le mode présent et le mode passé, – le fait capital et décisif que tous ces facteurs objectifs sont en train de disparaître ou sont en crise profonde, ce qui explique que la question que nous avons posée plus haut (“sommes-nous revenus...”, etc.) est complètement justifiée, dans tous les cas en ce qui concerne son potentiel massifde déstabilisation.

• La crise des USA est profonde, catastrophique et, selon nous irréversible, alors que la situation des USA en 1945, si elle était celle d’une réelle préoccupation pour sa situation intérieure (crainte d’une nouvelle Grande Dépression), n’empêchait nullement que les USA fussent alors dans une position économique et politique de supériorité écrasante sur le reste du monde. Nul n’était en capacité de dénier cette position de force aux USA en 1945, tandis qu’aujourd’hui se manifestent des forces concurrentes sinon supérieures qui érodent à une vitesse surprenante cette position de force.

• Le système général des relations internationales dont nous dépendons encore aujourd’hui, qu’avaient conçu les USA et qu’ils adopteraient complètement en 1948 était plus confronté à l’incertitude de ses inspirateurs à l’origine qu’à des difficultés concrètes, encore moins à une crise réelle. Aujourd’hui, au contraire, ce système règne partout mais il est dans une crise générale et pour nous irréversible(Grande Crise de l’Effondrement du Système [GCES]).

• La stabilité du Système à partir de 1945 selon la narrative officielle  (en réalité, à partir de 1948 en raison du “trou noir”) tint à l’existence du caractère unificateur de cette narrative parce qu’elle était basée sur des éléments de vérité-de-situation incontestables. Quels que soient les efforts des révisionnistes, il reste que l’URSS fut une réelle superpuissance avec des ambitions d’hégémonie globale clairement affirméed’un système spécifique (le communisme), avec une composante subversive internationale incontestable, et qu’elle pouvait être présentée comme une “menace” collective sans menacer par le poids d’un mensonge hypothétique la stabilité psychologique collective et unificatrice de “l’Ouest”. Il n’en est plus question aujourd’hui, où le mensonge pèse de tout son poids sur les psychologies ; où les “menaces” diverses qui se succèdent et se chevauchent, y compris les puissances russes et chinoises, sont de complets simulacres pour les intentions qu’on leur prêteet pèsent gravement sur la “stabilité psychologique collective et unificatrice du [bloc-BAO]” jusqu’à une zone de rupture où nous sommes entrés.

• La direction des USA était, en 1945-1948, bien rôdée et efficace. Aujourd’hui, et tenant compte fait essentiel que l’élection de Trump est la conséquence et non la cause de la crise, cette direction est dans une crise profonde qui se trouve exprimée par la paradoxale liberté d’action d’un président dont la méthode politique est faite d’impulsion, de pressions psychologiques, et marquée par un caractère personnel de type hypomaniaque-narcissique qui, dans un temps où la communication joue un rôle prépondérant, a des effets considérables. Dans ce contexte, le pouvoir opérationnel de Trump est multiplié par son imprévisibilité et par la désunion totale, voire l’aveuglement des forces (en gros, ce qu’on nomme DeepState) qui auraient dû, non seulement l’arrêter, mais surtout empêcher son élection. Le fait est que, depuis son élection, le pouvoir de Trump n’a fait que s’affirmer au lieu de s’éroder comme on pouvait l’attendre en se référant à la puissance mythique du DeepState. Depuis le retrait des USA du traité nucléaire avec l’Iran le 8 mai dernierc’est Trump seul qui mène le jeu, au point où ses conseillers les plus proches, prétendument relais et surveillants à la solde du DeepStateignorent complètement quelles sont ses intentions... L’explication est claire, comme on l’a déjà dite : c’est le DeepStatelui-mêmequi, à l’image du Système, est dans une crise profonde et terminale, et il l’était avant l’élection de Trump, et c’est cette crise qui a permis l’élection de Trump.

Ainsi peut-on constater l’importance objective qu’a prise Trump, cela sans porter de jugement de valeur sur l’homme. A partir d’une question portant sur des séquences historiques (“sommes-nous revenus à l’enjeude la période de 1945-1948, lors de cette période que nous avons nommé ‘Le trou noir du XXème siècle’ ?”), nous en arrivons pour expliciter notre réponse au sort et à l’action d’un personnage complètement inattendu, sans aucune des vertus habituelles de l’homme d’État, dont l’influence repose essentiellement sur le caractère, sur les excentricités d’attitude, sur l’inexpérience, sur le comportement excentrique, etc.

Trump, l’“isolationniste heureux”

Pour des raisons diverses, également et surtout à cause de son caractère à l’optimisme exubérant qui le conduit à faire une politique hypomaniaque-narcissique qui ramène son action opérationnelle influencée par sa culture de businessman et son inculture complète du globalisme au facteur concret des seuls USA, Trump est un isolationniste au sens ultra-classique, un isolationniste des origines washingtonienne (selon le discours d’adieuy du prelmier président des USA, George Washington, en 1797). Son protectionnisme est, selon la classification de Lucien Romier (Qui sera le maître, Europe ou Amérique ? Hachette, 1925) (*), un « protectionnisme conservateur », un « protectionnisme offensif », un « protectionnisme heureux » datant du XIXème siècle, qui ferme ses marchés aux autres et demande aux autres d’ouvrir leurs marchés. Dans la même conception washingtonienne, Trump est défiant, sinon adversaire des engagements politiques et militaires outremer, ce qui explique à la fois son peu de goût pour les organisations internationales et sa quête pour l’instant discrète d’un désengagement militaire(Syrie, Corée du Sud, Europe), mais qui ne devrait faire que s’accélérera à notre estime devant la résistance désordonnée qu’il rencontre. 

Ces diverses circonstances expliquent le comportement de Trump, son hostilité à l’UE et à l’OTAN(mais aussi à l’ONU, à l’OCI, etc.) et sa sympathie pour le principe de l’identité nationale qui s’oppose à ces entités, sa paradoxale plus grande “confiance” dans des adversaires qu’ils nomment “concurrents”(la Russie, la Chine) et avec lesquels il est prêt à en découdre comme on fait des affaires, selon les règles de la concurrence, que dans ses “alliés” qu’il considère comme des “parasites” profitant des règles globalistes pour s’assurer à bon compte une sécurité qui ne serait pas payée de retour. (Par contre, bien sûr, Trump comme ami plus qu’enthousiaste des “alliés” qui se montrent rétifs de l’ordre imposé par le Système à ces constellations d’“alliances-parasites”, donc aux souverainistes, aux populistes, aux nationalistes, etc.) Il est persuadé qu’en suivant cette politique qui le conduit à des initiatives diverses et souvent contradictoires (pour lui, contradictoires en apparence seulement), il parviendra à “rendre l’Amérique Grande à nouveau” (MAGA, pour Make America Great Again). Cette conviction montre le caractère heureux de l’homme, son optimisme exubérant jusqu’à la béatitude et son incroyable sûreté de soi, toutes choses que lui vaut sa semi-pathologie d’hypomaniaque-narcissique.

(Nous disons “optimisme exubérant” et non pas hybris nécessairement. Trump est assez dépourvu de ce sentiment de mépris supérieur et systématique de l'américanisme politique, qui caractérise la vanité de l’hybris très visible chez un Obama ou une Clinton, et chez tant de ministres, de parlementaires, d’experts et de journalistes de la presseSystème à “D.C.-la-folle”, et même jusqu’à Hollywood. C'est cet hybris et non la couleur de la peau et autres fariboles du genre qui produit le suprémacisme. Paradoxalement et contrairement aux attaques dont il est l’objet, Trump n’est pas un suprémaciste, c’est un optimiste illusionniste et un utopiste faussaire parce que dépendant de la pathologie décrite.)

C’est là que nous arrêtons ce que notre démarche peut sembler avoir encore de courant en ne s’intéressant qu’aux faits politiques, stratégiques, etc., – bref, aux faits prétendument objectifs... Effectivement puisqu’il s’agit de Trump dont nous avons souvent parlé dans ce sens, effectivement il s’agit d’un homme qui est manifestement porteur d’une pathologie qu’on a déjà souvent identifiée, et pour cette raison notre démarche se personnalise et entre dans les arcanes des psychologies outrancières et faussaires. Pour ce qu’il en est de Trump, on sait que son jugement est complètement déformé et au-delà d’une appréciation rationnelle et contenue dans les limites de la mesure. Son optimisme exubérant s’apparente à une utopie pathologique et faussaire et ne concerne pas le monde réel (tel qu’il est), – et l’Amérique encore moins. La façon dont il présente la réussite américaine telle que l’argument publicitaire américaniste dit qu’elle fut, la façon dont il se réfère aux pourcentages chiffrés pour évaluer une capacité de défense lorsqu’on sait d’une façon générale la productivité de ces chiffres au Pentagone, tout cela le met au rang des bateleurs utopistes et faussaires. Il est hors de question qu’il fasse MAGA, parce qu’il se trompe complètementsur l’Amérique, et sur les moyens à employer pour la faire “renaître”, et sur la capacité que l’Amérique a de “renaître”, – lesquels sont inexistants, laquelle est équivalente à zéro.

Mais, bien entendu, nous ne pleurerons pas sur cet échec infiniment probable, d’ailleurs en constatant qu’il n’est pas là pour ça. Il est là pour faire ce qui se fait le plus aisément, qui est de détruire (avant de reconstruire croit-il, selon MAGA & Cie) ; et détruire l’ordre en place, qui est pourtant, – Trump n’est pas assez conceptuel pour comprendre cela, – ce qu’il peut y avoir de mieux, ou de moins mauvais pour ce qu’il reste de l’Amérique comme instrument du Système. Trump n’est pas assez conceptuel pour comprendre qu’il fait de l’antiSystème ; Trump est l’antiSystème absolu qui s’ignore absolument ; donc, l’antiSystème irrésistible et inarrrêtable... Ainsi fera-t-il effectivement tout ce qu’il peut pour, notamment, détruire l’UE et l’OTAN, bien que ces deux entités soient objectivement d’excellents outils au service du système de l’américanisme, et d’ailleurs du Système tout court. Et sans doute y parviendra-t-il dans une certaine mesure car il a déjà montré des capacités remarquables à cet égard.

Ainsi, oui, nous sommes revenus à 1945-1948, mais ce jugement à condition qu’il s’agisse de la période telle que nous-mêmes l’avons décrite, cette période que nous avons nommé « Le trou noir du XXème siècle », cette période où tout était possible, – aujourd’hui où tout est à nouveau possible, mais dans un paysage beaucoup plus vaste, dans des dimensions infiniment élargies, vers le plus bas (comme vers le plus hautpour ceux dont le jugement ne se suffit pas des seuls arguments autorisés par la raison). Bien entendu, cette formule du “Tout est à nouveau possible” doit être comprise dans un sens libérateur, pour le meilleur ou pour le pire c’est selon, à partir d’une situation d’emprisonnement où nous ont confinés les deux tiers de siècle précédent ; c’est-à-dire que le “tout est possible” implique paradoxalement des impossibilités, la principale étant le retour à l’ordre ancien, ce qui règle le sort des entités qui en assuraient le maintien, et aussi le sort des USA tels qu’ils se sont imposés durant la période.

 

Note

(*) Romier estimait qu’il y avait deux sortes de protectionnisme : le “protectionnisme heureux” dont le pays qui le pratique s’arrange très bien à cause de sa puissance intérieure, et dont les USA furent l’exemple parfait au XIXème siècle. D’autre part, il y a le “protectionnisme de défense”, un “protectionnisme inquiet”, celui de pays touchés et handicapés par des circonstances malheureuses, comme une défaite de guerre, cela nécessitant de protéger ce qui reste et survit encore.