The Art of the Victory”, par Donald J.Trump

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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The Art of the Victory”, par Donald J.Trump

7 mai 2025 (20H00) – Nous avons beau nous moquer, revenir sur nos jugements, juger qu’il n’est qu’un outil, une sorte de marionnette du Ciel pour transformer le ballon des globalistes en un cube de type Rubik, hermétique et explosif, – lui, il terminera toujours le “Jeu, Set & Match” en nous stupéfiant une fois de plus. Trump n’est nullement un menteur ni un simulacreur comme nous avons dû en supporter tant ces dernières années ; c’est un magicien de foire et de génie, une sorte de boni-supermenteur, un prestidigitateur, un enchanteur et un escamoteur. Devant lui, on reste sans voix et si quelqu’un dit : “Mais il dit n’importe quoi, il ment, il ne cesse de mentir !”, on chuchote autour de lui, d’une seule voix :

“ Chchchttt, il n’a pas fini... Voyons ! Un boni-menteur, peut-être, mais un menteur jamais !

Ainsi en était-il lorsqu’il a annoncé hier, au détour d’une conférence de presse standard, que les États-Unis avaient remporté une “victoire” sur les Houthis, – rien de moins que la “victoire” finale, en fait. Larry Jackson exprime de cette façon un peu leste le passage :

« Donald Trump a mentionné en passant que les Houthis avaient appelé les États-Unis pour qu'ils cessent leurs bombardements, et Trump, en homme bienveillant qu'il est, a acquiescé. Les Houthis ont capitulé... »

Mais vous connaissez Larry : ancien officier de la CIA, il n’aime rien tant que la vérité des faits alignés d’une façon ordonné. Il corrige donc sévèrement le 47ème président des Etats-Unis en précisant que le cessez-le-feu, s’il est effectif, a été obtenu après quelques jours de négociations secrètes entre l’indispensable Witkoff et les Houthis, par l’intermédiaire d’Oman, et que les USA étaient plutôt demandeurs dans cette affaire. L’Iran suit ces négociations et les approuve chaleureusement. 

Trump appelle ça “une victoire” des États-Unis, comme à la fin des Première et Deuxième Guerres mondiales, de la Corée, du Vietnam, de l’Irak, de l’Afghanistan, – que des victoires, que des victoires, pour les États-Unis seuls, et derrière elles, par prémonition puis par habile et surprenante dialectique, le génie de “The Art of the Victory”... Il ne suffit pas de le dire, il faut le dire au bon moment, alors que personne ne s’y attend, que personne n’est au courant... Comme d’autres font des attaque-surprise, Trump c’est la victoire-surprise.

• Selon le ‘Middle East Spectator’, Israël n'a pas été informé ni des négociations avec les Houthis ni de la décision à l'avance et Israël n’est pas satisfait, mais alors pas satisfait du tout. Witkoff s’en fiche, comme la première fois qu’il a rencontré Netanyahou. Commentaire du journal cité par Johnson :

« Trump a jeté Israël sous le bus d'une manière très rare pour lui ; de plus, il n'a pas consulté Israël. »

• Selon “l’intrépide Pépé Escobar” (formule de Johnson), qui quittait l’Iran hier et a adressé un message à son ami Johnson, le commandement US de la région, le Central Command, n’était pas averti non plus. Le message de “l’intrépide Pépé Escobar” était le suivant

« C'est [la nouvelle du cessez-le-feu négocié en secret] partout dans les médias iraniens. CentCom est totalement humilié. »

Finalement, dans tous les cas pour cette nouvelle, Larry Johnson conclut de la sorte :

« Ce ne sont pas les Houthis qui ont appelé l’Oncle Sam au téléphone, ce sont les États-Unis. Il était facile pour les Houthis de promettre de cesser de tirer des missiles sur les navires américains, car il n'y aurait plus de navires américains en mer Rouge. Cela me rappelle la victoire des États-Unis au Vietnam le 30 avril, tandis que l'armée nord-vietnamienne prenait le contrôle de Saïgon. Considérez cela comme une victoire pour les Houthis. Depuis le 15 mars, les États-Unis ont perdu sept drones et trois F/A-18 Hornet[le troisième hier, sur le pont du ‘Trumanselon CNN] et ont dépensé environ 3 milliards de dollars pour plus de 1 000 sorties. Alors que de nombreux Yéménites ont été tués par les bombes américaines et que le Yémen a subi d'importants dégâts au niveau de ses infrastructures diverses, les États-Unis n'ont pas réussi à briser la volonté de combat des Houthis. » 

Mais ce n’est pas tout. Trump annonce également « des grandes nouvelles » du même tonneau que cette magnifique “victoire”. Là aussi, Johnson a son idée et il nous la confie : on fonctionne toujours avec le duo Witkoff-Oman, qui continue à bien se ficher de n’en informer en rien les Israéliens, lesquels vont entrer dans une considérable fureur. Voilà qui contribuera à attiser les soupçons d’un Trump faux-drapeau, jurant fidélité à Israël pour mieux trahir Israël ... Ou bien, est-ce le contraire ?

Continuons avec Johnson qui, selon ses méthodes d’analyste, continue à tenter de comprendre et d’expliquer quels sont les intentions et perspectives stratégiques de Trump.

« Trump a également déclaré que de grandes nouvelles allaient arriver au Moyen-Orient. Compte tenu des négociations de Witkoff avec Oman, qui joue le rôle de médiateur entre les États-Unis et l'Iran, Trump pourrait-il annoncer que les États-Unis ont “convaincu” (une autre “victoire”) les Iraniens d'abandonner leur programme de construction d'armes nucléaires ? C'est mon avis. Si cela se confirme, cela rendra fous Netanyahou et les néoconservateurs, ma07-05-2025is Trump aura une victoire diplomatique à son actif. Si cet accord est conclu, il validera l'accord JCPOA qu'il a abandonné en 2018. La grande différence… Trump bénéficiera d'un accord permanent, contrairement à l'accord décennal du JCPOA. »

Larry Johnson ne cache pas que Trump, pour l’instant et au moment où il célèbrerait l’amitié retrouvée entre les USA et l’Iran, préfèrerait ne pas avoir une guerre indo-pakistanaise sur les bras. On peut comprendre qu’il glisserait certainement un mot d’encouragement à tous les protagonistes et à son ami Poutine pour que ce dernier, lui-même ami à la fois des Pakistanais et des Indiens, intervienne pour faire valoir ses bons offices et prêcher la raison et la mesure. Trump pourrait même envoyer ses félicitations secrètes le 9 mai pour la célébration de la victoire russe dans sa Grande Guerre Patriotique, également connu comme la Deuxième Guerre mondiale (celle de Poutine, pas celle de Trump que les États-Unis ont gagné tous seuls ; à chacun sa guerre mondiale.)

Inutile d’ajouter, – mais mieux est finalement de le préciser, – qu’en attendant, on préfèrerait que Zelenski attende un peu avant de tenter sa nième récrimination et susciter le nième simulacre de virage de la politique de Trump.

Quel étrange parcours, mais qui n’est pas sans agrément et ouvre le commentaire à bien des humoristes et autres satiristes. Le seul véritable plaisir du moment que vous devez goûter, c’est celui de songer aux neocon et à l’excellent Netanyahou, plongés dans une crise profonde de dépit et surtout d’exaspération devant ce jouet présidentiel qui semble parfois avancer dans le bon sens, et qui soudain, à telle ou telle reprise, échappe à leur contrôle et n’en fait qu’à sa tête.

Rien que pour cela, Trump devrait avoir le Prix Nobel de “The Art of the Victory”.