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Sur quelques notes en bas de page

Le site europe 2020 est la vitrine d'un think-tank très politique, très pro-européen; on ne doit donc pas être surpris de trouver une appréciation comme celle-ci dans ses commentaires:

[…] «Le chemin de l’Euroland est un parcours long, complexe, et chaotique, à l’image de la route parcourue depuis les années 1950 en matière d’intégration européenne [14]. Mais c’est un chemin qui renforce notre continent et va placer l’Euroland au cœur du monde d’après la crise. Si les marchés ne sont pas contents de cette réalité, c’est leur problème. Ils vont continuer à voir leurs actifs-fantômes s’envoler en fumée, leurs banques et hedge funds faire faillite, essayant en vain de faire grimper les taux sur les dettes européennes avec pour résultat de voir les notes des agences de crédit anglo-saxonne perdre toute crédibilité.»

Du moins ne doit-on pas être surpris par le ton, mais on doit s'arrêter sur “avec pour résultat de voir les notes des agences de crédit anglo-saxonne perdre toute crédibilité”, qui indique une possibilité peu évoquée d'évolution de la crise. Imaginez, si vous pouvez, le désordre accentué, totalement erratique, de marchés privés de leurs repères favoris.

L'auteur enfonce le clou par cette note en bas d'article:

[…] «[L]a composition de l’actionnariat des trois agences éclaire l’absence totale d’indépendance de leurs décisions puisqu’elles sont aux mains de quelques grandes banques et fonds d’investissements US (source : Bankster, 04/11/2011). Il est temps qu’elle dégrade la note de l’Euroland de plusieurs points … pour que les investisseurs fassent leurs choix : croire les notes des agences ou se fier à leurs propres opinions (source : CNBC, 15/12/2011). Il y aura une différence in fine. Selon LEAP/E2020, ceux qui suivront les agences seront les plus gros perdants de cette crise financière. Et la tentative des gouvernements européens de “garder à tout prix leur AAA”, comme c’est le cas de Nicolas Sarkozy, démontre une seule chose : ils ne font qu’écouter leurs amis financiers. Quand on est l’Euroland et qu’on est le premier bloc commercial mondial, le détenteur de la plus grosse épargne mondiale, etc…, on se moque complètement des agences de notation. On les ignore ou on leur casse les reins. Deux choses qui seront au programme de 2012 d’ailleurs.»

Conformément à l'orientation d’“Europe 2020” l'auteur anticipe ces évolutions comme favorables à l'Europe, ce qu'on peut prendre pour un vœu pieux, je n'ai pas compétence pour en décider. (Il me semble toutefois que la panique peut aussi bien ne profiter à personne, ou à n'importe qui.)

Malgré le goût des graphiques et de l'apparat technique qui fait “objectif”, caractéristique du site, le texte est d'une violence subjective marquée. La furie anti Anglo-Saxonne se donne libre cours dans une note comme celle-ci:

[…] «A ce propos, notre équipe en profite pour partager ses réflexions sur l’utilisation du terme “Uni” dans les noms de pays. Nous considérons que tous les pays ou entités politiques qui mettent le mot Uni ou Union dans leur nom sont condamnés à la désunion le jour où une crise grave modifie les équilibres internes. Le fait d’utiliser le terme “Uni” masque en fait un problème fondamental d’identité commune. C’est pour cela que l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques s’est effondrée ; que les Provinces Unies se sont désunies et que les Etats-Unis comme le Royaume-Uni font face à des tendances centrifuges croissantes. C’est aussi pour cela que l’Union européenne n’est pas une entité politique viable (elle est vouée à n’être qu’un grand marché, source : Spiegel, 18/11/2011)… à la différence de l’Euroland qui n’a pas besoin de rajouter Union ou Uni pour avoir une identité commune.»

Je dois admettre un sursaut devant l'idée que le “couple franco-allemand”, par exemple, relèverait d'une identité commune mieux fondée que le royaume uni, et ce au motif qu'il fait partie d'un “Euroland” dont le nom, n'usant pas de la notion d'unité, exprimerait une plus grande assurance identitaire.

Ceci à la fin de la même note:

[…] «Franck Biancheri, directeur de LEAP/E2020, avait ainsi exprimé, pour ces raisons, son opposition à l’adoption du terme Union européenne à la place de Communauté européenne au début des années 1990.»

Pourquoi le mot communauté ne trahirait-t-il pas un doute intime sur la réalité de la communauté en question ? Le mot royaume un doute sur la réalité de la souveraineté ? Le mot république un doute sur la réalité de la politique ? Et le nom Euroland enfin un doute sur l'optimalité d'une zone monétaire?

Aucune de ces remarques ne doit faire croire que l'article ne vaut pas la lecture. Il détaille les malheurs anticipés et/ou souhaités des USA entre 2012 et 2016 avec une sureté de ton quasi prophétique et les courbes vont bien, appuyé sur divers succès de pronostic enregistrés dans le passé proche.

Il faut lire les pro-Européens, même pro-Allemands:

«Selon LEAP/E2020, Angela Merkel est sans conteste aujourd’hui le seul “homme d’État” européen, et même occidental. Elle n’est pas une grande visionnaire mais c’est la seule responsable politique mariant la nécessité de politiques difficiles avec une vision positive de l’avenir. Et quoiqu’on en pense, elle fait preuve d’une indéniable détermination, une qualité nécessaire pour réaliser les choses qui ont de l’importance en politique et qui sont toujours des choses difficiles.»

Lien: http://europe2020.org/spip.php?article716&lang=fr

GEO