SPÉCIAL-III : réponse à un lecteur canadien (québécois) et mise en perspective de l’avenir du site dedefensa.org

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SPÉCIAL-III : réponse à un lecteur canadien (québécois) et mise en perspective de l’avenir du site dedefensa.org


Un message d’un lecteur québécois ce 25 septembre 2005 nous permet, de façon très heureuse, au travers des réponses que nous lui faisons, d’évoquer l’élargissement de la possibilité d’échanges avec nos lecteurs en général, d’élargir la définition de notre site dedefensa.org, de parfaire son appréciation politique, de préparer plus précisément les transformations que nous allons lui apporter à partir du mois prochain.

Que Réjean Tremblay soit Canadien et Québécois renforce notre choix de lui répondre d’une façon générale, en abordant ces questions qui nous paraissent importantes au travers de celles qu’il soulève lui-même. Cette particularité géographique et culturelle rend bien compte de notre intention, de notre ambition même que dedefensa.org, en restant ce qu’il est, étende ses liens et connexions au-delà de son champ d’activité naturel et originel de l’Europe francophone.


Le message de Réjean Tremblay, Québécois et intéressé à la question des anti-modernes contre les modernes

Voici le message en date du 25 septembre de Réjean Tremblay auquel nous nous référons.

« A propos de : Notre raison d'être — Extrait de la rubrique de defensa, “de defensa” Volume 20, n°20 du 10 juillet 2005

» Bonjour,

» Je cherche à savoir si vous avez le temps de lire et répondre aux courriels (“e-mails”) que vous recevez. Gérer un site Internet prend beaucoup de temps.

» Je cherche à débattre de la question moderne et anti-moderne avec vous...

» Nous avons eu au Canada, dans le cadre de cette question fondamentale pour votre site, dès les années 50, avec le projet de l'avion de chasse Avro Arrow (le plus avancé à l'époque), une dynamique similaire à ce que l'Europe et la France subissent aujourd'hui avec le Rafale.

» Étiez-vous au courant de la question du Avro Arrow?

» Nous au Canada, et au Québec particulièrement (sans prétention), connaissons bien les stratégies impérialistes de l'Ogre américain...

» Nous avons été confrontés au problème américain depuis plus de quatre siècles...

» En passant, félicitations pour votre site, vous avez compris que le monde dépend du destin qui attend l'Empire américain et la fin de la Pax Americana instaurée depuis 1945...

» Amicalement, Réjean Tremblay


Comment répondre à nos lecteurs, débattre avec eux, faire débattre nos lecteurs entre eux et ainsi de suite

Nous passons en revue les questions évoquées par notre lecteur Réjean Tremblay. C’est qu’elles nous paraissent intéressantes en elles-mêmes bien sûr, c’est aussi et surtout qu’elles restituent une logique et une diversité de développement de notre site utiles à rappeler et à illustrer à l’heure où ce site va subir une transformation importante. Il s’agit aussi bien d’une illustration que d’une clarification de nos intentions qui seront utiles à nos lecteurs.

(On sait que nous entreprendrons une action à partir du 1er octobre, dans tous les cas dans les jours qui suivront, et que durant cette période également sera installée une nouvelle mise en page qui marquera cette nouvelle période. Bien entendu, nous informerons nos lecteurs, prochainement, dans les jours qui viennent, de nos intentions de façon plus précise.)

La question du débat de nos lecteurs avec nous et du débat de nos lecteurs entre eux est une question importante et inévitable. Elle se pose en termes pratiques dont l’importance et le poids ne sauraient être négligés et devront être mesurés, surtout à l’approche des échéances de réalisation effective de nos projets. (D’accord : « Gérer un site Internet prend beaucoup de temps. »). Nous tenterons de répondre à cette attente de dialogue avec l’installation d’un outil de débat, un Forum plus “interactif” qu’il n’est actuellement. Cette installation se fera peut-être dans le courant du mois d’octobre, certainement d’ici la fin de l’année, selon nos possibilités d’action. Elle permettra d’éviter le plus possible des attitudes qui ont pu paraître inattentives, légères ou injustes à certains de nos lecteurs, ceux qui nous posèrent des questions intéressantes et auxquels nous ne répondîmes pas. (L’occasion est bonne pour leur demander d’accepter nos excuses.)


Anti-modernes contre modernes: définition d’une conception qui définit complètement notre action

Notre lecteur Réjean Tremblay fait ces remarques pratiques à propos d’un sujet bien précis : « Je cherche à débattre de la question moderne et anti-moderne avec vous... » On ne peut mieux dire, et ainsi passer du terrain technique au terrain de la “doctrine” et de l’engagement. Cette question des modernes et des anti-modernes, ou dit différemment et de façon plus explicite, des anti-modernes contre les modernes, est complètement fondamentale. Elle résume notre position d’une façon miraculeusement heureuse, par la brièveté et la profondeur à la fois qu’elle propose. Elle synthétise la légitimité de notre position et de notre contestation, et donne à nos arguments le poids de la responsabilité, de l’expérience et de l’indépendance de l’esprit.

Nous prendrons comme une sorte de “devise”, figurant dans notre texte fixe de présentation du site dans la nouvelle formule de mise en page, cette phrase que nous avons déjà souvent citée et qui figure dans le texte auquel Réjean Tremblay se réfère (le texte sur “Notre raison d’être”) ; cette phrase enfin, avec une petite modification de forme nécessaire : « Celui qui peut dire “nous modernes” tout en dénonçant le moderne. »

En d’autres mots : nous, anti-modernes, parce que nous avons été modernes et restons modernes d’une certaine façon, sommes absolument justifiés de porter la critique la plus radicale contre le moderne. Nous le sommes, justifiés, en nous appuyant sur les références qui nous importent, — et, parmi elles, celle, essentielle, de la tradition, que l’indépendance d’esprit de l’anti-moderne doit permettre d’aller revisiter et mesurer à sa juste et profonde valeur. S’il y devait y avoir un modernisme, ce ne devrait pas être celui de l’aveuglement obligeant à ne considérer qu’une seule orientation mais celui qui, en étant de son temps, sait considérer des choix divers avant de se prononcer, et celui qui ne craint pas de se référer au passé, de s’appuyer sur le passé, de s’ébrouer dans le passé s’il le faut, — c’est-à-dire profiter de la lumière fondamentale de la tradition qui est la structure la plus riche et la plus proche d’être pérenne dont nous disposions. (Sans aucun doute, le terme “tradition” mérite une définition et vaudrait un débat dans nos colonnes. Nous comptons bien y revenir souvent, jusqu’à en faire un débat permanent.)

De cette façon, “anti-modernes contre modernes”, ce n’est pas une bataille du passé contre le modernisme mais une bataille autour de la définition de la conception de la vie et de l’histoire que recouvre le mot “modernisme”.


Travaux pratiques des antimodernes contre les modernes : cas de l’avion Arrow

Là-dessus, notre lecteur nous invite à passer à une question beaucoup plus spécifique, beaucoup plus technique, en nous rappelant le cas de l’avion canadien Arrow, qu’il définit en des termes proches de ceux que nous employons pour l’avion Rafale. C’est bien fait et c’est bien dit. C’est un véritable passage à l’acte, l’oint sacré de la transmutation de la théorie dans le réel. Aujourd’hui, ce débat sur la technicité et ses produits plonge dans la bataille des anti-modernes contre les modernes. Il en est véritablement le cœur et justifie complètement l’intérêt que nous portons à cette “quincaillerie” (les avions de combat et l’armement). Ainsi, c’est parce qu’ils en connaissent sur la modernité que les anti-modernes sont capables de prendre position dans une problématique à première vue aussi complètement enfermée dans la technicité ; et, plus encore, d’y découvrir des références spirituelles tout en prenant une position responsable.

Oui, bien sûr, nous connaissons le cas de l’avion Arrow, un avion très en avance sur son temps (période 1956-60), qui marquait une remarquable supériorité de l’industrie canadienne (cellule et moteurs) et qui fut abandonné au profit d’un achat absurde de missiles américains (les engins de défense aérienne Boeing Bomarc). C’est le cas malheureusement exemplaire, parce que si souvent répété, d’une abdication de la souveraineté nationale, le cas de l’abandon de la légitimité face à la brutale force mécanique de l’américanisme, — “ivre de puissance et vide de sens”. C’est le cas évident de l’anti-moderne (nous qui avons connu le Arrow, le comprenons et le soutenons, et renforçant ainsi l’identité et la souveraineté d’un peuple, c’est-à-dire des peuples en général) contre le moderne (celui qui abandonne le Arrow).

(Les dirigeants anglo-saxons non-américanistes suivent une coutume effrénée, presque hystérique, de capitulation de leur souveraineté au nom de la vertu d’une efficacité toujours démentie, notamment dans ce domaine de l’aéronautique militaire. Le cas du TSR2 britannique, abandonné en 1964 au profit d’un F-111 américain qui s’avéra un fiasco complet pour les Britanniques, est de la même eau que le cas du Arrow. Dans les deux cas, il s’agit du sacrifice d’une industrie souveraine et stratégique au profit d’une allégeance dont personne n’a encore pu démontrer la moindre “vertu d’efficacité” mais dont l’infamie et le caractère résolument subversif éclatent à chaque instant.)

Ce cas précis et singulièrement technique suffit à rendre compte que nous entendons bien soumettre nos intentions de débat à l’épreuve des faits les plus précis. En même temps, il nous importe d’arracher la technique, qui domine tout aujourd’hui, de sa gangue de “technicité” qui favorise la soumission au plus fort, pour l’exposer à la lumière de la signification politique.


Regarder l’ “Ogre américain” (américaniste) au fond des yeux, sans ciller

Enfin, notre lecteur Réjean Tremblay termine sur l’évocation de « l’Ogre américain », du « problème américain » auquel le Canada est confronté depuis quatre siècles. Nous tombons aussitôt d’accord : bien sûr, le problème de l’hégémonie américaniste, de l’omniprésence d’influence du système de l’américanisme est non seulement essentiel, il est presque exclusif et il est plus ancien qu’on croit. Réglez-le et tous les autres changent, et la plupart des autres sont résolus. Réglez-le et la substance des relations internationales change. Réglez-le et vous avez décisivement avancé sur la voie de la compréhension du problème que nous pose la modernité.

Cette idée justement conduit le contenu du site et justifie l’orientation constante de nos recherches et de nos commentaires. C’est terminer sur une évidence qui est celle de notre temps historique si chaotique et pourtant si simple à embrasser dans la brutalité de son enjeu central. Jamais n’a existé avec autant de clarté la situation où l’on peut reconnaître, au premier coup d’œil du regard expérimenté, celui que le stratège doit identifier comme “l’ennemi principal” (selon le chef communiste Ho Chi minh) et qui devient dans notre cas l’“ennemi central”.