Semaine du 21 au 27 octobre 2002

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Semaine du 21 au 27 octobre 2002


Les relations entre les USA et le Mexique sont fascinantes. Elles sont, comme on dit, “à l'honneur”, dans le cadre de l'ONU, dans cette mémorable saison onusienne, parce que les Mexicains sont dans le Conseil de sécurité (membre provisoire) et qu'ils sont parmi les plus pugnaces, parmi ceux qui freinent résolument les Américains et les bousculent rudement. Eux, les Mexicains, avec les Français, si bien qu'on pourrait parler, à un instant ou l'autre, d'un “axe Paris-Mexico”. (Ce que nous nous sommes empressés de faire, voir notre F&C sur le sujet.)

Relations fascinantes, certes, parce que des relations qui semblent au moins d'“égal à égal”, et parfois des relations où les Mexicains semblent prendre le dessus ; — “parfois” ? Nous dirions : de plus en plus souvent, dans tous les cas quand ces relations rencontrent un problème, qu'elles doivent être redéfinies et maîtrisées à nouveau. La relation Fox-GW est devenue un point exemplaire à cet égard. Les deux hommes sont devenus présidents à peu près en même temps, ils se connaissent du temps où GW étaient gouverneur du Texas, on les dit assez proches (mais ce dernier point n'est-il pas pure RP, pure communication ?). Fox, avec son éducation très “à l'américaine”, à la Business Harvard School, avec son passé dans le business, — et quel business : président de Coca Cola-Mexique ! — Fox semblait taillé sur mesure pour entrer dans le moule américain. Il semblait aller comme un gant à la grande République, ce grand Mexicain.

En vérité, il y était, Fox, dans le moule américain, inutile de chercher à l'y faire entrer. Le problème est que, plus que d'y entrer, il en serait plutôt un peu sorti ou en train d'en sortir. Ainsi vont les choses, sans jamais suivre les plans tracés pour elles.


Comment ALENA a transformé les relations entre le Mexique et les États-Unis : on croyait que le problème de ces relations était économique, on découvre qu'il est humain, culturel, “civilisationnel”

Dans ces “amitiés” un peu sollicitées, dans ces relations qu'on a purgé des anciennes tensions entre suzerain et vassal, mais où en subsiste ici et là le souvenir, et le souvenir ranimé à telle occasion ou telle autre, — le problème est que l'aise affiché cache souvent une tension temporairement repoussée. L'accord ALENA de libre-échange pour le continent nord-américain, mis en place par le père de GW, bouclé par Clinton, l'ALENA qui devait complètement stabiliser et enrichir fastueusement les relations entre USA et Mexique, l'ALENA est ce type même de “purge” qu'on croit irrésistible et qui vous joue des tours, du moins lorsque les Américains sont dans le coup. C'est le type complètement achevé du “faux-ami” comme on dit à un Français qui apprend l'anglais (le même mot dans l'autre langue et dans la sienne, mais avec une signification différente). Américains et Mexicains y ont vu, dans un élan d'enthousiasme commun, des choses complètement différentes.

ALENA était fait pour apaiser les tensions, outre l'essor économique qu'il promettait. Il les exacerbe. Il était fait pour niveler les différences, il les colore dans des teintes différentes et le plus souvent opposées. Il rend les Américains plus indifférents et plus maladroits vis-à-vis des Mexicains, les Mexicains plus frustrés et plus insolents à l'encontre des Américains. Il règle (un soi-disant règlement d'ailleurs) les questions économiques et aggrave les questions humaines après les avoir fait naître à leur exacte mesure.

ALENA avait été introduit entre Américains et Mexicains à partir d'un quiproquo que les Américains avait construit inconsciemment, parce qu'il n'y a pas un peuple qui fonctionne plus sous l'empire de son inconscient que les Américains : l'idée que le problème des relations entre États-Unis et Mexique est un problème économique, alors qu'il est humain bien sûr, c'est-à-dire culturel, “civilisationnel” (puisqu'il n'existe pas, inventons le mot pour quelques instants). Ainsi de Fox : ce nouveau président mexicain, sorti de la Harvard business School, qui devait être la solution économique entre les deux pays ; il en est devenu le principal problème humain. ALENA a réussi une formidable démystification dont nous commençons à percevoir les fruits, et qui vaut, à l'inverse du quiproquo, pour les Mexicains bien plus que pour les Américains ; il a fait comprendre aux Mexicains que la substance des tensions dans les relations entre les deux pays n'est pas économique. Les mexicains vont profiter de cette révélation.


Le couple Fox-GW ouvre le XXIe siècle dans les relations entre le Mexique et les États-Unis, — ou le Mexique comme tête de pont du “reste du monde” au coeur de l'hyper-puissance américaine

Venu après ces étranges relations entre Fox et GW, après ces affirmations qui nous semblent si incongrues de l'autorité de Fox par rapport aux Américains, l'épisode de l'ONU est la marque d'une nouvelle étape dans les relations entre les deux pays. Le problème de ces relations est désormais d'essence politique, puisqu'il est devenu humain. Désormais, tous ces incidents auparavant assez désordonnés, assez confus, que ce soit les questions de frontière, d'immigration, que ce soit les questions de la communauté hispanique aux USA, la prépondérance grandissante des latinos dans certains États de l'Union, les nouveaux rapports du Mexique avec ses nationaux ou ses anciens nationaux aux USA, — désormais, tout cela va prendre une coloration politique et va être jugé politiquement. Ainsi le percevront les acteurs de cette pièce, pour le meilleur et pour le pire.

L'étrange couple Fox-GW, particulièrement dans cette saison onusienne où le Mexique se permet d'avoir une politique qui lui est propre face aux États-Unis, et même contre les États-Unis, ouvre le XXIe siècle des relations de ces deux pays du continent nord-américain. Désormais, le Mexique tient ce rôle essentiel, au sein du “reste du monde”, d'être la tête de pont avancée, et combien politique, du “reste du monde” au coeur de la grande République américaine, au coeur de l'hyper-puissance.