Semaine du 12 au 18 août 2002

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semaine du 12 au 18 août 2002

Cette semaine a été marquée, en Europe, par les catastrophes naturelles. Les inondations ont atteint une ampleur catastrophique en Autriche, en Allemagne, en Tchéquie, avec des intempéries d'une gravité inhabituelle, notamment des chutes de pluie torrentielles, pour cette période de l'année. Ce constat sonne comme un bulletin météo, mais cela ne doit étonner qu'un instant. Ce constat, c'est le signe que la situation de tension générale qui affecte la situation et les relations internationales, que le malaise culturel et psychologique qui affecte notre civilisation n'épargnent plus désormais aucun domaine.

On ne l'ignore pas : aussitôt que ces intempéries sont apparues et ont commencé à produire leurs effets catastrophiques, l'interprétation a été s-de mettre en évidence la crise de l'environnement. C'est-à-dire, plus précisément, le global warming et ses conséquences sur la déstabilisation du climat, — car c'est bien comme cela que nous percevons de plus en plus les conséquences du global warming : plus qu'un changement du climat, une déstabilisation du climat (d'aucun [nous-mêmes ?] n'iraient-ils pas jusqu'à dire : une déstructuration du climat ?).

Jusqu'ici, démarche classique. Il y en aura bien, parmi nos commentateurs, pour voir dans ces réactions “la main de Moscou” (ceux qui persistent à juger que les inquiétudes pour le climat qui est en train de devenir instable et catastrophique relèvent d'une tendance complotiste-gauchiste). Laissons ces choses pas très sérieuse, qui ne nous signalent rien d'autre que l'angoisse pathologique de ceux qui les avancent. Il y a quelque chose d'autre, autrement sérieux.

Une réaction immédiate après les inondations catastrophiques : la mise en cause de l'Amérique

On a déjà signalé, comme exemplaire, dans notre rubrique Nos Choix, cet article du Washington Times du 15 août, avec ce titre « America Did It ». On peut donner la substance de l'article en citant le premier paragraphe, qui dit tout à cet égard :


« Leftist politicians and environmentalists sought yesterday to link Europe's worst floods in decades to U.S. reluctance to endorse the Continent's approach to fighting global warming. The target of their efforts was the Bush administration's decision not to support the Kyoto protocol. »


Voilà ce que nous devons apprécier comme un événement très caractéristique, important, certainement avec des conséquences qui compteront : non seulement la “politisation” de ces événements, ce qui est une réaction désormais courante, mais une politisation précise, conséquente, — ou encore, si l'on veut bien passer sur le pléonasme sans nous en tenir rigueur : une “politisation politique”.

En général, la politisation des événements environnementaux consistait à accuser un système, des méthodes économiques, un comportement politique et économique. On mettait en accusation le “système capitaliste”, le “goût effréné du profit”, l'“hyper-libéralisme”, le “laisser-faire du marché libre”, etc. Là, effectivement, on se trouvait en pleine dialectique “complotiste-gauchiste”, qui est par essence même une dialectique irresponsable ; on accuse une entité abstraite, on renforce sa propre vertu, on n'a rien résolu et on s'en lave les mains, — au demeurant restées fort propres tout au long du processus.

Les temps changent. En identifiant celui qu'ils estiment être la cause de tous ces malheurs, le pays le plus puissant du monde qui développent le plus les activités polluantes et qui refuse de tenter de les restreindre, ces accusateurs franchissent un pas important dans le domaine de la responsabilité. Ils élargissent de manière décisive la signification de la crise environnementale dans laquelle nous sommes depuis des décennies, et dans laquelle, à cette occasion, nous entrons de plain-pied, en toute conscience et en abandonnant notre bonne conscience de l'irresponsabilité.

La “société des loisirs” complètement dépolitisée par notre évolution virtualiste, redevient politique par le biais des questions de l'environnement, jusqu'à des perceptions apocalyptiques

Il n'est pas temps, sur ce champ de réflexion que nous avons choisi, d'approuver ou de critiquer la mise en cause faite ici, dire si elle est juste ou pas juste, et ainsi de suite. (On s'en charge par ailleurs, à une occasion ou l'autre, et puis l'évidence devrait nous guider.) Simplement le souci de constater combien, bis repetitat, les temps changent.

Les tensions qui nous déchirent, la rupture qui semble caractériser notre temps historique, cette perception que nous avons si forte, d'être à la charnière de l'histoire des hommes, méritent amplement que le débat soit élargi à toutes les affaires humaines. Il se fait qu'aujourd'hui les affaires humaines, trop humaines même, concernent le temps qu'il fait et les caprices de la nature, qui ne semblent plus être de simples caprices mais des réactions provoquées par nos activités, directement ou indirectement. Ainsi la crise s'élargit-elle, ainsi la rupture historique se fait-elle plus pressante, la fracture qui menace notre histoire plus béante, lorsque plus aucun domaine de notre vie sociale et communautaire n'échappe à sa nécessaire interprétation politique.

Plus encore, — cette intrusion de la perception d'une situation catastrophique de l'environnement à la suite d'activités humaines recèle la possibilité de l'intrusion de domaines hautement irrationnels dans la crise. Il apparaît évident que, dans certaines évaluations et dans la perception de certains, cette déstabilisation de l'environnement s'identifie à des craintes de type apocalyptique, que des sources religieuses alimentent largement de leur côté. (Le poids de la droite chrétienne fondamentaliste américaine, dont GW est proche, agit dans ce sens et le conflit du Moyen-Orient est aujourd'hui plein de références bibliques, également apocalyptiques.)

La caractéristique générale de cette nouvelle dimension qu'on peut commencer à percevoir est qu'elle ne laissera personne indifférent, personne “à part”. L'environnement et sa dégradation, la déstabilisation du climat constituent à la fois des thèmes quotidiens et des thèmes de type “civils”, voire des thèmes qui concernent évidemment la “civilisation des loisirs”, celle qu'on dit complètement dépolitisée. La politique, chassée par la grande porte des thèses virtualistes sur l'accomplissement du progrès et d'une situation politique idéale (démocratie, etc), reviendrait, comme à l'habitude, par la fenêtre, et avec quelques surprises éventuelles.

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