RepSit-USA2020 : Le sparadrap de la Maison-Blanche

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RepSit-USA2020 : Le sparadrap de la Maison-Blanche

Dans cet entredeux qui nous est réservée par les fuseaux horaires, nos complices amicaux, attardons-nous à l’hypothèse la plus spectaculaire, la plus sensationnelle, à la fois politiquement et rationnellement la plus probable, et psychologiquement et irrationnellement la plus follement improbable : une défaite de Trump, que Trump accepterait avec grâce, dans la grande tradition-Système de la non moins Grande-République... Y aurait-il alors un Maurice Thorez qui, assistant ou entendant le président Trump annoncer son départ, ferait ce commentaire que le Secrétaire Général de Parti Communiste Français fit à l’époque, en janvier 1946, pour le départ du général de Gaulle :

« Voilà un départ qui ne manque pas de grandeur... »

Sans doute se trompe-t-on d’époque... (Mais l’on notera que nous avons choisi, pour notre analogie, plutôt janvier 1946 et de Gaulle Premier ministre avec espoir d’un retour rapide qu’avril 1969 et de Gaulle président sans aucun espoir ni même volonté de retour... C’est un signe... Dans tous les cas, il faut reconnaître que les enthousiasmes que soulève Trump dans ses derniers meetings, lui qui relève de Covid, comparés aux incroyable pièces à la Ionesco qui semblent le modèle des meetings de Biden, font au moins dire ceci : mais comment un type comme ce Biden pourrait-il être élu ?)

N’essayez pas de trouver la moindre indication dans le moindre jeu de mots bien que cela soit tentant, – Trump et le “se trompe-t-on”, pensez, – ni de l’ironie, ni du bouffe, ni de la dérision dans notre façon d’envisager la chose, autant que dans celle de l’illustrer. Il n’y a que ça, lointain jeu de mots, ironie, bouffe, dérision, et aucune, strictement aucune intention ni capacité de laisser percer une conviction, dans un sens ou l’autre (pour ou contre Trump) sinon dans un trou noir où brille, par habile contraste de circonstances,  la lumière noire de Trump ; il n’y a comme conviction que l’absence complète de conviction dans le jugement qu’il faut porter sur la situation et les acteurs de la situation ; et cela est dit sans réel embarras, car nous ne serions pas si loin de croire, qu’à valeurs humaines référencées aux obligations des temps et à voir les têtes en présence, pour juger selon le principe de délit de faciès, nous ne serions pas loin de donner plus de notre confiance à un Trump qu’à l’immonde Biden, devenue une sorte de marionnette empaillée d’un monde qui achève de se dévorer lui-même, plein d’appétit glouton pour la pourriture intérieure qu’il est devenu.

C’est une honte et un fardeau qui finit par lasser, pour un esprit normalement balancé, de devoir vivre dans une époque semblable, où le plus digne de la bande serait bien Trump, finalement...

A quelques heures des premières supposées annonces et des accusations réciproques de fraude, – victoire ou défaite, ou bien guerre civile, ou bien manifestations racisées et genrisées, projection du même film en version colorisée ou bien lancement d’un projet de Gone With the Wind où Scarlett O’Hara serait la fille adoptive de Lincoln et Rhett Butler l’ancien serviteur du Général O’Bama, – que savons-nous à la fin ?! Dans ces quelques heures, nous ne pouvons être que le reflet, justement extraordinaire de cette situation extraordinaire... Quel que soit le résultat, et encore s’il y a un résultat, la réaction sera absolument la même : “Nous ne savons rien” des effets et prolongements de l’événement.

Imaginez-vous une seule seconde que l’on puisse penser à Trump, si c’est le cas, comme à un président normalement battu, selon un processus institutionnel classique et respecté ? Si les événements sont de cette facture, eh bien non, les choses seront tout de même différentes et sans précédent, et Trump battu dans les normes et sans coup bas, fera tout de même irrésistiblement penser à un de Gaulle démissionnant en janvier 1946, – on lui soufflera la comparaison, bon Dieu, avec “this tough guy” de Gaulle ! Donc, se modelmant sur un de Gaulle tonitruant et remâchant amèrement et déjà ondulant du tweet, par tweet odorant par ailleurs, son “Je vais revenir, et vite !”, en mode inversé, faisant de son ignorance et de son incapacité des vertus essentielles de l’art de la politique-bidon, c’est-à-dire des vertus politiques inessentielles.

(Pourquoi cette comparaison avec de Gaulle ? La taille que diable, ils sont grands tous les deux.)

En attendant, nous n’imaginons meilleure image pour illustrer le destin de Trump que celui de sparadrap, comme le sparadrap dont le capitaine Haddock n’arrive décidément pas à se débarrasser...  Nicholas Sheppard, qui n’est vraiment pas un trumpiste avéré, mais qui garde un œil critique et une capacité de faire le travail de journaliste jusqu’à écrire un article pour RT.com, a imaginé dans un article les cinq façons dont Trump pourra user pour nous faire croire qu’il reste le vainqueur malgré les apparences qui diraient que non. Nous avons repris la cinquième essentiellement, celle où il est battu, où il s’en va, et où il commence sa “marche dans :le désert” (toujours de Gaulle!) en rendant quasiment fous les fantômes à-la-Hamlet qui hanteront les couloirs de la Maison-Blanche en son absence, cette absence toute pleine de sa présence...

« Que Donald Trump perde ou non l'élection, une chose est sûre : avec 87 millions d’abonnés à Twitter, à Fox & Friends en accès ultra-rapide, un besoin insatiable d’attirer l’attention et une influence solide sur une base durablement loyale du parti républicain, il restera un élément incontournable de notre vie politique jusqu’à la mort par la chaleur entropique due à la crise climatique de l’univers. Plutôt que de s’effacer discrètement dans la douce nuit de l’oubli, [le président Trump] s’emploiera à utiliser les 5 récits montrant qu’il fut et qu’il reste, en vérité,  le véritable gagnant. [...]
» 5. “Tout le monde me dit que je devrais me présenter à nouveau [dans l’invraisemblable hypothèse d’une défaite] ... C’est ce que j’entends ici et là, ce que les gens disent... Écoutez, je vais vous tenir en haleine...”
» Il prétendra être le post-président le plus influent de l’histoire moderne et, par conséquent, lorsqu’il ne sera plus dans le Bureau ovale, il aura la voix critique la plus forte et la plus écoutée sur les événements de l’administration qui lui succédera.
» Sa base, qui l’a aimé avec une profondeur et une constance quasiment prénatales, le suivra sur Twitter, portera fièrement des casquettes MAGA et d’autres marchandises de la sorte lors de rassemblements conservateurs pour les années à venir, et, en tant que bloc le plus important et le plus monolithique du parti républicain, il continuera à façonner les idéaux conservateurs.
» Cela permettra à Trump de fonctionner comme une sorte de leader de l’opposition, à l'instar du rôle actif joué par un tel leader dans les démocraties parlementaires du monde entier, mais en beaucoup plus efficace et influent. Trump brisera les précédents, en ignorant les normes de décorum. Il tweetera, prononcera des discours et, d’une manière générale, adoptera une attitude pressante, sapant et traitant avec condescendance son successeur, avec sa base pour exprimer ses positions. Tout cela ne sera pas sans conséquences : avec un champ de bataille couvert de débris en 2024, il pourrait très bien se présenter à nouveau pour l’investiture républicaine.
» Même si son maintien dans une course sans fin peut paraître improbable, ce sera une menace qu'il invoquera constamment, en maintenant l'attention des médias sur lui, en conservant son profil mondial de personnalité influente et en renforçant sa célébrité et sa pertinence dans le monde des affaires.
» Il aura 78 ans en 2024, soit le même âge que “Sleepy Joe” aujourd'hui. Il a déclaré, à plusieurs reprises, qu'il était “la plus jeune personne de la course... il n'y a personne d'aussi jeune que moi...” Dès que l'économie commencera à vaciller, on se rappellera constamment combien les choses étaient grandes avant “Covid, Covid, Covid...”. 
» Les candidats républicains potentiels devront investir de gros frais, en sollicitant son soutien. Les primaires et les meetings électoraux de mi-mandat seront des événements MAGA, avec des foules affectueuses et nostalgiques qui réclameront leur président, l’homme dont l'inévitable second mandat a été injustement volé par la peste chinoise. Pour les républicains, il sera une Margaret Thatcher après sa destitution : une présence constante, impossible à ignorer, toujours plus excentrique.
» Pour un nouveau candidat potentiel, ou certains sénateurs, il sera comme Teddy Roosevelt qui ne cessait de mettre des bâtons dans les roues de son malheureux successeur, William Howard Taft. Après chaque discours sur l’état de l’Union ou déclaration dans le Bureau Ovale, l’attention se tournera inévitablement, avec une curiosité morbide, vers ses réflexions sur Twitter. L’option de pouvoir se représenter est le scénario parfait pour Trump, car il laisse aller ses tendances naturelles : battage publicitaire, allusions grossières, annonces suggérées, stratégie narcissique et, bien sûr, rhétorique de merde et sans fin sur “the art of the comeback”. »

 

Mis en ligne le 3 novembre 2020 à 19H15