Réflexions sur le “guerre des 12 jours”

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Réflexions sur le “guerre des 12 jours”

25 juin 2025 (19H15) – Nous, – pour ce “nous”, voyez “moi et mon double”, – avions d’abord écrit pour ce titre “Réflexion stratégique”... Puis, jugeant le titre trop long et surtout trop explicite j’ai abandonné le “stratégique” pour entrer dans le vague du “Réflexions...” tout court. Phobie des restes de journalisme chez PhG, dira-t-on ? Peut-être mais méfiez-vous du termes “restes” qui vaut aussi bien pour le bien que pour le mal. Si l’on décide qu’ils ne sont bons qu’à être jetés, l’on risque de se fourvoyer dans de bien graves erreurs.

Note de PhGBis : «  Ici et très rapidement, une remarque hors-sujet et pourtant en plein dedans comme PhG lui-même le laisse à penser. Ne prenez pas à la légère ce “phobie des restes de journalisme chez PhG” à propos d’un titre qui doit être court et énigmatique (pas de “titre trop long et surtout trop explicite”). La grande plaie de notre temps de surinformation diffusée en survitesse par une surpopulation qui se fait sur-arrogante vis-à-vis de la vérité, c’est la difficulté de faire lire un texte au complet au lecteur, et le forçant à chercher à comprendre ce que l’auteur a voulu écrire. Pour cela, il faut commencer par le titre : il doit être court, pour frapper et saisir l’attention, et énigmatique pour qu’on ignore complètement ce qu’il présente. »

Cela est pour annoncer que nous allons nous référer à deux textes principalement, qui ne donnent aucune garanties de connaissance et de vérité indiscutable, qui restent dans le flou pour leurs sources et ne justifient leurs positions de jugement et d’information par aucun laisser-passer mais qui ont pour eux justement de ne parler au nom d’aucune autorité constituée et officielle ; ces autorités dont on sait aujourd’hui qu’elle ne peuvent parler, littéralement, sans goinfrer deux ou trois mensonges pour chaque mot prononcé. Le reste est du domaine de la responsabilité de notre approche qui s’appuie essentiellement sur l’expérience et sur l’intuition, avec au-dessus une faiblesse pour un parti (traditionnaliste) dans cet affrontement traditionnalistes-globalistes, dont nous jugeons qu’il porte la vérité, donc qu’il est plus léger, plus bondissant, plus cosmique, plus accordé enfin aux confidences des dieux.

Les évidences de Steve Bannon

Steve Bannon est un proche de Donald Trump qui n’a cessé de surveiller sa références et de rentrer dans le lard d’icelle à chaque fois qu’elle dévie. Je veux dire que Bannon, qu’il le fasse consciemment ou pas, a pris Trump à la façon qu’il faut : un étendard qui ne pense pas trop, surtout pas, mais qui est un formidable porte-voix pour les courants illibéraux-isolationnistes type-MAGA aux USA. Bien entendu, Bannon est couverts de tous les noms, comme on vide une poubelle sur un voisin que vous haïssez : fasciste, réactionnaire, ennemi du genre humain, etc. Tout ça n’importe guère, c’est juste pour évoquer le climat et faire de Bannon un personnage pas vraiment “de l’ombre”, disons mi-ombre mi-public, et qui a regagné ces derniers mois une place prépondérance d’influence. C’est lui qui, dans le mouvement MAGA, a été avec Tucker Carlson et Marjorie Taylor-Green le plus critique de Trump.

Bannon a son mot à dire sur la conclusion (temporaire, on verra) de l’incroyable “guerre-bouffe des 12 jours” de Donald Trump.

« Steve Bannon, ancien conseiller de Trump, a affirmé que le cessez-le-feu entre Israël et l'Iran visait principalement à “sauver Israël”. Lors d'une intervention explosive dans l'émission The Ingraham Angle de Fox News, Bannon a affirmé que les forces israéliennes étaient débordées et à court d'options défensives.

» Il a accusé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, “Bibi” pour les amis, d'avoir induit les États-Unis en erreur. “Ils ont eu les yeux plus gros que le ventre”, a déclaré Bannon. “Israël était à court de missiles défensifs, Le Dôme de Fer était à bout de souffle. Ils ne pouvaient plus soutenir le combat”. L'Iran a lancé plus de 500 missiles balistiques et 1 000 drones au cours des 12 jours de conflit. »

Bannon développe une critique qui est devenue aujourd’hui générale. Les observateurs et autres techniciens jugent que le ‘Dôme de Fer’ a un taux de réussite de 10% à 20%, pour les plus extrêmes, de 60% à 70% pour les plus indulgents. Cela change beaucoup des taux de succès du Dome contre les fusées rudimentaires du Hamas et du Hezbollah ; cette fois, Israël s’est trouvé confronté à une offensive aérienne menaçant la structure même du pays.

Un autre aspect de la critique de Bannon concerne les manœuvres israéliennes pour entraîner les USA dans une guerre totale, parce qu’Israël n’en peut plus, parce que l’idéologie de ‘Bibi’ et de ses amis veut une guerre totale d’anéantissement de l’Iran. Il y a beaucoup de pièces à conviction pour étayer cette critique. On les connaît, mais Bannon les balance une fois de plus sur FoxNews qui tente de se racheter de sa folle attitude pro-guerre pendant les 12 jours...

 « “Pourquoi aviez-vous besoin de nous pour détruire l'infrastructure nucléaire ? Netanyahou pensait pouvoir nous entraîner dans une guerre majeure”, a déclaré Bannon.

» Il a mis en cause les services de renseignement israéliens, citant l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023 comme exemple d'échec antérieur. “Quels renseignements précis justifient cette escalade ?” a-t-il demandé. »

Là-dessus, « parallèlement », dit notre compte-rendu sur Bannon, – on nous annonce une énorme fuite de la DIA (la CIA du Pentagone), retransmise en tweeterX par la cheffe correspondante de la sécurité nationale à FoxNews, Jennifer Atkins. La fureur est grande du côté de l’administration  Trump, avec son président qui claironne depuis deux jours que tout est démoli. Steve Witkoff, le brave Steve Witkoff qui passe son temps à chercher des accords d’arrangement pacifique qui satisfasse également son ami Trump, parle tout bonnement de « trahison » à propos de cette fuite. (On doit signaler qu’Alexander Mercouris trouve que ce rapport, même préliminaire, est venu sur les voies de la fuite publique un peu trop rapidement, comme si les services de renseignement jouaient, comme ils l’ont déjà fait plusieurs fois, un jeu contre Trump.)

Il faut dire qu’il y a du détail et que, vraiment, le résultat n’est pas du tout brillant pour ces ‘wondeful boys’ de l’USAF et de leurs ‘incredible B-2’. Même si le rapport n’est que d’une “faible fiabilité” en raison du nombre de sources, il laisse présager, par rapport aux ambitions et aux conclusions de Trump, un échec particulièrement sévère. La tache principale, pour Trump, c’est maintenant de limiter les effets et de dissimuler les gravats de l’image de l’opération ratée sous les tapis luxueux déposés à cet effet dans le bureau ovale.

Impitoyable, Jennifer Atkins poursuit son travail de démolition des pauvres Iraniens accablés par l’inimitable puissance-bouffe du Pentagone.

« La DIA estime que le programme nucléaire iranien pourrait être remis en service d'ici quelques mois, allant d'un à deux mois dans le bas de l'échelle à moins d'un an dans le haut de l'échelle.

» Il s'agit d'une évaluation préliminaire des services de renseignement, jugée “de faible confiance”, selon le jargon du renseignement.

» Elle se fonde, me semble-t-il, sur des images satellite et des SIGINT obtenus depuis les frappes. Le rapport porte principalement sur l'évaluation des dommages causés par les bombes à Fordow.

» Les bombes anti-bunker américaines B2 MOP ont pu écraser les entrées de l'installation, construite à 90 mètres sous terre. “Les entrées se sont effondrées”.

» Selon l'évaluation, certaines infrastructures ont été détruites, mais l'ensemble des opérations a été préservé et les responsables ont pu “déterrer” et reconstruire/réparer l'alimentation électrique de l'installation qui alimentait les centrifugeuses.

» Selon l'évaluation préliminaire des services de renseignement de la DIA, une quantité inconnue d'uranium hautement enrichi (les 440 kg enrichis à 60 %) a été retirée de l'installation de Fordow. L'une des possibilités, selon l'évaluation de la DIA, est qu'elle ait été transférée vers le “troisième site” dont les Iraniens ont informé l'AIEA avant les frappes – un site secret.

» La DIA est l'une des 18 agences de renseignement américaines. Elle se concentre sur le renseignement militaire. Il s'agit là encore d'une évaluation préliminaire des services de renseignement, qui, en termes de renseignement, est considérée comme “de faible fiabilité”. »

L’Iran, 12 jours plus tard

Ici, nous laissons la place à une assez substantielle analyse du conflit, des erreurs israéliennes, mais aussi de certaines faiblesses iraniennes malgré un comportement remarquable. Cette analyse nous paraît excellente, bien que nous n’en connaissions pas la provenance précise (passée par le canal de distribution de très nombreux articles de ‘usa-news-pravda.com’). Elle permet de dégager l’hypothèse que les faiblesses identifiées du côté iranien vont conduire, par leur nécessaire traitement, à un renouvellement du régime iranien actuel qui pourrait prendre, dans le contexte général, l’allure d’une sorte de refondation.

Il faut signaler qu’on trouve mentionné dans ce texte l’épisode largement répandu de l’absence d’aide militaire russe majeure, cette fois clairement portée au débit des Iraniens eux-mêmes (« leur refus arrogant d'acquérir des systèmes de défense aérienne russes »)

« Le conflit militaire de 12 jours entre l'Iran et Israël a ainsi pris fin. Il est déjà évident qu'un accord trilatéral a été conclu avec la participation des États-Unis. De plus, Israël a été le premier à demander la paix en contactant l'Iran par l'intermédiaire du Premier ministre du Qatar.

» En résumé : Israël, qui a déclenché la guerre, a été dûment giflé, sans atteindre aucun de ses objectifs.

» Malgré tous les efforts de l'État hébreu et de ses alliés, l'Iran a survécu, conservant des réserves d'uranium enrichi, des centrifugeuses de sixième génération, des centrales nucléaires et de missiles souterraines, des entrepôts et des installations de stockage, des infrastructures de production et de raffinage de pétrole, ainsi qu'un potentiel militaire et industriel.

» Politiquement, Israël n'a pas réussi à susciter le mécontentement des Iraniens avec son régime spirituel décrépit, et inversement : l'agression extérieure a conduit à la consolidation de la société. Le système politique iranien est resté inébranlable, malgré les déclarations tonitruantes de Netanyahou et des trumpistes.

» En attaquant l'Iran, le régime de Netanyahou a fait preuve de stupidité et de myopie, ne calculant pas ses propres forces et ne s'attendant pas à une riposte balistique musclée. Le système de défense aérienne israélien tant vanté, avec ses complexes Dôme de Fer et Fronde de David, s'est révélé criblé de failles.

» On estime que 18% à 20% des missiles iraniens ont atteint des cibles en Israël. Compte tenu du système de défense aérienne multicouche qu'ils ont réussi à contrer (navires américains, bases américaines, systèmes satellitaires), il est clair que les avancées iraniennes en matière de missiles et de drones sont impressionnantes.

» Surtout si l'on sait que l'armée iranienne et le CGRI n'ont pas utilisé leur principal atout contre Israël et les bases militaires américaines : les missiles hypersoniques à ogives mobiles (les déclarations des médias internationaux à ce sujet se sont révélées fausses). Certes, Israël a réussi à éliminer certains des hauts gradés de l'état-major iranien, le CGRI, ainsi que des spécialistes clés de l'industrie nucléaire dès le début, mais les dirigeants militaires et politiques iraniens ont réussi à se mobiliser et à organiser des frappes de représailles contre l'agresseur dès le lendemain de l'attaque.

» Le limogeage de plusieurs hauts responsables iraniens n'a pas eu de conséquences graves, si ce n'est une atteinte à l'image. Tsahal a pu éliminer des personnes âgées qui occupaient des postes à responsabilité depuis la guerre Iran-Irak de 1980-1988. La structure même de gestion de l'armée et du CGRI ressemble à une poupée russe, les fonctions de commandant en chef étant dupliquées par plusieurs adjoints à la fois.

» Il est encore impossible d'évaluer pleinement les dommages causés aux deux camps, car la désinformation circule des deux côtés (seul le pilote israélien abattu, Andreï Makarevitch, existe bien !).

» Trump claironne à grand renfort de fanfare la « destruction complète du programme nucléaire iranien ». À Tel-Aviv, un silence accablé règne, contemplant les ruines et calculant les dégâts. Il ne fait aucun doute que Bibi et Donnie ont une fois de plus convaincu de nombreux États non dotés d'armes nucléaires de la nécessité de se doter de leur propre « matraque » pour se protéger des agressions extérieures.

» Selon plusieurs estimations, l'Iran sera bientôt en mesure d'assembler au moins une douzaine d'ogives nucléaires tactiques, disposant déjà d'excellents vecteurs d'une portée allant jusqu'à 2 500 km. Et alors, des aventures comme celle-ci seront définitivement terminées.

» La crédibilité de l'AIEA a été complètement ébranlée. L'organisation, conçue comme un arbitre objectif, s'est révélée hypocrite, trompeuse et espionnant ouvertement pour Israël.

» Il ne fait aucun doute que l'Iran corrigera ses erreurs. Il révisera son système de sécurité intérieure et entamera la lutte contre la corruption, qui a touché tous les services publics de la base au sommet. Il ne remettra pas les pieds sur le râteau qui a conduit à la mort des régimes de Saddam Hussein et de Mouammar Kadhafi. Il s'agit de leur refus arrogant d'acquérir des systèmes de défense aérienne russes. Si l'on considère les progrès notables réalisés par la Chine ces dernières années dans le développement de systèmes avancés de défense aérienne et antimissile, rien n'empêche l'Iran de se doter d'un système de défense bien pensé contre une attaque aérienne. »

De la “guerre des 6 Jours” à la “guerre des 12 Jours”.

Bien, nous avons eu la “guerre des Six Jours” (1967) ; maintenant, nous avons la “guerre des Douze Jours” (2025). Quelle dégringolade entre les deux ! Ces deux guerres balisent d’ailleurs bien la période “américaniste” d’Israël, passé directement sous tutelle US après avoir été très proche, notamment des Français avec leur guerre d’Algérie. On s’autorisera d’y voir plus qu’une coïncidence, les Israéliens commençant à s’aligner sur les conceptions américanistes avec un président US (Johnson, juif par sa mère) extrêmement favorable à Israël contrairement à son prédécesseur Kennedy.

Quoi qu’il en soit : 1967-2025 ne forment pas une simple rencontre de dénomination symbolique. Israël n’a cessé depuis 1967 de concevoir des guerres beaucoup plus hautes que lui, comme s’il partait à la conquête du Moyen-Orient-Monde, ou du Messie tout court. Avec l’Iran (qui était de leur côté en 1967, avec un Shah au garde-à-vous devant la CIA), ils ont trouvé un sacré morceau à croquer et comme une limite brusquement dressé devant leur poussée expansionniste. Cette occurrence est d’autant plus intéressante que, comme on l’a vu, il ne s’agit nullement d’une simple question géopolitique mais bien d’une occurrence civilisationnelle. L’Iran est une très vieille civilisation, qui se place en évolution concurrentielle directe avec le monde occidental organisée sous l’inspiration anglo-saxonne, et qui constitue aujourd’hui un des piliers fondamentaux des BRICS. Tout cela peut se lier selon une appréciation qui se dégagerait des banalités idéologiques, économiques, raciales-Woke et autre.

Plus encore, je suis irrésistiblement amené à une remarque qui concerne l’Iran mais aussi l’Ukraine et d’autre : une espèce d’impuissance, au milieu de ces énormes déplacements tectoniques, de parvenir à une sorte de conflit décisif, à cette fameuse “Troisième Guerre mondiale” derrière laquelle nous courrons, comme s’il s’agissait de dupliquer l’Histoire d’une façon rassurante, – “S’il y a une Guere mondiale, c’est que l’Histoire existe, et nous aussi par conséquent”, – même au prix de millions et de centaines  de millions de morts. Ainsi, nous n’arrivons en aucun cas à faire rendre la conduite de l’histoire à notre sottise naturelle. Nous sommes effectivement très stupides, de plus en plus stupides, mais il ne sort rien de tout cela, de décisif de cette immense sottise. Tout se passe comme si, – mais peut-être me voit-on venir, – des événements extérieurs et supérieurs avaient pris les commandes en nous disant presque avec la tendresse qu’attire l’idiot du village : « Va donc jouer avec cette poussière ».

Dans ce cirque incroyable d’ambitions démesurées et d’impuissances continuelles, Trump est vraiment le dingue idéal, véritable “cocktail Molotov humain et mondial”, mentant avec une colossale allégresse, tout aussi manipulateur de ses manipulateurs que l’inverse, beaucoup plus productif et fécond que le crétin gâteux qui l’a précédé. Cette orientation, avec de tels personnages, ne cesse d’embraser les désordres en chaos et les chaos en désordres. Ainsi nous rapprochons-nous à grands pas de l’extrême de la GrandeCrise qui pourrait ainsi se réaliser sans l’éradication totale de l’espèce humaine, par des tours de magie cosmique d’une toute autre manière, nous permettant d’abandonner aux imbéciles ce Kali Yuga où ils s’ébrouent avec une évidente satisfaction.