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1212Il s’agit d’un article intéressant, à lire ce jour même et à garder comme documentation du climat régnant en Grèce, pour ce jour du référendum du gouvernement Tsipras, comme si la Grèce était le centre et le sort même de l’Europe ; mais aussi, à garder comme documentation sur le climat fiévreux des esprits et la fatigue des psychologies des commentateurs, même hors ou loin du théâtre de la crise... On lit dans ce texte qu’un groupe de généraux grecs à la retraite peuvent pratiquement et raisonnablement être très fortement suspectés de préparer un coup d’État similaire à celui des “colonels” grecs en 1967. Les informations à cet égard sont intéressantes et détaillées, et rendent compte effectivement du climat d’effervescence qui caractérise aujourd’hui la situation. On les lira amplement détaillées dans l’article, également avec une vision qui nous paraît quelque peu exaltée, – malgré toute l’attention et l’engagement que nous montrons naturellement pour ce mouvement, – de la mobilisation des “travailleurs” en faveur du “Non”.
C’est justement là que nous voulons en venir, qui concerne le cas spécifique de WSWS.org, site bien connu de la IVème Internationale trotskiste. De ce point de vue de l’engagement politique, tout est dit et clairement affiché, et il n’y aucun risque ni aucune difficulté à aller dans ces colonnes rechercher le sérieux de l’information sans trop s’attarder aux proclamations du catéchisme trotskiste, si l'on n'en a pas le goût ; car, justement, WSWS.org est réputé pour son sérieux et son travail d’analyse, comme nous l’avons souvent souligné, à côté de ses engagements trotskistes. Mais ce qui est assez surprenant, ou bien remarquable et significatif, c’est que le sérieux du travail d’information et d’analyse de WSWS.org semble désormais confronté à une certaine fièvre, qui ne se dissimule guère d’ailleurs, qui est de plus en plus visible et sans doute dommageable pour le travail effectué, notamment dans ce cas de la Grèce qui est particulièrement suivi par le site. Ce qui est peu ordinaire, depuis l’arrivée de Tsipras au pouvoir, c’est la vindicte extraordinaire dont le poursuit WSWS.org. Nous ne sommes pas là pour assurer l’hagiographie de Tsipras, mais l’on peut tout de même reconnaître qu’il a eu la tâche bien difficile, qu’il a manœuvré habilement même si ses options fondamentales peuvent être discutées et sont discutables, – mais qui pourrait assurer avoir la main sûre dès l’entame d’une partie de cette taille ?
(Quant à notre sentiment, – comme nous l’écrivions le 4 juillet 2015, suivant en cela Sapir :
«Selon Sapir, Tsipras/Syriza a mené un superbe combat tactique, plein d’inventivité et de courage, à partir de prémisses stratégiques fautifs; combattre un tel ennemi avec une telle ardeur roborative (“le courage d’Achille et la ruse d’Ulysse”) en lui assurant pourtant constamment qu’on veut rester l’un des siens, au plus près des termes de reddition sans conditions qu’il exige, ce n’est pas mener un combat loyal avec soi-même. Tsipras/Syriza, pour des raisons diverses, et comme nombre d’antiSystème en Europe, a mené son combat comme s’il croyait encore “à leur Europe” (et il y croit sans doute, – ou plutôt “y croyait sans doute”?).»)
Mais nous voulons nous arrêter à un point factuel qui nous paraît révélateur de cette fièvre des esprits, sans doute due à une fatigue grandissante de la psychologie confrontée à la tension de crises sans fin. Il s’agit des modalités des préparatifs disons du coup d’État éventuel... Ainsi peut-on lire successivement dans le texte ci-dessous :
• L’affirmation à peine implicite que l’armée se prépare à prendre le pouvoir, c’est-à-dire à renverser Tsipras si l’on comprend bien, – cela, en signalant en passant qu’il s’agit d’une hypothèse à partir d’un communiqué de généraux à la retraite (en grand nombre certes, 65, ce qui est à l’honneur de l’armée grecque qui conserve bien son général). Quoi qu’il en soit, l’affirmation de WSWS.org est sans ambages, Tsipras est bien la cible :
«Le général à la retraite Fragkoulis Fragkos, ancien ministre de la Défense et jadis à la tête de l’état major grec, a appelé à voter dimanche pour un “oui sonore”. Fragkos avait été démis de ses fonctions en 2011 par le premier ministre de l’époque, George Papandréou, suite à des rumeurs de coup d’Etat. Parlant manifestement de Tsipras, Fragkos a dit que “les valeurs morales et les principes qui nous ont toujours définis, nous Grecs, ne constituent pas une monnaie d’échange pour un [politicien] déboussolé et historiquement inculte qui met en avant les intérêts de son propre parti.”»
• Plus loin, WSWS.org confirme que c’est bien Tsipras qui est visé selon le constat que son ministre de la défense a rendu une visite à des unités militaires, le 3 juillet, en présence de Tsipras lui-même, pour rappeler que “les forces armées sont là pour assurer la sécurité intérieure, la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale et la stabilité du pays par rapport aux alliances du pays”. Voici le passage :
«Non seulement Syriza a refusé de prendre des mesures pour remettre en question les intérêts économiques du capital grec, il n'en a pas pris une seule pour protéger la population des complots de l'État. Au contraire, il a placé des forces d'extrême-droite comme les Grecs indépendants (Anel) à des postes clés du pouvoir. Le ministre de la Défense Panos Kammenos, un dirigeant d'Anel, a pratiquement avoué hier que le gouvernement se préparait à utiliser l'armée pour réprimer la dissidence intérieure et imposer la préférence de l’armée en politique étrangère. “Les forces armées du pays garantissent la stabilité interne, la défense de la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale et la stabilité du pays par rapport aux alliances du pays”, a-t-il dit lors d'une visite conjointe avec Tsipras d’unités de l'armée.»
• Entre les diverses affirmations, il existe une remarquable gymnastique dialectique ... Passons là aussi sur le fait que le parti Anel est mal défini par le concept fourre-tout de la gauche furieuse, de l’“extrême-droite”. Il s’agit d’un parti d’indépendantistes souverainistes, qui mérite éventuellement quelque nuance, notamment lorsqu’il s’agit de laisser entendre (ou bien, nous avons l’oreille ensablée) qu’il s’agit d’un suppôt direct et inconditionnel de l’OTAN et de BHO ; quant à la déclaration de Kammenos, l’homme qui entretient de si bonnes relations avec Poutine puisque Moscou fut sa première visite en tat que ministre, si on veut effectivement la trouver suspecte à cause de l’allusion aux “alliances”, – mais sans l’obligation d’une logique implacable, tout de même, – le reste qui concerne la défense de la souveraineté, de la sécurité intérieure, de l’intégrité territoriale ne représente pas nécessairement un appel à la sédition des forces armées et au coup d’État. Le plus étonnant dans cette description est que tout cela se fait devant Tsipras... Cela peut conduire à croire, en fonction du reste du texte et du rôle qu’on attribue à Tsipras, que Tsipras aurait nommé Kammenos à la défense pour qu’il puisse préparer le coup d’État contre lui-même, Tsipras, chose qui lui est confirmée lors de la visite du 3 juillet, tandis que le même Tsipras complotait depuis plusieurs mois en accord avec Bruxelles-Francfort-Berlin pour trahir le peuple grec derrière des négociations-bidon, sans doute pour mieux préparer son propre renversement par le ministre de la défense qu’il a nommé.
Nous ne disons pas que cela n’arrivera pas car nous vivons une époque bien surprenante et, par souci de mesure, nous nous gardons bien de dire ce qui surviendra dans les évènements en cours, y compris même, et d’abord bien entendu, le résultat du référendum. (Notre souci d’inconnaissance est bien connu de nos lecteurs les plus fidèles.) Nous disons qu’il y a dans ce texte un double intérêt : celui d’informations factuelles, dont on peut faire son miel plus ou moins pauvre et garder à l’esprit d’une part ; celui d’observer, d’autre part, combien les extraordinaires enchaînement de crises touchent la plupart des esprits, y compris ceux qui se voudraient les plus farouches adversaires du Système, jusqu’à entraîner les réflexions, non pas sur des spéculations éventuellement fécondes qui peuvent enrichir la réflexion du lecteur mais sur des affirmations péremptoires qui paralysent plutôt cette réflexion du lecteur et montrent d’une façon un peu gênante la façon dont les psychologies sont touchées.
C’est certainement le deuxième enseignement qui nous paraît, et de très loin, le plus intéressant ... Le Système lui-même va avoir de plus en plus de difficultés à s’y reconnaître, entre ses employés-Système qui se perdent dans les méandres du déterminisme-narrativiste, et ses soutiens indirects inattendus par la confusion qu’il crée du fait de son désordre chez les antiSystème qui veulent continuer à voir en lui une machine bien huilée et bien réglée. Tout cela nous paraît, à nous, ressortir d’abord du désordre, encore du désordre et toujours du désordre, – lequel n’est par bonheur jamais très loin de l’hyperdésordre, – plutôt que du complot bien ordonné ... Cela n’empêche nullement, oh certes pas, qu’il y ait complot, et dans ce cas il ferait beau voir ce qu’un complot du “super-super-quarteron de généraux à la retraite” (65 contre les 4 du putsch anti-de Gaulle d’avril 1961, opulente armée grecque avec ses étoiles en réserve), s’il réussissait, – puisque cela aussi est bien possible évidemment et hypothétiquement, – introduirait comme désordre supplémentaire en Europe. Peut-être en arriverait-on à un Maidan-sur-l’Acropole qui vous aurait une autre allure que l’édition originale de Kiev, allant si bien qu’il pourrait bien aller dans l’autre sens ...
Du désordre, encore du désordre, toujours du désordre, – qui disait donc cela ? Ah oui, Danton, après une période d’autocritique révisionniste, pour dribbler Robespierre et trouver la véritable solution révolutionnaire au problème de la révolution... Et voici le texte de WSWS.org du 4 juillet 2015. (Le sous-titre a été raccourci pour des raisons de mise en page ; le sous-titre original est : « Grondements de coup d’État militaire alors que les travailleurs grecs exigent la fin de l’austérité de l’UE».)
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Quelques heures avant que les manifestants anti-austérité n’envahissent les rues du centre d’Athènes vendredi, des officiers en retraite de l’armée grecque, défiant l’appel à voter « non » du premier ministre Alexis Tsipras, ont publiquement appelé à voter « oui » au référendum sur les exigences de l’Union européenne.
Le contraste entre les masses de travailleurs qui dénoncent l’austérité de l’UE et les déclarations de figures en vue de l’armée n’aurait pu être plus manifeste. Le général à la retraite Fragkoulis Fragkos, ancien ministre de la Défense et jadis à la tête de l’état major grec, a appelé à voter dimanche pour un « oui sonore ». Fragkos avait été démis de ses fonctions en 2011 par le premier ministre de l’époque, George Papandréou, suite à des rumeurs de coup d’Etat.
Parlant manifestement de Tsipras, Fragkos a dit que « les valeurs morales et les principes qui nous ont toujours définis, nous Grecs, ne constituent pas une monnaie d’échange pour un [politicien] déboussolé et historiquement inculte qui met en avant les intérêts de son propre parti. »
Un groupe de 65 officiers de haut rang à la retraite ont publié un communiqué où ils évoquent leur « serment de fidélité à la patrie et au drapeau » et avertissent qu’« en choisissant l’isolement, nous mettons en danger la patrie et son avenir. »
Le communiqué dit encore: « La force de notre pays est la chose la plus importante que nous ayons et c’est ce qui est mis en péril. Notre sortie de l’Europe affaiblira notre pays. Nous perdrons des alliés qui nous ont soutenus. Nous perdrons la force que nous tirons d’associations et de groupements auxquels nous appartenons historiquement et culturellement. »
Ces déclarations représentent un formidable acte d’intimidation politique. Un peu plus de quarante ans après l’effondrement de la junte des colonels soutenue par la CIA, des officiers disposant d’un réseau bien établi abandonnent tout semblant de neutralité pour annoncer leur soutien aux positions de l’UE et de Washington contre une grande partie de la population et contre l’actuel gouvernement.
Pour saisir la signification des déclarations des officiers grecs, il faut rappeler le coup d’Etat de 1967 qui, en pleine crise politique, avait porté au pouvoir la junte brutale qui a gouverné jusqu’en 1974. Son objectif était de réprimer le mouvement de protestation de la classe ouvrière et de prévenir toute tentative d’orienter la politique étrangère de la Grèce vers une neutralité entre l’OTAN et l’Union soviétique. Le coup d’Etat fut dirigé par le colonel George Papadopoulos, un agent de liaison haut placé de la CIA, qui supervisa l’arrestation d’au moins 10.000 adversaires politiques dont un grand nombre furent torturés ou tués.
Cette semaine, de hauts fonctionnaires allemands ont dit vouloir tout faire pour obtenir un « oui » au référendum grec pour renverser le gouvernement dirigé par Syriza, le parti de Tsipras. Auparavant, la chancelière allemande Angela Merkel avait adressé un coup de semonce en direction de Tsipras en invitant le dictateur égyptien sanguinaire Abdel Fattah al-Sissi à Berlin au moment où Le Caire menait des exercices militaires communs avec l’armée grecque. Sur la base d’accusations fabriquées de toutes pièces par le régime d’al-Sissi, Berlin arrêta par la suite le journaliste d’Al Jazeera Ahmed Mansour.
Les déclarations émanant de l’armée grecque confirment la mise en garde faite par le World Socialist Web Site après l’arrestation de Mansour. Le WSWS avait écrit: « C’est un signal calculé de Berlin pour montrer qu’elle est prête à collaborer publiquement avec les mesures répressives de dictatures militaires… L’un des destinataires voulu de ce message est sans aucun doute le premier ministre grec Alexis Tsipras. »
L'UE apparaît de plus en plus ouvertement comme une dictature brutale du capital financier. Il ne fait aucun doute que les officiers grecs sont intervenus dans le référendum avec le soutien de Berlin et de Bruxelles. Ils voient les événements en Grèce comme faisant partie d'une guerre contre toute la classe ouvrière européenne, à mener si nécessaire par la violence et la répression d'Etat. Ils veulent démontrer en Grèce qu'ils ne permettront nulle part de défi aux diktats des banques et des institutions financières.
La politique de Berlin et de l'UE confirme l'évaluation de Lénine. « Le capital financier veut non pas la liberté, mais la domination », a-t-il observé, ajoutant: « La réaction politique sur toute la ligne est une des caractéristiques de l'impérialisme ».
L'impérialisme cherche un soutien dans les classes réactionnaires des pays visés. Il en est ainsi de la bourgeoisie et de ses alliés des échelons supérieurs de la classe moyenne en Grèce. Les événements de ces derniers jours – avec d'un côté des masses de travailleurs et de jeunes qui appellent à une lutte contre l'austérité et l'UE et de l’autre des hommes d'affaires et des professionnels riches, rejoints par les militaires, qui soutiennent l'assaut de l'UE – ont mis à nu une division de classes complète et irrévocable en Grèce.
Ces événements exposent la faillite du gouvernement Tsipras. Toute sa politique était fondée sur la notion illusoire qu'il était possible de parvenir à un compromis avec l'UE et qu’on pouvait obtenir un répit dans les coupes sombres dans les emplois, les salaires, les pensions et les services sociaux, sans lutte contre la base sociale soutenant une telle politique en Grèce même.
Non seulement Syriza a refusé de prendre des mesures pour remettre en question les intérêts économiques du capital grec, il n'en a pas pris une seule pour protéger la population des complots de l'Etat. Au contraire, il a placé des forces d'extrême-droite comme les Grecs indépendants (Anel) à des postes clés du pouvoir.
Le ministre de la Défense Panos Kammenos, un dirigeant d'Anel, a pratiquement avoué hier que le gouvernement se préparait à utiliser l'armée pour réprimer la dissidence intérieure et imposer la préférence de l’armée en politique étrangère. « Les forces armées du pays garantissent la stabilité interne, la défense de la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale et la stabilité du pays par rapport aux alliances du pays, » a-t-il dit lors d'une visite conjointe avec Tsipras d’unités de l'armée.
Le gouvernement Tsipras a sans aucun doute conçu son référendum comme un moyen de fournir une couverture politique à sa retraite devant l'UE et la bourgeoisie grecque et à son adaptation vis-à-vis d’elles. Un vote «oui» serait utilisé pour justifier une capitulation totale, tandis qu'un vote « non », comme Tsipras l'a déclaré cette semaine, pourrait servir de prétexte pour retourner à la table de négociation dans une nouvelle et vaine tentative d'obtenir un accord pour des mesures d'austérité légèrement modifiées.
Comme l'ont cependant montré les manifestations de masse d'hier, l'appel au référendum a produit une énorme radicalisation de l'opinion publique. Les masses de travailleurs qui sont descendus dans la rue pour appeler à un vote « non » voient un tel vote comme le début d'une lutte pour mettre fin à la politique d'austérité et pour briser l’étau de l'UE.
La classe ouvrière ne peut être liée par la politique de Syriza dont le but est d'obtenir des modifications purement symboliques du programme d'austérité, pour mieux défendre la dictature des banquiers de l'UE et le capitalisme grec. Rien ne lui fait plus peur qu'un mouvement de masse de la classe ouvrière, contre lequel il est prêt à lâcher la police et l'armée.
Ce qu’il faut c’est un large appel au soutien actif de la classe ouvrière européenne et internationale contre l'UE, combiné aux mesures les plus déterminées en Grèce même en vue de briser le pouvoir des alliés locaux du capital financier international.
Il est nécessaire de prendre des mesures révolutionnaires en défense des masses grecques: la nationalisation du système bancaire et des grandes industries sous le contrôle de la classe ouvrière, la répudiation de la dette nationale, le démantèlement de l'armée, l'arrestation d'officiers impliqués dans des complots militaires contre le peuple et la création d'un gouvernement ouvrier.
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