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On met plus loin un texte court, d’ailleurs plutôt un “long message” sur ‘Telegram’, de Dimitri Simes sur la position intérieure de Trump face à la contestation. Simes est un personnage très intéressant. Ce Russe a vécu plus de vingt ans (à partir de 1973, comme on verra dans son texte) aux USA où il s’est taillé une place importante dans l’establishment (au Hudson Institute, l’un des think tanks les plus prestigieux de la nébuleuse CFR [Council of Foreign Relations]). C’était alors un Russe libéral, partisan de la détente et adversaire du système soviétique à cette époque en pleine décomposition. Après la chute du communisme, il rentra en Russie où il devint le président de la puissante antenne russe du Hudson Institute à Moscou. Il rompit tous ses liens avec les USA en 2022, avec la guerre en Ukraine. Il est devenu depuis un commentateur exigeant et plutôt dur (type Medvedev) de la politique de Poutine.
Nous disions qu’il est arrivé en 1973 aux USA. C’est tout l’intérêt de son texte : 1973, c’est le démarrage de l’affaire Watergate, qui allait emporter Nixon, sur fond d’un complot contre lui, – Le ‘Silent Coup’, – monté par le Président du Comité des Chefs d’état-major des armées (l’amiral Moorer et son assistant pour le renseignement, le lieutenant de vaisseau Bob Woodward [!], – comme ça se trouve). Or, dans le texte que nous citons ci-après, Simes fait une analogie entre Nixon et le Watergate et Trump qui pourrait avoir son Watergate, notamment et précisément si les démocrates prennent la majorité d’une ou des deux Chambres du Congrès en novembre 2026.
« Trump, tout-puissant et vulnérable
Hier, samedi, des manifestations massives contre le président Donald Trump ont eu lieu aux États-Unis. Selon CNN, environ 7 millions de personnes ont défilé dans les rues de grandes et petites villes américaines sous les slogans « Pas de rois ! ». Carolyn Levitt, attachée de presse de la Maison-Blanche, a déclaré que ces manifestations étaient organisées par le Parti démocrate. Elle a ajouté que « l'électorat majoritaire du Parti démocrate est composé de terroristes du Hamas, d'immigrés clandestins et de criminels violents ». Il s'agit plus d'une polémique partisane que d'une analyse. Les manifestations étaient globalement pacifiques, et même à l'œil nu, elles montraient une grande diversité de groupes de population : origine ethnique, niveau de revenu et âge.
En revanche, les sondages d'opinion montrent que la popularité de Trump, bien que très faible (légèrement supérieure à 40 %), n'a pas significativement diminué ces derniers mois. Les nouvelles économiques ne sont pas brillantes, mais elles ne reflètent pas non plus la catastrophe annoncée par les démocrates. Enfin, le succès (bien que pas encore durable) de la paix à Gaza a indéniablement renforcé le pouvoir politique du président américain. Il semble que Trump n'ait pas à s'inquiéter outre mesure.
Mais je me souviens de ma conversation à New York en mai 1973 avec le célèbre chroniqueur du New York Times, Harrison Salisbury, qui m'a demandé : « Que pensez-vous du Watergate ?» J'ai répondu que je venais d'arriver aux États-Unis et que je ne comprenais pas suffisamment la politique intérieure américaine, mais que j'avais l'impression qu'il s'agissait d'un incident mineur qui serait oublié en quelques mois. De plus, Richard Nixon avait récemment remporté l'élection présidentielle, remportant 49 des 50 États.
“Et moi je pense, déclara Salisbury, que Nixon devra démissionner dans un an (au plus). Le pays est tellement polarisé par la guerre du Vietnam que près de la moitié de la population le déteste littéralement – et il ne peut se permettre la moindre erreur. Et le Watergate, continua Salisbury, implique clairement un abus de pouvoir qui pourra être exploité par les médias anti-Nixon”.
Aujourd'hui, bien sûr, la situation aux États-Unis est différente. Contrairement à 1973, les deux chambres du Congrès sont contrôlées par les Républicains – le parti du président lui-même. Mais si, comme le prédisent de nombreux analystes, Trump perd le contrôle du Congrès lors des élections dites de mi-mandat l'année prochaine, de nouvelles tentatives de destitution deviendront inévitables. Et, comme dans le cas de Nixon, Trump est haï par l'État profond. Sous Nixon, le directeur adjoint du FBI, Mark Felt, a joué un rôle clé, fournissant au Washington Post des informations cruciales révélant les abus de la Maison Blanche. Felt était en partie guidé (comme il l'a déclaré plus tard) par le soupçon que Nixon était trop complaisant envers Moscou.
Cette suspicion, encore plus forte, existe aujourd'hui parmi de nombreux membres de l'État profond. Mais là encore, il existe des différences. Contrairement à Nixon, Trump a littéralement organisé une purge des agences de sécurité de l'État et a placé des personnes qui lui étaient fidèles à des postes clés. Mais il est difficile de prédire la force de cette loyauté si elles étaient appelées à témoigner sous serment devant un Congrès hostile à Trump. »
Il est en effet question du climat intérieur, de la situation interne de l’Amérique. Nous en parlions justement hier, évoquant l’extraordinaire voile de mésinformation, ou de non-information qui est pudiquement jeté sur cette situation intérieure, sans doute pour ne pas heurter la sensibilité exacerbée des si-nombreux admirateurs de l’Amérique tout au-dehors, dans le monde plusieurs fois entiers, reposant dans la douceur du ‘Wonderful land’ de l’AmericanDream...
« Parlons un peu de l’effondrement, non pas de “l’Empire” mais de l’Amérique. C’est une idée qui bat son plein aujourd’hui, pour qui sait aller farfouiller les vérité-de-situation derrière l’immense rideau trompeur, du type “Caverne-de-Platon”, dont le système de la communication magouillée par l’américanisme a recouvert la situation intérieure de l’Amérique. »
Ce week-end effectivement, il y eut la deuxième manifestation massive de toute l’Amérique contre le “Roi Georges” postmoderne que serait Donald Trump selon ses adversaires (référence au souverain anglais Georges III contre lequel les insurgents de 1776 se révoltèrent sous les applaudissements de la royauté française et de son ministre Vergennes). En juin, ils étaient 6 millions dans toute l’Amérique, ce week-end il atteignait les 7 millions.
Cela aussi, c’est une différence énorme, considérable, d’avec Nixon-Watergate : ce climat de violence publique suscité par Trump dure déjà depuis dix ans sous diverses formes. Nixon ne (ré)apparut sur la scène publique qu’en 1968 après son retrait complet (il redevint avocat) de la vie politique en 1962, – pour être immédiatement élu président. La haine dont parle Simes ne constitua jamais un phénomène de masse anti-Nixon touchant directement une bonne moitié de l’Amérique, mais simplement l’establishment, une partie (bureaucratique et politisée) de l’armée et la presseSystème avec toute la nébuleuse d’intellectuels stipendiés qui l’accompagne. La sort de Nixon ne fut jamais l’objet d’un véritable affrontement dans la population, au contraires de Trump. Le sort de Nixon ne présenta jamais les germes d’une guerre civile et d’une désintégration de l’Amérique, Trump oui, sans aucun doute.
Pour le reste, pour le système politique et institutionnel de la direction américaniste, nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises le précédent Nixon-Watergate, parce qu’il s’impose effectivement. Poutine lui-même sollicite indirectement cette analogie, et son attitude à l’égard de Trump ressemble assez nettement à l’attitude de Brejnev à l’égard de Nixon, dans les deux cas pour soutenir les présidents US dans leurs batailles. La très grande différence est l’effet de surprise qui imposa l’affaire Watergate à cause des manœuvres du Washington ‘Post’, grande gloire de la glorieuse presse libre et indépendante US, – et accessoirement du FBI et du JCS de l’amiral Moorer, – et aujourd’hui grande gloire directement de la CIA qui a financé le rachat du journal par Bezos.
La situation est très différente avec Trump. Les forces publiques autant qu’institutionnelles sont mobilisées et actives depuis dix ans, contre ou pour Trump. Il n’y a aucun effet de surprise. C’est une bataille à couteaux tirés, livrée sur fond de haines furieuses. Aujourd’hui, l’enjeu est dix fois, mille fois plus important qu’au temps de Nixon, malgré les jolies contes pour enfants que se racontent les intellectuels européens (de gôôôche) concernant le fascisme de Trump. C’est d’ailleurs un signe assez révélateur que toute la campagne anti-Trump se déroule sous le signe ‘No King’, et pas ‘No Fascist’ et ‘No Hitler’. Ce sont beaucoup plus l’attitude et le comportement de Trump mis en parallèle avec ceux de l’Angleterre vis-à-vis de sa colonie américaine, que sa politique et son idéologie qui rassemblent les grandes foules hostiles.
Dans tous les cas, nous devons nous attendre à une crise renouvelée et atteignant un paroxysme supplémentaire en 2026, année des élections de mi-mandat. Que la fête continue...
Mis en ligne le 20 octobre 2025 à 10H00