RapSit-USA2025 : La lawfare du pouvoir

Brèves de crise

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RapSit-USA2025 : La lawfare du pouvoir

Laissons de côté, au moins pour quelques jours, les tribulations israélo-iraniennes et ukrainiennes. Revenons à la situation intérieure avec une très importante décision par six voix conservatrices contre trois libérales de la Cour Suprême, donnant raison au président contre les juges qui ont pris des décisions bloquant l’action du président pour l’ensemble du territoire, sur simple décision d’un seul juge, jusqu’à des cas qui peuvent au départ ne concerner qu’qu’une seule personne. Ce passage de l’individuel au collectif est fondamental. Il justifie toute l’importance qu’on accorde à cette affaire puisqu’à partir d’une simple plainte éventuellement d’une seule personne, jugée par un seul juge d’un niveau intermédiaire, l’entièreté d’une politique fédérale nouvelle peut être bloquée.

A partir de l’affaire opposant le président Trump contre CASA, la Cour Suprême a pris le 27 juin une décision...

« ...qui limite considérablement la capacité des juges fédéraux de niveau inférieur à bloquer les décrets présidentiels au niveau national. Les juges ne peuvent désormais bloquer les actions présidentielles que contre des plaignants spécifiques ayant intenté une action en justice, et non pour l'ensemble du pays. »

Cette bataille juridique (cette sorte a enfanté le néologisme de ‘lawfare’, ou “guerre juridique”/“guerre des juges”), qui dure depuis le 20 janvier (jour de l’inauguration du président) est d’une immense importante même si elle se déroule “à (fort) bas bruit”. Elle est bien aussi importante que l’attaque contre le nucléaire iranien. Elle concerne le pouvoir central face aux pouvoirs des juges, avec les effets immédiats et à venir sur la structuration du pouvoir US. Il faut dire que l’action de l’administration est propice pour susciter un examen “opérationnel” de cette question, et la transformer en une crise potentielle grave.

Depuis son inauguration, Trump a battu tous les records, et essentiellement celui du premier mandat de Franklin D. Roosevelt (1933-1937) agissant dans la situation d’extrême urgence existentielle de la Grande Dépression des années 1932-1933. 165 décrets ont été signés par Trump jusqu’au 27 juin, dont 145 au cours des 100 premiers jours. (Roosevelt signa près d’une centaine de décrets durant ses “Cent premiers jours”, soit à peu près les deux tiers du nombre de décrets signés par Trump.) Sur ces 165 décrets de Trump, 40 ont été bloqués par des tribunaux de comté présidés par des juges progressistes, selon une stratégie générale de blocage de la politique Trump établie par le parti démocrate. Il y a eu 148 décisions de justice rendues, 57 favorables à l'administration et 91 bloquant partiellement ou totalement ses initiatives.

Il s’agit donc bien d’une bataille politique. Dans ce contexte, la décision de la Cour Suprême remet tout en question.

Bataille et victoire devant la Cour Suprême

Un texte du site ‘Spydell Finance’ sur Telegram est traduit du russe et repris sur ‘Pravda-USA.news’ sous le titre : « Trump ouvre la voie à l'usurpation du pouvoir aux Etats-Unis » (Le mot “usurpation”, – même chose en anglais et en français, – venu d’un texte russe traduit en anglais, – est ici d’un emploi douteux, à moins de l’admettre comme une attaque politique. Comme il s’agit d’abord et essentiellement d’un constat factuel, on lui préférera le mot “concentration”.)

Voici le texte :

 «  Trump ouvre la voie à [la concentration] du pouvoir aux États-Unis

Le 27 juin, la Cour suprême des États-Unis (par six voix conservatrices contre trois démocrates) a rendu une décision historique dans l'affaire Trump contre CASA, qui limite considérablement la capacité des juges fédéraux de niveau inférieur à bloquer les décrets présidentiels au niveau national. Les juges ne peuvent désormais bloquer les actions présidentielles que contre des plaignants spécifiques ayant intenté une action en justice, et non pour l'ensemble du pays.

Il s'agit de la première victoire fondamentale de Trump depuis son élection présidentielle.

Quel est le fond de la question ? Un seul juge fédéral, dans n'importe quel district, pourrait stopper la politique de l'administration pour l'ensemble du pays, et pas seulement pour ceux qui ont saisi la justice à la suite d'une action en justice déposée par un nombre limité de plaignants. Cette pratique a été utilisée pour la première fois en 1963 et ne s'est généralisée que lors de la première présidence de Trump, tandis que lors de la seconde, l’“imprimeur fou” comme l’on surnomme le président dans cette “activité”  s'est mis à l'œuvre. Voici comment cela s'est passé :

• Donald Trump a réussi à signer 165 décrets (dont 145 au cours des 100 premiers jours) entre le 20 janvier et le 27 juin 2025, soit près de 1,5 fois plus que le précédent record de Franklin Roosevelt.

• Parmi ceux-ci, 40 décrets ont été bloqués par les tribunaux fédéraux de district (tous de l'aile libérale) jusqu’au 27 juin, soit un décret sur quatre bloqué !

• Il y a 25 décrets dans 5 districts libéraux (District Nord de Californie – 11, District du Massachusetts – 5, District du Maryland – 3, District de Columbia – 3, District Ouest de Washington – 3).

• Durant le premier mandat de Trump, il y avait eu 9 interdictions en 5,5 mois (6 au cours des 100 premiers jours) et seulement 4 sous Biden. On mesure combien la situation actuelle constitue une augmentation considérable !

• Les principaux décrets bloqués concernent la politique migratoire et les règles d'expulsion, le gel du financement fédéral de divers programmes, le service militaire et les questions de genre, les programmes de DEI et les mesures de lutte contre la discrimination, le droit de vote et le mécanisme d'obtention de la citoyenneté américaine. En raison de ce dernier, les forces armées ont imposé des restrictions au confinement national.

Après la décision de la Cour suprême, les juges de district conservent le droit de bloquer les actions présidentielles, mais uniquement dans des cas spécifiques isolés au sein du district responsable, et non au niveau national, comme c'était le cas avant le 27 juin.

Théoriquement, le Congrès peut facilement rétablir cette autorité judiciaire par une nouvelle législation, puisque la décision de la Cour suprême est fondée sur l'interprétation de la Loi judiciaire de 1789, et non sur la Constitution. Cependant, compte tenu de la composition actuelle du Congrès et de la polarisation politique, une telle évolution est peu probable, du moins jusqu'en 2026.

La guerre de Trump contre le système judiciaire américain a débuté en mars. Le 3 mars 2025, Trump a donc saisi la Cour suprême pour exiger la suppression du principal outil utilisé par les tribunaux inférieurs pour bloquer divers aspects de son programme.

Pendant près de six mois, l'administration de la Maison-Blanche est en conflit avec les juges de district. De janvier à juin 2025, l'administration Trump a déposé des recours d'urgence devant la Cour suprême environ une fois par semaine, mais la plupart du temps, Trump se moque ouvertement de l'autorité des juges de district par une défiance flagrante.

Le juge Boasberg voulait tenir Trump pénalement responsable d'outrage flagrant et démonstratif au tribunal, mais Trump l'a qualifié d’“idiot libéral” et de “fauteur de troubles de gauche radicale qui devrait être DESTITUE !!!”.

Depuis le début de sa présidence, Trump a perdu 61% des procès liés aux initiatives de son administration. Sur les 148 décisions de justice rendues, 57 étaient favorables à l'administration et 91 bloquaient partiellement ou totalement ses initiatives. Cependant, la Cour suprême, contrôlée par Trump, a presque tout débloqué.

La Cour suprême a désormais levé le dernier obstacle qui empêchait le bombardement massif de décrets par le concepteur de cette offensive.

On a parfois l'impression que Trump est un parfait imbécile, mais dans les guerres de pouvoir, il a une stratégie judicieuse : usurper le Congrès et la Cour suprême en centralisant le pouvoir exécutif, affaiblir le pouvoir judiciaire ou tenter de le rendre insignifiant en renversant la balance des pouvoirs en faveur de l'exécutif.

Il reste à briser la Fed. »

La lettre bien plus que l’esprit

Pour une fois, il importe de prêter attention à la lettre de ces actions juridiques bien plus qu’à l’esprit. Il y a évidemment une colossale bataille politique passant par le moyen de la ‘lawfare’ ; pour l’instant, la Cour Suprême, par sa décision, vient brusquement de renverser la situation en faveur de Trump. Nous en sommes là et ignorons ce qui va se passer sur ce champ de bataille.

Aussi l’important dans ce qui a été fait est bien la modification structurelle apporté de facto au pouvoir exécutif aux USA. Le président n’a pas des pouvoirs en plus mais il est apparu clairement qu’il a une complète liberté d’application de ces pouvoirs. C’est un renforcement, une concentration du pouvoir central d’une façon générale, en plus d’un renforcement du pouvoir de Trump. Par ailleurs et pour compléter l’observation de la situation, il nous paraît évident qu’il n’y a pas eu là une défaite décisive de la gauche progressiste et antiTrump, mais une bataille perdue (“Nous avons perdu une bataille, pas la guerre...”). Il est donc tout aussi évident que la haine antiTrump, c’est-à-dire l’une des expressions favorites (avec la  vigueur des partisans de Trump) de la très profonde crise américaniste n’est en aucun cas terminée.

Par conséquent, il faut inscrire cette modification de la “lettre du pouvoir central” dans un cadre général qui est toujours et plus que jamais l’affrontement. En ce sens, le renforcement du pouvoir central, s’il renforce Trump pour l’instant, contribue d’une façon notable à placer le pouvoir central, plus que jamais au cœur de cette crise générale. Cela implique que la structure générale  du pouvoir aux USA, – c’est-à-dire, tous les pouvoirs avec leurs rapports entre eux, – va être plus que jamais un élément de la guerre intérieure en cours. En conséquence et paradoxalement ce renforcement conjoncturel du pouvoir central le fragilise en lui ôtant une partie de ce qui lui reste de position objective, de légitimité du type “au-dessus de toutes les querelles internes”.

Quelles conséquences peut-on alors envisager pour la situation générale aux USA dans la situation de crise que connaît ce pays ?

• Certainement, la recrudescence d’une attaque contre la Cour Suprême, autant ses aspects partisans (les deux partis utilisent à leur avantage lorsqu’ils tiennent en main une nomination) que sa composition. Les démocrates ont déjà attaqué la composition de la Cour lors du premier mandat de Trump, demandant plus de membres (on est passé à 14), une répartition fortement influencée par les quotas et les théories en vogue (Woke et compagnie), bref tout ce qui devrait assurer une majorité aux démocrates et progressistes.

• La recherche d’un renforcement des pouvoirs intermédiaires, notamment des États bien entendu, avec l’idée que les gouverneurs devraient avoir des droits concernant la situation générale dans leurs États comparable au droit du President sur tout le pays, – avec les querelles qu’on devine du fait de la contradiction des pouvoirs et compétences sur de mêmes sujets.

• La grande idée, outre le constat d’une victoire de Trump dans cette affaire, c’est bien que chaque des adversaires renforce l’impossibilité de parvenir à une entente, donc à la paix civile intrérieure. Quoi qu’il se passe, l’effet aujourd’hui est toujours d’alimenter et d’accélérer cette espèce de “guerre civile hybride” qui déchire les USA. On ne peut aller que vers un renforcement de cette tendance.


Mis en ligne le 28 juin 2025 à 17H30

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