RapSit-USA2025 : La grande bataille de New York

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RapSit-USA2025 : La grande bataille de New York

20-07-2025 (17h00) – Vous croyiez sans doute que les avatars de Trump allaient profiter aux démocrates ? Rassurez-vous aussitôt, le bordel, pour s’exprimer crûment, est à peu près aussi grand chez les démocrates que chez les républicains. A preuve, cette grande “bataille de New York” qui pourrait ressembler à une sorte de “bataille de Yorktown” de 1781 conduisant, insurgents et Français côte à côte, à la victoire de la fondation des États-Unis. Ainsi commença l’enchantement de l’‘American Dream’ qui remplaça avantageusement, auprès des peuplades de la civilisation progressiste en marche, l’enchantement de Dieu.

Maintenant que nous avons fait notre contrition générale et ne cessons de mesuer l’étendue et la béance de notre bévue et du malheur qui en découle, il reste à voir si cette nième bataille de ‘Yorktown 2.0’ débouchera ou non sur le remède désormais urgemment nécessaire : un désenchantement de l’‘American Dream’. C’est une chance à courir, et nous la courons sérieusement (avant, c’était perdu d’avance) depuis au moins vingt-quatre années ; et nous la courrons encore et encore s’il n’y a pas encore de ‘Yorktown 2.0’ pour cette fois, assurés que notre zèle plaide en notre faveur dans les instances suprêmes, hors des griffes idéologiques de notre monde.

Mais l’on comprendra que, pour l’aspect opérationnel, l’important n’est pas là, qu’il est dans cette première remarque que nous avons faite, – et nous nous répétons dans les mêmes termes fort politiquement incorrects tant il est vrai qu’il est insupportable de voir traitée de “bordel” une opération si éminemment démocratique :

« Rassurez-vous aussitôt, le bordel, pour s’exprimer crûment, est à peu près aussi grand chez les démocrates que chez les républicains. »

Quel est donc la cause de cette sorte de jugement déplacé ? Un homme, qui est à peine dans la trentaine, qui est de confession musulmane, et qui porte notamment le message qu’il est absolument insupportable de voir le parti démocrate soutenir comme il le fait l’action d’Israël à Gaza, largement de type “génocidaire”, appuyé sur les vertus nombreuses de l’AIPAC.

Note de PhGBis : « L’AIPAC est une organisation absolument charitable, si américaniste qu’on ne le soupçonne pas une seconde d’œuvrer pour l’étranger, rassemblement très américanistes de tous les soutiens imaginables, sonnants et trébuchants, au non de la stigmatisation absolue des sentiments antisémites et antisionistes (c’est la même chose). Des organisations charitables comme le Mossad par exemple, soutiennent cette action remarquable et un très-très grand nombre de parlementaires du Congrès s’en trouvent économiquement et idéologiquement rassurés. »

Mais enfin ! Venons-en au fait qui toiuche largement bien d’autrs domaines que l’action israélienne, comme nous l’explique Patrick Lawrence, dans un excellent texte publié sur l’excellent site ‘UNZ.com’. Lawrence est un journaliste nettement situé à gauche, notamment comme le montrent ses apparitions sur le site de Chris Hedges (notamment, cette excellente intervention où il explique le rôle fondamental du journaliste, et comment cette mission a été absolument trahie) et ses diverses et nombreuses collaborations, notamment avec l’hebdomadaire ‘The Nation’.

Lawrence nous présente Zohran Madami, qui siège à l’assemblée législative de l’État de New York depuis 2020 et qui a gagné, à la surprise générale, les “primaires” démocrates pour l’élection d’un nouveau maire, en novembre prochain.

« Mamdani est un véritable phénomène, un homme de 33 ans dynamique, plein de propositions politiques qui répondent aux vrais problèmes des gens. Un système de bus gratuit, un gel des loyers dans la moitié des appartements de la ville, des supermarchés gérés par la ville, un régime fiscal redistributif pour remédier aux inégalités quasi scandaleuses que subissent les New-Yorkais : ce sont de bonnes idées, des idées qui séduisent clairement les électeurs démocrates, des idées qui expriment son engagement en faveur d'un changement dynamique. Mamdani, je dois le préciser d'emblée, adopte également une position de principe contre les atroces barbaries israéliennes à Gaza et le soutien américain à ces actes. »

Mamdami est bien entendu dénoncé comme l’extrême-gauche haïssable par Donald Trump, qui continue ainsi son parcours sinueux qui permet à tout bon citoyen de rebattre toutes les cartes pour comprendre qu’il existe une union à faire, – entre disons droite-tradi et disons gauche-populiste (ou driite et gauche antiguerre, pour faire court), – sur les deux bordures du Système.

Voici donc le texte de Patrick Lawrence, avec cette devise dont on comprendra vite le sens :

« Les chiffres ne mentent pas toujours et les menteurs ne comptent pas toujours.... »

« Sun Valley contre Queensbridge

« Il fut peut-être un temps où un candidat à la mairie de New York suscitait autant de ferveur chez certains et autant de crainte et de dégoût chez d'autres que Zohran Mamdani, mais je ne m'en souviens pas. Dans la centaine de jours qui nous séparent des élections municipales du 4 novembre, nous, New-Yorkais et le reste de la population, allons nous retrouver dans une guerre politique qui pourrait faire date. La campagne s'annonce passionnante ; à mon avis, elle ne promet pas d'être belle.

Mamdani, qui siège à l'assemblée législative de l'État depuis 2020, a impressionné la ville de New York et le reste du pays en écrasant, le 1er juillet, les démocrates et en remportant l'investiture du parti pour briguer la mairie cet automne. L'establishment démocrate, qui avait misé sur Andrew Cuomo (au sens propre comme au figuré), a été stupéfait. Cuomo, un politicien influent qui avait démissionné de son poste de gouverneur de New York il y a quatre ans suite à des accusations de harcèlement sexuel, était considéré comme un favori et, en conséquence, a mené une campagne que nous pouvons gentiment qualifier de complaisante. Puis le coup est venu : Mamdani, avec plus de 50 000 bénévoles qui ont fait campagne pour lui, a recueilli 56 % des voix lors de la primaire démocrate, contre 44 % pour Cuomo.

Les chiffres ne mentent pas toujours et les menteurs ne comptent pas toujours.

Mamdani est un véritable phénomène, un homme de 33 ans dynamique, plein de propositions politiques qui répondent aux vrais problèmes des gens. Un système de bus gratuit, un gel des loyers dans la moitié des appartements de la ville, des supermarchés gérés par la ville, un régime fiscal redistributif pour remédier aux inégalités quasi scandaleuses que subissent les New-Yorkais : ce sont de bonnes idées, des idées qui séduisent clairement les électeurs démocrates, des idées qui expriment son engagement en faveur d'un changement dynamique. Mamdani, je dois le préciser d'emblée, adopte également une position de principe contre les atroces barbaries israéliennes à Gaza et le soutien américain à ces actes.

Mais nos forces sont parfois aussi nos faiblesses, comme Mamdani est sur le point de le découvrir. Lundi 14 juillet, Cuomo a annoncé dans une brève vidéo que, plutôt que de se retirer après sa cuisante défaite, il resterait dans la course en tant qu'indépendant, avec l'intention quasi déclarée d'empêcher New York de tomber « aux mains de l'extrême gauche », comme l'a bêtement formulé le New York Times dans article analysant la nouvelle campagne de Cuomo.

Cuomo, dont le mandat de gouverneur a empreint d'opportunisme et de corruptibilité, voire de corruption avérée, est désormais le fer de lance indécent d'une attaque contre Mamdani qui ne devrait pas faiblir tant que cette élection n'est pas décidée. Wall Street et les banques, les milliardaires des fonds spéculatifs, les grandes entreprises, les promoteurs immobiliers new-yorkais, le lobby israélien, les grands médias, le courant démocrate dominant : tous se mobilisent pour que Zohran Mamdani ne gagne pas le 4 novembre. C'est un marxiste, un socialiste, un communiste, un fou, et bien sûr un antisémite. Les extrémistes sionistes et leurs sympathisants accusent Mamdani, un musulman, d'imposer la charia à New York. Le président Trump s'est demandé à haute voix s'il devait faire arrêter Mamdani ou s'il devait lui être déchu de sa citoyenneté.

Les intérêts financiers et corporatifs ont dépensé 22 millions de dollars pour la campagne primaire ratée de Cuomo. Tout porte à croire qu'ils dépenseront davantage cette fois-ci.

Voyons donc les choses dans leur globalité : la bataille s’engage entre les élites du Parti démocrate et les électeurs qu’elles s’efforcent de plus en plus de réprimer, entre l’argent et le processus démocratique, entre le pouvoir et les forces du changement qui se rassemblent en ce moment même, non seulement à New York, mais dans tout le pays. Nous avons déjà vécu cette situation, bien sûr. Mais le risque que les démocrates s’autodétruisent en tentant de détruire Zohran Mamdani est, à mon avis, plus grand que jamais.

Voici Mamdani sur « Meet the Press » dimanche 1er juillet, juste après sa victoire :

« Nous pouvons battre n'importe quel candidat dans cette course, car nous avons démontré que cette campagne bénéficie du soutien de plus de 400 000 New-Yorkais. Pendant trop longtemps, les politiciens ont fait semblant d'être de simples spectateurs de la crise du coût de la vie. En réalité, ils l'ont aggravée. Notre vision est celle d'y répondre et de faire de cette ville une ville abordable pour tous les New-Yorkais. »

Et Mamdani, interrogé sur la crise de Gaza dans une interview avec Politico pendant sa campagne en avril :

« Je pense qu'il est impératif de cesser de subventionner un génocide. C'est ce que nous constatons depuis plus d'un an. Et c'est ce que nous voyons s'intensifier actuellement avec Donald Trump. J'ai du mal à expliquer à mes électeurs, qui vivent dans le plus grand complexe de logements sociaux d'Amérique du Nord, à Queensbridge, pourquoi ils doivent vivre dans des conditions insalubres parce que le gouvernement refuse de financer ces logements, alors que nous continuons à débloquer des milliards de dollars pour larguer des bombes qui tuent des dizaines de milliers de Palestiniens depuis plus d'un an. Et le nombre d'enfants tués ne reflète même pas l'ampleur du traumatisme de ceux qui ont survécu. Et c'est une responsabilité que nous devons dénoncer, en tant que financeurs. »

C'est un oiseau, c'est un avion, c'est... c'est un candidat politique qui dit ce qu'il pense et ce qu'il veut dire reflète les réalités auxquelles sont confrontés les Américains dans cette troisième décennie de notre nouveau siècle troublé.

Je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer quelques éléments dans les nouvelles alors que la victoire de Mamdani s’imposait.

Premièrement, une vague d'inquiétude a récemment éclaté suite à la publication de plusieurs études indiquant un changement radical de l'opinion publique à l'égard d'Israël, des Palestiniens et de la campagne de terreur menée par les premiers contre les seconds dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Gallup et le Pew Research Center ont tous deux analysé la question au printemps dernier et ont obtenu des résultats à peu près similaires, ce changement étant particulièrement marqué chez les Démocrates.

Peter Beinart, qui, entre autres, est un éditorialiste du New York Times, l'a résumé succinctement dans un commentaire du 6 juillet . Il y a douze ans, les démocrates interrogés par l'organisation Gallup préféraient Israël aux Palestiniens avec une marge de 36 points de pourcentage. « En février dernier », écrit-il, « Gallup a constaté que les démocrates sympathisaient avec les Palestiniens avec une marge de 36 points de pourcentage. »

Que pensez-vous de la symétrie ?

Le titre de la chronique de Beinart était : « Les Démocrates doivent comprendre que l’opinion sur Israël évolue rapidement. » J’ai trouvé le commentaire de Beinart correct, mais son auteur m’a semblé loin du compte. Bien sûr, les Démocrates traditionnels comprennent que l’opinion sur Israël évolue rapidement. Il est impossible d’imaginer le contraire. Le problème ici – et je perçois ce qui préoccupe Beinart de manière subliminale – est que les Démocrates comprennent parfaitement que l’opinion sur Israël évolue rapidement et sont totalement indifférents à ce changement de sentiment marqué.

Deuxièmement, alors que je repensais à ces événements – les sondages d'opinion sur Israël, l'ascension fulgurante de Mamdani vers la célébrité politique et la réaction frénétique immédiate des différentes élites – The Grayzone a publié un reportage de six minutes sur la retraite annuelle des personnalités importantes qu'Allen & Co., une banque d'affaires influente et discrète, organise depuis de nombreuses années. Voici le témoignage de Max Blumenthal, rédacteur en chef de The Grayzone, à cette occasion. Ce reportage a été publié le mardi 15 juillet :

« Chuck Schumer, le chef de la minorité démocrate [au Sénat] se rend à Sun Valley, dans l'Idaho, cette semaine pour rencontrer les élites d'Hollywood et les élites des grandes technologies dans une retraite semi-secrète et officieuse… et ils conspirent tous pour déterminer qui sera le prochain démocrate… Je ne dirais pas « conspirer », mais ils discutent, l'un des points à l'ordre du jour, de savoir qui les démocrates présenteront comme leur prochain candidat… Voilà comment cela fonctionne. »

Personnellement, je ne vois rien de mal à « conspirer ». Et dans ce court extrait, Blumenthal a parfaitement saisi « comment ça marche ». Ils le démontrent en ce moment même à New York. Bill Ackman, le milliardaire gestionnaire de fonds spéculatifs, promet des centaines de millions de dollars pour soutenir Eric Adams, l'actuel maire de New York, afin qu'il arrête Mamdani. Adams, bien sûr, a été accusé de corruption au niveau fédéral jusqu'à ce que le président Trump ordonne le classement sans suite de l'affaire.

Ma question est de savoir combien de temps ce genre de laideur antidémocratique peut perdurer, tel qu’il fonctionne.

Les électeurs de New York, où les Démocrates sont six fois plus nombreux que les Républicains, viennent d'annoncer à leur parti leur soutien à un candidat qui promet un changement novateur. Ils ont annoncé, pour prendre un peu de recul, qu'ils souhaitent une Amérique nouvelle, une Amérique différente. Mais les hautes sphères du parti restent sans réponse. On pourrait s'attendre à ce que ces élites écoutent et apprennent à ce stade, mais elles ne semblent pas disposées à le faire. Elles continuent de présenter Mamdani comme une sorte de radical anti-israélien – l'islamophobie est omniprésente depuis sa victoire aux primaires – mais sa position sur le génocide à Gaza concorde avec les sondages et semble avoir contribué à son soutien, même parmi les Juifs new-yorkais.

Pour rester dans le contexte que nous offre Mamdani, nous observons un affrontement entre Sun Valley et Queensbridge, le quartier ouvrier et bourgeois que représente Mamdani. Telle est la symétrie inextricable de la politique américaine en cette troisième décennie du nouveau siècle.

Je ne dis pas qu'il s'agit d'une nouvelle forme d'opposition. Les efforts des démocrates traditionnels pour couler le navire Mamdani sont également inédits. Ils l'ont fait avec Bernie Sanders – à deux reprises, en 2016 et en 2020 – et, avec l'aide des lobbies israéliens, ils l'ont fait avec Jamaal Bowman et Cori Bush, respectivement députés de New York et du Missouri, lorsque les intérêts financiers et les lobbies les ont anéantis lors des primaires de l'année dernière.

Mais Mamdani est un cas d'un autre ordre, selon moi. En un mot, il enthousiasme trop d'électeurs. Ses idées résonnent bien au-delà des cinq arrondissements de New York. Il défend – à peine trentenaire qu'il l'est déjà – une autre idée de l'Amérique. Le groupe qui l'oppose est trop facilement lisible.

Cela place les élites du parti et tous les intérêts qui les soutiennent dans une situation difficile. Elles ne peuvent se permettre de laisser Mamdani prendre la tête de la mairie de New York, et je conclus avec la plus grande réticence qu'elles ne le feront pas. Une victoire de Mamdani en novembre changerait trop radicalement le visage de la politique américaine. Parallèlement, compte tenu de l'attention nationale suscitée par sa campagne, Mamdani a acquis plus ou moins instantanément une importance symbolique dans la culture politique américaine. L'arrêter cet automne serait presque certainement un désastre antidémocratique.

Dans la mesure où les démocrates réussissent à détruire cet homme, ils se détruiront également eux-mêmes.

Patrick Lawrence