RapSit-USA2021 : Incursion d’AOC en CIA

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RapSit-USA2021 : Incursion d’AOC en CIA

La première fois que nous parlâmes sur ce site d’Alexandria Ocasio-Cortez, alors âgée de 28 ans, remonte au 28 juin 2018 alors que, parfaite inconnue pour nous, la jeune femme emportait une victoire étourdissante sur un cacique du parti démocrate, pour la désignation démocrate pour l’élection d’un candidat (d’une candidate donc) comme député du 14ème district de New York pour la Chambre des Représentants. Rapidement devenue AOC (l’acronyme sonne bien presque comme “CIA”, vous voyez ?), Ocasio-Cortez l’emporta aisément et entra au Congrès le 1er janvier 2019 où elle devint à la fois une activiste très médiatique et un symbole de l’évolution du parti démocrate.

Le rapide portrait que nous en faisions traçait le caractère et la politique d’une militante, sinon purement communiste dans tous les cas socialiste-communiste, ou “marxiste-culturel”, – finalement, l’identification de ce qui allait devenir une “wokeniste”. Ainsi écrivions-nous d’elle :
« PhG parlait hier d’une ‘Guerre Civile soft’ aux USA. Un exemple fulgurant des conditions politiques nouvelles en train de s’établir aux USA, c’est un cas illustrant la pénétration du parti démocrate, dans sa structure institutionnelle, des éléments les plus extrémistes qui mènent la campagne antiTrump dans une orientation de désordre grandissant. Il s’agit de la victoire aux primaires démocrates pour désigner le candidat démocrate à la Chambre (élections de novembre prochain), du 14èmeDistrict de New York d’une jeune femme de 28 ans, dont la campagne s’est faite sur un programme dit ‘démocrate-socialiste’ qui n’est pas loin d’être du communisme pur et simple. Il s’agit d’Alexandria Ocasio-Cortez, dont le nom indique l’origine ethnique, qui a largement battu l’un des caciques du parti...
» “Alexandria Ocasio-Cortez, âgé de 28 ans, a battu le député sortant Joe Crowley, 56 ans, aux élections primaires de New York mardi soir, faisant tomber le candidat titulaire représentant depuis 10 ans le quatorzième district du Congrès de New York (58% contre 42% avec 88% de votants des militants démocrates). La victoire d'Ocasio-Cortez marque la cinquième victoire de socialistes démocrates féminines contre des candidats masculins dans des primaires démocrates. [...]
» ”La défaite de Crowley, le 4ème démocrate à la Chambre en tant que président du Caucus démocrate et successeur présomptif de la leader démocrate à la Chambre Nancy Pelosi, rappelle aux observateurs la défaite de 2014 du leader républicain Eric Cantor par un membre du Tea Party dans la primaire républicaine de Virginie. Cela permet d’envisager un changement de pouvoir générationnel attendu depuis longtemps chez les démocrates de la Chambre. [...] Ocasio-Cortez est un membre des Socialistes Démocrates d'Amérique qui dispose d’une plate-forme de type communiste...” »

Depuis, comme on le sait et comme on l’a lu souvent, AOC est devenue une superstar du parti démocrate, de son aile gauche “socialiste” jusqu’à l’avènement du wokenisme. (C’est le 21 novembre 2020 que nous décidions d’adopter le néologisme “wokenisme” pour désigner ce mouvement extraordinaire, – jusqu’alors tentativement identifié par nous comme “progressiste-sociétal” mais devenu si spécifique depuis la mort de Floyd le 25 mai 2020 [voir plus bas], – qui s’est imposé d’une manière fulgurante et totalement inattendue aux USA.)

Considérant d’abord qu’AOC et sa “bande” (dite The Squad et réunissant trois autres jeunes femmes wokenistes de couleurs diversifiées autour d’AOC sur les bancs de la Chambre) constituait une sorte de presque-île gauchiste, sur l’ultra-gauche du parti démocrate, nous jugions qu’il s’agissait d’un appendice contraignant pour les caciques du parti démocrate, influente certes mais tout de même ancrée dans une position marginale du point de vue de la conviction d’une part, de la véritable position politique du parti démocrate d’autre part. Les relations de départ d’AOC avec la Speaker de la Chambre Nancy Pelosi nous semblaient exemplaires à cet égard.

Il s’est finalement avéré que c’est tout le parti (Pelosi en tête !) qui a pris une orientation radicale rencontrant celle d’AOC et du wokenisme, surtout depuis la mort de George Floyd (25 mai 2020) et la campagne de caillassage des Black Lives Matter (BLM) devenus une véritable courroie de transmission du parti démocrate. (On ignore à cet égard qui instrumente l’autre, mais notre conviction est bien que le parti démocrate se sert de BLM plus que le contraire, et même au-delà : l’organisation BLM est devenue on moyen d’instrumentalisation des Africains-Américains, au profit du parti démocrate, et au profit [sonnant et trébuchant, celui-là] de ses propres dirigeants.)

Là-dessus éclate une “affaire-AOC”. Ce n’est pas un incident prestement étouffé et réduit à la presse indépendante (antiSystème), mais de façon bien différente un incident qui a pignon sur rue, notamment par le biais de l’article de ‘Politico’ qui a exposé le cas le premier. ‘Politico’ n’est certainement pas un site antiSystème et a une grande audience, ce qui permet d’affirmer que l’affaire a une certaine part d’improvisation et d’imprévue, et constitue un embarras à l’intérieur du parti démocrate, au cœur du Système.

Le fond de l’affaire, reprise et exploitée par WSWS.org et RT.com, se résume à une intervention de AOC, – qui rassemble sur son nom d’importantes contributions financières sous forme de dons venues de milieux populaires, – transfèrant elle-même de l’argent ($160 000) de son propre fond vers d’autres candidats républicains de la Chambre, en position difficile pour les redoutables élections mid-term de 2022, où le parti démocrate pourrait perdre la majorité. AOC a ainsi alimenté sans sollicitation de leurs parts 32 candidats démocrates pour 2022, caractérisés pour la plupart par deux aspects :

• ils sont devant des électorats modérés, dans des districts où les républicains sont puissants ;
• ils sont tous directement ou indirectement impliqués dans des réseaux de sécurité nationale, et certains d’entre eux sont d’anciens militaires ou d’anciens agents de renseignement, notamment de la CIA, reconvertis dans la politique.

Cette “reconversion” a fait le miel de WSWS.org, qui a déjà publié de nombreuses enquêtes dites “les démocrates de la CIA”, détaillant la fournée d’anciens des milieux de la sécurité nationale, et d’anciens de la CIA placés au parti démocrate pour exercer l’influence qu’on imagine évidemment. Le site en reprend divers éléments sur le texte que nous reprenons ci-dessous, où l’on comprend que la pénétration des démocrates par les milieux de la sécurité nationale, et la CIA elle-même, est intense. (Le décompte de Sputnik.News donnait [en avril 2018] 57 candidats démocrates pour les élections de novembre 2018, venant de carrières dans la sécurité nationale, soit dans la CIA, soit chez les militaires.)

Reste à savoir, – ou plutôt, l’essentiel est de savoir pourquoi AOC a agi de cette façon. Aucun des deux textes cités, non plus que celui de ‘Politico’ ne répond de façon satisfaisante. Tous nous disent que AOC, qui se présentait comme une dissidente sur l’extrême-gauche de l’establishment, se révèle en fait comme en faisant complètement partie. Mais que vaut ce constat si l’establishment, lui, se révèle comme pris de folie dans son orientation maximaliste vers le wokenisme et l’extrême-gauche ? Bien entendu, cette hypothèse n’a strictement aucun sens pour WSWS.org, pour qui rien de ce qui est l’establishment de Washington ne peut être qualifié “de gauche” dès lors que le grand Léon est la figure centrale de “la gauche” au XXe siècle et aux suivants. On le voit bien dans le texte ci-dessous, comme dans un autre texte extrêmement documenté sur la formation et le recrutement d’AOC chez les démocrates, qui vaut bien les méthodes et l’endoctrinement “technique” qu’on trouvait dans les PC des pays communistes, et qui se termine sur cette remarque :
« Le Parti démocrate est un parti impérialiste représentant l’oligarchie financière. Il est responsable devant l’armée, les agences de renseignement, les banques et les sociétés. Parfois, il se présente en termes progressistes, mais uniquement pour mieux bloquer la croissance d’un véritable mouvement socialiste. Il est irrémédiablement hostile aux intérêts de la classe ouvrière, point final, et cela ne changera jamais. »

Dans RT.com, Kit Klarenberg dit à peu près la même chose (l’establishment, rien que l’establishment), sauf sur un point (marqué par nous en gras) sur lequel nous reviendrons :
« Des gauchistes comme Alexandria Ocasio-Cortez ont promis que Joe Biden vivrait l’enfer une fois au pouvoir [du fait des pressions de la gauche du parti]. Mais maintenant qu’il est à la Maison Blanche, elle aide des personnalités liées à l’État de sécurité nationale dans les rangs du parti à s’accrocher au pouvoir.
» Le 2 avril, ‘Politico’ a rapporté que l’ardente députée new-yorkaise au Congrès avait fait don de $160 000 aux membres du programme “Frontline” du Democratic Congressional Campaign Committee (DCCC).
» Frontline fournit aux démocrates qui risquent de perdre leur siège lors des élections de novembre 2022 “les ressources et les informations de pointe dont ils ont besoin pour mener des campagnes de réélection efficaces” ; en d’autres termes, il vise à garantir qu’ils puissent survivre aux courses les plus difficiles.
» Au total, 32 candidats ont reçu $5 000 chacun de la part d'Ocasio-Cortez, – mais pour certains bénéficiaires, la démonstration de solidarité de leur camarade a été une “mauvaise surprise”. Le DCCC n'aurait pas réussi à “anticiper les ramifications politiques” du fait que la “figure la plus polarisante” [AOC] des démocrates soit citée dans les rapports de la Commission électorale fédérale des membres les plus vulnérables du parti.
» “Les largesses d’Ocasio-Cortez [ont] soulevé des questions gênantes parmi ses collègues, car certains démocrates des districts incertains s’inquiètent de savoir s’ils doivent rendre son argent avant que le parti républicain puisse le transformer en un argument destructeur”, observe ‘Politico’. »

Dans le texte de WSWS.org sur AOC (du 31 mars) précédant celui que nous reproduisons ci-dessous et l’annonce de ses donations à des coreligionnaires venus de la CIA ou des forces armées, le parcours actuel de la députée de New York était ainsi présenté, à notre sens d’une façon un peu stricte quant aux orientations (“Mais ses supérieurs politiques lui ordonnent... ”, etc.). Comme à l’habitude, nous reprochons à cette sorte d’analyse de ne pas tenir compte du caractère général de la situation et de donner tout le crédit des événements à l’organisation, à la hiérarchie, aux bornages des engagements, etc., – bref, d’être “trotskiste”...
« Ocasio-Cortez dirige actuellement ses critiques contre les opposants de gauche de l’administration Biden, les dénonçant comme des “acteurs de mauvaise foi” au nom du Parti démocrate. Le forum pour ses attaques est les pages du magazine officiel des DSA [les “socialistes” du parti démocrates]. Au cours des deux dernières années, elle a été autorisée à renforcer ses références de gauche, en augmentant son influence sur les médias sociaux et en facilitant sa capacité à communiquer avec des masses de gens, en particulier les jeunes à l’esprit socialiste. Mais ses supérieurs politiques lui ordonnent maintenant de sévir contre ses propres partisans, qui ont répondu avec une déception et une colère amères. »

... Mais aussitôt, une nuance qui complique un peu plus la perception de la situation d’AOC :
« Il est probable qu’Ocasio-Cortez vire à nouveau à gauche, et il est inévitable que de nouveaux politiciens démocrates émergent de la marge pour se présenter comme la prochaine alternative de gauche. Il est également inévitable que certains s’abstiennent même d’utiliser l’étiquette “démocrate” parce que le terme est tellement corrompu. »

La CIA comme chez elle

Voici le texte du site WSWS.org sur cette “affaire Ocasio-Cortez”, publié le 7 avril dans sa version française (le 4 avril dans sa version originale). Le titre du texte, de Eric London, est : « Alexandria Ocasio-Cortez finance les démocrates de la CIA »

« Vendredi, Politico a rapporté que la députée démocrate de New York et membre des Socialistes démocrates d’Amérique Alexandria Ocasio-Cortez a transféré 160.000 dollars de fonds de campagne à une liste qui comprend des «démocrates de la CIA» – des démocrates de droite du Congrès ayant des antécédents dans les domaines du renseignement et militaire. Politico rapporte que les contributions n’avaient pas été sollicitées et qu’elles visaient à «aider à conserver la majorité à la Chambre des représentants avant un cycle difficile.» Bien que Politico ne cite nommément que Conor Lamb (Pennsylvanie), Elissa Slotkin (Michigan) et Carolyn Bourdeaux (Géorgie), il semble, d’après le reportage, qu’Ocasio-Cortez ait donné 5000 dollars à chacun des 32 candidats “de première ligne” sélectionnés par le Comité de campagne du Congrès démocrate dans des courses de mi-mandat très médiatisées.

» Cette liste de candidats “de première ligne” comprend de nombreux démocrates éminents provenant des rangs de la CIA que le World Socialist Web Site a identifiés comme ayant été d’anciens représentants du Pentagone et des agences de renseignement. En 2018, le WSWS a publié une série en trois parties par Patrick Martin détaillant les efforts des agences de renseignement et des organisations militaires pour inonder le Parti démocrate d’agents loyaux.

» Parmi les bénéficiaires du soutien financier d’Ocasio-Cortez figurent Elissa Slotkin (ancien agent de la CIA), Conor Lamb (capitaine des Marines et procureur militaire), Tom Malinowski du New Jersey (un secrétaire d’État adjoint sous Barack Obama), Abigail Spanberger (officier des opérations de la CIA) et Elaine Luria (capitaine de corvette dans l’US Navy), toutes deux de Virginie, Mikie Sherrill (pilote de la Navy au Moyen-Orient) et Andy Kim (conseiller du commandement militaire américain, directeur du Conseil national de sécurité pour l’Afghanistan et l’Irak), tous deux du New Jersey, ainsi que Jared Golden du Maine (Corps des Marines).

» Slotkin et Lamb ont indiqué qu’ils allaient retourner les dons de peur que leurs adversaires républicains ne les associent à Ocasio-Cortez.

» Le soutien financier d’Ocasio-Cortez aux démocrates de la CIA est une autre leçon de la futilité de tous les efforts visant à transformer le Parti démocrate capitaliste en un véhicule de réforme sociale progressiste.

» En transférant les fonds qui lui ont été donnés par des partisans de gauche dans les coffres de guerre des démocrates de la CIA, Ocasio-Cortez fournit un exemple en termes financiers de la dynamique politique fondamentale du Parti démocrate droitiste. Loin de faire évoluer le Parti démocrate vers la gauche, des figures comme Ocasio-Cortez ne font que piéger l’opposition sociale de gauche, la désarmer et la transformer en capital politique pour l’establishment même auquel elles prétendent s’opposer.

» Son soutien aux démocrates de la CIA sape sa prétention à représenter l’opposition à la guerre. Elle apporte un soutien politique direct aux individus responsables des guerres menées par les États-Unis qui ont dévasté de larges pans du Moyen-Orient et tué plus d’un million de personnes au cours des deux dernières décennies seulement.

» Outre son travail d’agent de la CIA, Elissa Slotkin a été directrice pour l’Irak du Conseil national de sécurité sous Barack Obama, et a été l’assistante principale de John Negroponte dans son dernier poste au gouvernement, en tant que directeur du renseignement national, avec la responsabilité globale des 19 agences de renseignement américaines.

» Le soutien d’Ocasio-Cortez à un ancien grand assistant de Negroponte est significatif, car Ocasio-Cortez a tenté de se présenter comme un défenseur des droits des immigrants, accusant même “l’impérialisme” d’avoir forcé des millions de personnes à fuir leur foyer.

» Ambassadeur des États-Unis au Honduras de 1981 à 1985, Negroponte supervisait les Contras, ces escadrons de la mort soutenus par les États-Unis dans les guerres civiles du Guatemala, du Salvador et du Nicaragua. C’est un criminel de guerre américain, responsable d’avoir facilité les campagnes génocidaires contre les travailleurs et les paysans d’Amérique centrale.

» Lors des audiences du Sénat en 2001, le sénateur du Connecticut Chris Dodd a déclaré: “Sur la base de l’examen par le comité des documents du département d’État et de la CIA, il semblerait que l’ambassadeur Negroponte en savait beaucoup plus sur les violations des droits de l’homme perpétrées par le gouvernement qu’il n’a choisi de partager avec le comité en 1989 ou dans les contributions de l’ambassade à l’époque aux rapports annuels du département d’État sur les droits de l’homme.”

» En 2018, Negroponte a publié un soutien à la campagne de sa protégée pour le Congrès: “J’ai vu Elissa [Slotkin] diriger sous une pression extrême, en travaillant sur certains des défis de sécurité les plus difficiles auxquels notre pays a été confronté. Je soutiens Elissa dans sa course au Congrès, car je crois qu’à l’heure actuelle, nous avons besoin de plus de dirigeants élus comme elle – axés sur la mission et les résultats, plaçant la sécurité de notre pays avant la politique.”

» Ocasio-Cortez a également contribué à la caisse électorale de Conor Lamb, un ancien officier militaire et procureur fédéral. En juillet 2018, alors que l’administration Trump retirait les enfants des mains de leurs parents pour appliquer sa politique fasciste de “tolérance zéro”, Lamb a été l’un des nombreux démocrates qui ont voté pour une résolution présentée par le républicain d’extrême droite Clay Higgins faisant l’éloge de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE). La résolution faisait l’éloge “des hommes et des femmes courageux qui font respecter les lois sur l’immigration de notre pays” et s’opposait aux demandes de réduction de financement ou de démantèlement de cette Gestapo américaine.

» Le soutien apporté par Ocasio-Cortez à Abigail Spanberger est particulièrement significatif. En novembre 2020, c’est Spanberger, cette ex-officière de la CIA, qui s’est lancée dans une dénonciation virulente du socialisme en accusant des figures comme Ocasio-Cortez d’être responsables des pertes démocrates aux élections législatives. Lors d’un appel enregistré parmi les démocrates de la Chambre à l’époque, Spanberger a déclaré: “Nous ne devons plus jamais utiliser les mots ‘socialiste’ ou ‘socialisme’”.

» Après la convention nationale démocrate de 2020, Ocasio-Cortez, le sénateur Bernie Sanders et d’autres démocrates «de gauche» ont soutenu que les électeurs d’inclinaison socialiste devaient soutenir la campagne droitiste de Biden, en promettant bien qu’après son élection, Ocasio-Cortez et d’autres comme elle lutteraient contre l’aile droite du Parti démocrate.

» Corbin Trent, conseiller d’Ocasio-Cortez, a expliqué à l’époque :

» “Pour le moment, il faut comprendre que nous avons un objectif commun, et c’est de battre Donald Trump. Mais rendus en janvier, nous n’aurons peut-être plus le même objectif. Ils remportent l’investiture, alors ils peuvent choisir leur feuille de route. Mais cela ne veut pas dire qu’ils vont choisir la feuille de route [du parti démocrate] aux élections de mi-mandat, quand nous commencerons à nous opposer à eux lors des primaires. Et ça ne veut pas dire non plus qu’ils vont choisir la feuille de route quand nous commencerons à recruter pour 2024 et que nous nous opposerons à eux lors des primaires.”

» C’était là également un mensonge. Au lieu de combattre l’aile droite du Parti démocrate, Ocasio-Cortez la soutient financièrement et politiquement. Chris Hayden, porte-parole du Comité de campagne du Congrès démocrate, l’a remerciée pour ses récentes contributions: «Nous apprécions l’engagement continu de la représentante Ocasio-Cortez en faveur d’une majorité démocrate.»

» Lors d’une interview publiée le 19 mars dans le magazine des DSA Democratic Left, Ocasio-Cortez a attaqué les critiques socialistes de l’administration Biden, les qualifiant de “privilégiés” et d’“acteurs de mauvaise foi”. Elle a déclaré que les opposants socialistes au président dénigrent les “Noirs, les Bruns et les sans-papiers” en déshumanisant les immigrants, “en appelant les gens qui sont maintenant protégés de l’expulsion comme étant des non-personnes”. Ce faisant, elle met les démocrates de la CIA à l’abri des critiques politiques, tout en continuant à se présenter comme une socialiste.

» Cet exercice de politique de mauvaise foi est typique du rôle historique du Parti démocrate, qui consiste à engloutir puis à détruire tout mouvement politique de gauche qui pourrait menacer le système capitaliste. Un véritable mouvement socialiste ne pourra naître qu’en opposition au système des deux partis et indépendamment de lui. »

Incompréhensible ou très compréhensible

Ainsi en est-il : nous en savons beaucoup sur la pénétration de la CIA et du reste du domaine de la sécurité nationale dans le parti démocrate, et c’est impressionnant ; mais, au travers des divers et vagues arguments qu’on nous donne, nous ne savons toujours pas pourquoi Ocasio-Cortez a fait ce qu’elle a fait, sinon qu’elle a choisi les récipiendaires de ses donations, comme c’est le coutume pour cette sorte de pratique, sur les conseils du DCCC. Il est vrai que nous avons retenu une phrase, pour éclairer notre lanterne, venue du texte de Klarenberg et inspiré de l’article initial de ‘Politico’ :
« Le DCCC n’aurait pas réussi à “anticiper les ramifications politiques” du fait que la “figure la plus polarisante” [AOC] des démocrates soit citée dans les rapports de la Commission électorale fédérale des membres les plus vulnérables du parti. »

Notre idée, à partir de cette phrase, rejoint simplement le constat désormais inévitable du désordre et de l’incapacité de la mesure des divers événements, communications, perceptions, etc., et donc l’incapacité des directions de déterminer une quelconque vérité-de-situation. La même chose pour ceux qui en jugent selon la raison de l’esprit, productrice de dogmes, de formules, d’idéologisation, etc., – bien entendu, comme WSWS.org le fait.

Nos supputations concernant les convictions ou pas d’Ocasio-Cortez sont d’un autre monde. (Certains disent “le monde d’avant”, mais tant de “mondes d’avant” se sont succédés depuis quelques années, avec la production  accélérée de “nouveaux mondes”...) Finalement, il faut admettre que peu importe ces convictions, et si la superstar du parti démocrate est “aux ordres”, ou bien si elle joue son propre jeu. Sa donation étrange vers les transfuges-espions-manipulateurs du monde de la sécurité nationale à l’intérieur du parti démocrate, – Dieu sait si le parti démocrate n’a pas besoin d’être manipulé dans le bon sens, – répond peut-être à un calcul, à un ordre, à une consigne, ou bien à une maladresse dans le chef du DCCC. Nous ne sommes même pas sûrs que cela changera quelque chose au statut d’AOC, à sa réputation, à sa position.

Aujourd’hui, cela n’a plus guère d’importance parce que les événements ont dépassé le stade où l’on pouvait spéculer sur les raisons de son arrivée, sur les effets au sein du parti, etc. AOC ou pas, la situation générale s’est totalement radicalisée dans le sens que sa venue annonçait et certainement pas par son action, et aujourd’hui Biden fait grosso modo la politique qu’elle-même prônait, entraîné par les événements ; et tout cela, spectacle étonnant, sous les yeux complètement aveuglés des experts et des dirigeants européens, absolument ivres et accro-camé à leur simulacre autocensuré et encombré de narrative . Malgré tous les arguments trotskistes sur “la gauche”, tout a basculé en quelques mois, et la présence d’anciens de la CIA au sein du parti démocrate n’a absolument plus la signification qu’on lui prêtait en 2018. Peut-être même que la CIA est devenue wokeniste elle-même, à l’image de son ancien directeur Brennan (jusqu’en 2017) dont on ne craint plus de suggérer qu’il ait fait un passage par le Parti Communiste US durant la période des années 1970, avant son engagement dans la CIA.

On comprend alors combien l’indignation de WSWS.org (Ocasio-Cortez toujours “contrôlée” par l’establishment !) a peu d’importance. La situation dépasse nos références habituelles et l’establishment, et Alexandria Ocasio-Cortez fait comme les autres : elle suit le torrent et tente de manœuvrer pour se maintenir dans le courant. On pourrait nous révéler qu'elle est un agent de la CIA planté au sein du parti démocratec que nous n'y trouverions certainement rien à redire.

 

Mis en ligne le 9 avril 2021 à 20H30