RapSit-USA2021 : Des “Satan’s godasses” aux Aztèques

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RapSit-USA2021 : Des “Satan’s godasses” aux Aztèques

L’un des très grands chics aux USA se passe aujourd’hui, où l’esprit révolutionnaire du wokenisme, non content de consciencieusement néantiser le passé, trouve un nouveau terrain de jeu aux dimensions séduisante avec le satanisme passé au rang du capitalisme élitiste-wokeniste. Il s’agit de la vente, lancé par la société MSCHF (dites ‘Mischief’), au curriculum et aux objectifs commerciaux mystérieux sinon ésotériques, d’une inédite paire de chaussures dite, selon l’humeur, “sneakers-Satan” ou “chaussures de Satan”, ou encore si l’oin est d’humeur heureuse, “Satan’s godasses” ; elles valent certes $1 018 la paire mais ne sont fabriquées qu’à 666 exemplaires (on aura reconnu la taille des petits petons de la Bête), et numérotées de surcroît, c’est-à-dire immortalisés ; la vente de la chose commence aujourd’hui, sur internet, avec l’aide promotionnelle et active, intéressée certes, du rappeur Lil Nas X...

Le journaliste Serbo-Américain Nebojsa Malic nous explique de quoi il s’agit, ce qui n’est pas inutile ; dans son article sur RT.com le 27 mars 2021, avec son titre, à peu près : « D’abord on a eu l’invocation du dieu de la guerre Aztèque, maintenant ce sont les ‘sneakers-Satan’ avec du SANG GUMAIN, – Eh l’Amérique, tout va bien chez toi ? »
 

« Pour la modique somme de $1 018 dollars, quelque 666 Américains “chanceux” pourront acheter le 29 mars des “Satan shoes”, une modification sur le thème du diable des baskets Air Max 1997 de Nike. La bulle d’air à l’intérieur sera remplie d‘encre rouge et d’“une goutte de sang humain”, selon un tweet promotionnel devenu viral vendredi.
» Le prix fait référence au verset biblique inscrit sur la chaussure : “J’ai vu Satan tomber du ciel comme un éclair”, tiré de Luc 10:18. Ces baskets personnalisées sont apparemment le fruit d’une collaboration entre la société MSCHF (Mischief) et le rappeur Lil Nas X.
» Dans ce qui doit être une coïncidence remarquable, le rappeur vient de sortir une vidéo dans laquelle il rappe selon la précision qu’il “chevauche un poteau de strip-teaseuse en enfer et offre au Diable une danse-contact”. »
 

Il y a déjà beaucoup à dire mais Malic ne s’en tient pas là. Il relie à cette idée singulière et pleine d’audace des 666 paires de “Satan’s godasses” à $1 083 la paire, une autre initiative, d’une autorité constituée celle-là, directement dans le cadre du wokenisme et de sa campagne pour redresser l’histoire et le passé selon les normes bien plus convenables du présent .

Il s’agit de la Californie et son fameux penchant ‘racisé’, de gauche extrêmement wokeniste, et ainsi de suite, et enfin de son hostilité marquée à la pratique du christianisme, pour ne pas parler de la croyance, et par contre d’une recommandation nouvelle qui serait de pratiquer le culte favori des Aztèques, et rattraper ainsi le sort terrible qui leur fut infligé.
 

« Les “chaussures de Satan” ont été annoncées juste une semaine après que la Californie ait, sous les louanges [roucoulants des grands de la presseSystème], adopté leur “programme ethnique”. La [susdite presseSystème] nous a expliqué que le programme visait à mettre fin à la haine et au racisme. CNN en a fait un éloge dithyrambique. Après tout, la Californie est l’État qui lève la torche de la sagesse pour éclairer le chemin du Progrès pour le reste de l’Amérique, ou un truc dans ce genre-là.
» Comme on dit bien à propos dans ce cas, le diable se cache dans les détails. Ainsi, le fait de faire invoquer aux enfants de l’école primaire des dieux aztèques pour acquérir le pouvoir de devenir “guerriers” de la justice sociale. Parmi eux se trouve l’“esprit révolutionnaire” Huitzilopochtli, la divinité de la guerre et du soleil, – et le bénéficiaire de milliers de sacrifices humains.
» Les récits modernes [wokenistes] décrivent les Aztèques comme des “personnes de couleur” opprimées qui ont été victimes d’“oppresseurs blancs” sous la forme de conquistadors espagnols. Ils écartent les ‘détails’ gênants et déplacés tels que le fait que les Aztèques ont massacré d’autres peuples méso-américains pour construire des tours avec les cranes comme matériaux faisant office de briques.
» Les États-Unis, un pays qui a jadis militarisé le christianisme pour mener la guerre froide contre le “communisme impie”, semblent aujourd’hui se délecter de son humiliation rituelle. Ce n’est pas que les Américains soient moins religieux, comme le suggèrent les sondages, mais moins chrétiens, – l’ancienne religion étant apparemment remplacée par la politique, le travail et tout ce que le culte de Huitzilopochtli est censé appeler. »
 

L’un des premiers actes de Biden a été de liquider la commission établie par Trump pour développer le ‘Project 1776’ (réaffirmant le fondement des États-Unis sur les “valeurs” des Pères Fondateurs émises dans la Déclaration d’Indépendance de Thomas Jefferson du 4 juillet 1776). Trump entendait ainsi s’opposer radicalement au ‘Project 1619’ (date d’arrivée des premiers esclaves noirs en Amérique), document révisionniste du New York Times, qui prétend démontrer que les USA sont entièrement construits sur le racisme, ce qui justifie toutes les théorisations, le racialisme, l’obsession antiraciste, etc. En fait, Biden a institué la CRT (‘Critical Race Theory’), avec sa vision de l’“équité” exigeant la repentance, les réparations, le favoritisme à tous égards des non-Blancs, comme priorité absolue de son administration.

Malic constate à propos de cette querelle de thèses : « La vision trumpiste de l’histoire américaine n’est pas sans problèmes, – comme je l'ai constaté moi-même, – mais aucun pays ne peut survivre longtemps lorsqu’il est dirigé par des gens qui le détestent. » Ces “gens qui détestent” les USA et entendent réviser son histoire sont fondamentalement les créateurs et partisans du ‘Project 1619’. Il est à noter que les trotskistes de WSWS.org ont attaqué avec violence le ‘Project 1619’, pour des raisons différentes (des raisons trotskistes) de celles de l’hostilité de Malic, mais avec une force et un luxe de détails et un relevé de toutes les tromperies historiques et intellectuelles qui rendent cette critique intéressante. (Une longue série d’article du site WSWS.org est consacré à cette critique, dont celui de David North.)

Malic revient sur l’affaire des “Satan’s godasses” fabriquées en une série numérotée limitée aux instructions chiffrées de la Bête pour mettre en évidence le caractère à la fois commercial et nihiliste de l’entreprise, résumé parfaitement par ailleurs par le qualificatif de “sataniste” qui intègre parfaitement les divers aspects évoqués ici dans la signification symbolique que l’on en a. Malic est effectivement “attristé” devant cet océan d’inversion se déversant dans un abîme de bêtise dans le chef de ceux qui lancent de pareilles entreprises (et prennent des décisions comme celles du culte des Aztèques), sans préjuger selon notre appréciation dans quelle mesure ils alimentent effectivement une dynamique déconstructionniste qui peut aisément se définir à son tour par le terme de satanisme...
 

« Le plus triste dans cette affaire de "chaussures de Satan", c'est qu'elle ne semble pas être délibérément politique ou religieuse, mais simplement une opération financière nihiliste qui s’inscrit parfaitement dans l’air du temps. Il s’agit sans aucun doute d’une promotion croisée avec le nouveau single de Lil Nas X, mais l’entreprise à l’origine de cette opération a également fabriqué des “Jesus shoes” auparavant, – une série limitée de chaussures Air Max blanches ’97 a été remplie d’eau bénite, – en tant que septième série personnalisée. La série “Satan shoes” est la 43ème.
» Un profil de l’entreprise publié en janvier 2020 dans Business Insider révèle que MSCHF est basée dans le quartier de Williamsburg à Brooklyn, New York, – la capitale américaine du hipster, – et se spécialise dans les produits aléatoires à tirage limité qui défient toute définition.
» “Notre position est que tout est drôle d’un point de vue nihiliste”, aurait déclaré Gabriel Whaley, fondateur et PDG de MSCHF. “Nous ne sommes pas là pour rendre le monde meilleur. Nous prenons à la légère le fait que n’importe quoi peut être fait”.
» À cet égard, la MSCHF peut se féliciter : mission accomplie. Quant au reste du monde, j’espère qu’il regarde, – et apprend. »
 

Nous doutons grandement que, si “le reste du monde” (ou une partie) regarde, il voit quoi que ce soit pour autant (nous parlons pour le bloc-BAO). Quant à “apprendre” ! Pourtant, le propos du PDG de MSCHF est intéressant, dans le cadre du caractère bouffe du phénomène que nous désignons comme la “tragédie-bouffe” : « Nous ne sommes pas là pour rendre le monde meilleur. Nous prenons à la légère le fait que n’importe quoi peut être fait ».

Bien que se voulant nihiliste, donc sans le moindre sens, ce propos montre au contraire, peut-être par inadvertance, une perception, peut-être inconsciente, complètement parfaite de cette séquence de la Grande Crise : une absence totale de l’apparence de sens considérée objectivement, mettant en lumière combien cette absence de sens rend compte d’une chute vertigineuse dans l’inversion et le chaos... Et cela, par contre, a bel et bien un sens !

Ce n’est pas un hasard non plus si la dernière initiative d’absence de sens de monsieur Waley mêle le sens commercial (pour ce cas également, il y a un sens !) et la référence à la métaphore du satanisme. De ce point de vue, il est assez justifié de rapprocher l’initiative des “Satan’s godasses” de l’encouragement à pratiquer le culte aztèque dont certains aspects conduisent au sacrifices humains en masse. Alors que cet aspect du culte aztèque pouvait avoir un sens et se comprendre dans le cadre de la culture aztèque, elle en est complètement dépourvu (de sens) aujourd’hui et sert à montrer combien les thèses racialistes & Cie se caractérisent effectivement par ce vide-de-sens, sinon celui d’être caractérisé par la métaphore du satanisme et envisager avec la plus grande humanité possible une issue en forme de massacres de masse.

Enfin, et pour poursuivre dans ce sens : la métaphore du satanisme a bel et bien (bis) un sens dans cette séquence ! On voit combien il est difficile, malgré tout le zèle et la créativité des nihilistes et des déconstructeurs, d’échapper à la mise en évidence de l’aspect satanique, donc que les uns et les autres cultivent bien un sens (politique, métahistorique) qui les rend comptables de l’histoire et de la culture qu’ils prétendent effacer (to cancel) comme si l’une et l’autre n’avaient jamais existé que dans le simulacre des accusés-déjà-coupables avant d’être jugés. Pour effacer l’histoire et la culture qui les a précédés, il faut d’abord reconnaître que cette histoire et cette culture ont existé, ce qu’ils nient absolument dans ce que l’une et l’autre peuvent avoir d’ontologique. Ce n’est pas en caviardant les textes de Shakespeare et de Dante qu’on “efface” Shakespeare et Dante, et par conséquent l’entièreté de ce qu’ils ont écrit (y compris les textes caviardés) restent les seuls Shakespeare et Dante possibles : si l’on “cancel”, tout y passe ; c’est tout-Shakespeare et tout-Dante, ou ni-Shakespeare et ni-Dante. Le problème du tabula rasa est que l’on conserve la table, et que cette table reste à jamais marquée de tout ce qu’on a rasé, et par conséquent inutilisable par les nouveaux-venus, en l’occurrence les wokenistes pour ce qui nous concerne.

Tout cela se passe aux USA et fait partie du mouvement de désintégration en cours dans ce pays, et c’est pour cette raison que ce texte figure dans cette rubrique. Mais le reste du monde dans son entièreté est concerné, même s’il regarde sans voir, et même s’il n’apprend rien. Pour notre compte, nous voyons bien que ce qui se passe là-bas est l’aspect opérationnel le plus gigantesque, le plus spectaculaire de la Grande Crise de l’Effondrement du Système, et qu’on y voit ainsi, aussi flamboyant que le 7e de cavalerie chargeant les Indiens, le plus formidable édifice jamais construit, la Tour de Babel de la bêtise humaine montant jusqu’au Ciel pour informer les dieux de l’état des lieux et des esprits.

 

Mis en ligne le 29 mars 2021 à 15H55