RapSit-USA2020 :“Élections-piège-à-fond !”

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RapSit-USA2020 : “Élections-piège-à-fond !”

Élections-piège-à-cons !”, ce fut un des slogans de Mai-68 marquant le refus des contestataires d’entrer dans le processus politique normal. On pourrait employer une variante pour l’élection présidentielle USA2020, tant désormais le “processus politique normal” est lui-même complètement infecté par le virus du chaos ; d’où l’évolution vers « Élections-piège-à-fous ! », on le comprend... (*)

(Ce qui reste stable et plus que jamais d’actualité par contre, c’est l’option du regime change qui est dans tous les esprits et dans toutes les tactiques, voire qui est la substance même des stratégies qui s’affrontent.)

Le piège envisagé ici, – car, au fait, il y aurait bien plusieurs pièges pour que nul n’en réchappe, – n’est pas tant dans les résultats, ou dans le fait de voter, que dans l’enchaînement technique du processus dans le climat de haine et de défiance totales qui existe aujourd’hui aux USA. Il s’agit du rôle des votes par correspondance (par la poste ou par courriel), qui apparaît aujourd’hui d’une importance extrême dans la mesure où la pandémie Covid19 impliquerait pour nombre de votants (c’est la thèse des démocrates) de préférer le vote par correspondance ; dans la mesure où les deux adversaires sont donnés dans de nombreuses hypothèses de résultats, très proches l’un de l’autre ; dans la mesure où les deux camps sont déchaînés dans l’accusation que l’autre veut frauder et fausser les résultats, et qu’il n’est de meilleur moyen de le faire que d’influer sur le vote par correspondance.

Michael Snyder résume cette affaire sous ce titre qui, à vrai dire, n’étonnera personne : « Pourquoi nous sommes confrontés au plus terrible cauchemar électoral de l’histoire moderne américaine, quel que soit celui qui l’emportera ». Au reste, l’affirmation conditionnelle du titre (“quel que soit celui qui l’emportera”) est extrêmement risquée et incertaine, puisqu’il semble notablement incertain, dans ces conditions, de savoir réellement ‘qui l’aura emporté’...

Snyder : « Il semble bien que nous nous dirigeons vers l’élection présidentielle la plus chaotique de l'histoire moderne des États-Unis. Selon certaines estimations, environ 40 % de tous les électeurs américains qui voteront, le feront par correspondance cette année. Cela signifie que des dizaines de millions de votes passeront par le système postal, ce qui pourrait créer toutes sortes de problèmes. Tout d’abord, il faudra beaucoup de temps supplémentaire pour ouvrir ces bulletins et les compter.
» Pour les États qui autorisent le comptage des votes par correspondance à l’avance, cela ne devrait pas trop retarder les résultats finaux, mais dans d’autres États, nous sommes confrontés à la possibilité d’un scénario cauchemardesque. Certains États [ne s’autorisent pas, selon leur législation propre,] à commencer à compter les bulletins de vote avant la fermeture des bureaux de vote le jour du scrutin, et cela inclut des États-clés [où les résultats sont prévus comme les plus incertains] comme le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie... »

Le texte de Snyder rend compte de l’extraordinaire complexité du système électoral US, notamment du fait du croisement souvent contradictoire, parfois antagonistes, des législations propres des États de l’Union et de la législation fédérale. Il n’est pas assuré que la situation soit, à cet égard, tellement plus complexe qu’elle ne l’était, par exemple, en 2016, ou en 2000 (lorsqu’il fallut recompter les votes en Floride pour parvenir à une désignation du vainqueur par la Cour Suprême de Floride), ou en 1980 (lorsqu’avaient lieu les négociations pour la libération des otages de Teheran, avec des interférences secrètes des républicains de Reagan).

Ce qui diffère totalement, c’est le climat politique et social, et surtout et au-dessus de tout l’intense climat psychologique, qui prévalent aujourd’hui aux USA. Ce climat psychologique change radicalement la situation politique et sociale en forçant continuellement à des interprétations de plus en plus radicales et extrêmes, entre deux univers parallèles qui entretiennent un stupéfiant dialogue orwellien (les manifestants effectuent des ‘démonstrations pacifiques’ dans les grandes villes du pays selon une perception, ils pillent et mettent ces grandes villes à feu et à sang selon l’autre perception).

La formidable haine qui s’est développée contre Trump en 2015-2016, et par conséquence évidente la position radicalisée des partisans du courant représenté par Trump (“représenté” vraiment ou en apparence, peu importe, – même si nous opterions pour le deuxième terme), cette extraordinaire extrémité des sentiments constitue un facteur absolument essentiel dans la perspective chaotique et même révolutionnaire qui prévaut aux USA aujourd’hui. Dans ce climat et quasi-exclusivement à cause de lui, toutes les dispositions techniques complexes qu’on s’était toujours arrangé à résoudre ou à contourner deviennent des marquoirs pour les hypothèses les plus extrêmes et les plus radicales.

“Scénario cauchemardesque” en solde

Les dernières indications dans ce sens constituent les fondements de ce qu’on désigne comme “le scénario cauchemardesque” : que Trump apparaissent en tête au soir du 3 novembre, après le vote directement aux urnes, puis qu’il perde cette avance à mesure du dépouillement du vote par correspondance, au profit de Biden passant en tête ; et les deux candidats refusant chacun à leur tour (Biden le 3 novembre, Trump à la fin du décompte du vote par correspondance) le résultat, selon l’argument de la manipulation des votes par l’autre.

Pour les démocrates, ce “scénario cauchemardesque” ne peut évidemment être que le fait de Trump, et de son refus d’accepter la victoire irrésistible et certaine de Biden. Cette hypothèse a été substantivée par une étude statistique, sur laquelle on s’appuie désormais et sans prendre de gants. On s’habitue certes à beaucoup de choses, sinon à tout, et ainsi le caractère extraordinaire de la situation nous échappe-t-il ; car c’est une situation extraordinaire que de voir débattue d’une façon extrêmement officielle, dite et proclamée, la perspective d’un Trump battu par Biden et refusant de quitter la Maison-Blanche. C’est comme si la sédition et la contre-sédition, avec toutes les dispositions extraordinaires et hors de la légalité habituelle, devenaient un sujet courant, la norme même de la réflexion sur l’élection du 3 novembre... C’est comme si l’option du regime change était une option courante, légale, normale, qui-va-de-soi, comme on demande l’heure à un quidam dans la rue : “Quel jour et à quelle heure ira-t-on prendre d’assaut la Maison-Blanche, une fois l’élection truquée-bouclée ?”.

Ici, on donne un extrait d’un texte rapportant une intervention de Bernie Sanders, qui devient la dernière personnalité (démocrate) en date à évoquer la situation de “scénario cauchemardesque”, ou comment virer Trump vite fait. Car, bien entendu, cet exercice est essentiellement du côté démocrate, Trump étant installé à la Maison-Blanche et, selon Bill Clinton, commençant à empiler les sacs de sable pour s’y retrancher comme les Français à Verdun en 1916 (« Ils ne passeront pas »). Dans le monde des démocrates, en effet, il est acquis 1) que Trump sera battu par Biden, 2) qu’il voudra rester à la Maison-Blanche en défiant la démocratie américaniste, 3) qu’il faut donc un plan démocratique pour l’en déloger d’une façon également démocratique.

... Et Sanders, grand “révolutionnaire-socialiste-démocrate” devant l’Éternel, et cocu consentant à chaque présidentielle, devient un des redoutables stratèges démocrates, sous les applaudissements tweetés du chef de la minorité démocrate au Sénat... La farce-bouffe, comme la tragédie du même nom, se poursuit à un très bon rythme alors que Portland, parmi d’autres villes, a fêté samedi soir sa centième nuit de “violences pacifiques” destinées à faire reculer le racisme.

« Le sénateur du Vermont Sanders est le dernier démocrate en date à affirmer, dans une interview pour  Politico, que Trump refusera d’accepter la défaite s’il perd l’élection du 3 novembre.
» “Ce n'est pas une simple spéculation”, a insisté Sanders, citant les commentaires du président lors de la Convention nationale républicaine en août. “Trump a dit...  ‘La seule façon de nous enlever cette élection est de la truquer’.
» “Ce que nous devons faire dans les deux prochains mois, c'est alerter le peuple américain sur ce scénario cauchemardesque afin de le préparer à cette éventualité et de parler de ce que nous ferons si cela se produit”, a averti Sanders. “Il ne s’agit pas seulement d’une ‘crise constitutionnelle’. C’est une menace pour tout ce que ce pays représente.”
» Le leader de la minorité au Sénat, Schumer, a tweeté samedi qu'il était “au côté” Sanders dans son appel pour un plan de changement de régime.
» Au cours de la semaine dernière, des démocrates, dont l'ancien président Bill Clinton et les candidats [battus en 2000 et en 2016] Al Gore et Hillary Clinton, ont affirmé que Trump pourrait gagner sur la base des votes exprimés dans les bureaux de vote, pour ensuite perdre lorsque des millions de votes par correspondance seront comptés au cours des semaines suivantes.
» Trump et d'autres républicains ont affirmé à plusieurs reprises que le fait de permettre à tous les électeurs de voter par correspondance est une recette pour la fraude électorale. Plusieurs États ont proposé cette mesure pour réduire le risque de transmission du virus Covid-19 dans les bureaux de vote.
» Les démocrates ont à leur tour accusé Trump de bloquer les fonds destinés à la poste américaine pour empêcher les bulletins de vote par correspondance d'arriver à temps.
» “Le scénario cauchemardesque est que certains États comme la Pennsylvanie se rendent compte qu’ils n’ont pas les ressources nécessaires pour compter rapidement leurs bulletins de vote par correspondance. Il est alors possible que dans certains États, Trump apparaisse gagnant le soir des élections, et pourtant quand tous les votes seront comptés il sera battu. Il perdra”, a déclaré Sanders à Politico.
» “Mais pendant cet intervalle, il créera le chaos et la confusion en prétendant qu’il y a une fraude massive dans le processus de vote par correspondance”. »

 

Mis en ligne le 6 septembre 2020 à 15H40

 

Note in extremis

(*) Revenu soudainement de sa grasse matinée du week-end, le capitaine-PhG a observé modestement et avec discrétion que le titre de ce RapSit-USA2020 n’était peut-être pas approprié. Il a bougonné surtout, citant la sonorité, soulevant une question de consonance. Effectivement, le ‘fous’ du titre initial « Elections, piège-à-fous ! » ne rime guère avec ‘cons’, n’est-il pas ? Réunion immédiate de la rédaction réduite à l’unité, et décision unanime : remplacer ‘fous’ par 'fond', soit “piège à fond”, ce qui de surcroît l’avantage de doubler le sens (‘piège jusqu’au fond’ et ‘piège à fond la caisse’). Qu’on nous pardonne et bonne semaine.
(Le 7 septembre 2020 à 06H10.)

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