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8485Le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, a fait quelque chose de très inhabituel. Il est intervenu, en quelques mots et phrases très précises, dans les affaires intérieures d’un pays en crise, – et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agit des États-Unis.
Voici d’abord le texte, qui nous vient de Tass, le 14 juin 2020 ; l’on note que Poutine lui-même rappelle qu’il n’a pas l’habitude de s’immiscer dans les affaires intérieures d’un pays étranger (c'est une règle d'or de la diplomatie russe, au nom de la souveraineté nationale), mais il le fait tout de même...
« Les émeutes aux États-Unis montrent que ce pays connaît une profonde crise interne, a déclaré le président russe Vladimir Poutine dans une interview retranscrite sur la page Instagram de “Moscou-Kremlin-Poutine”, de l'animateur de télévision Pavel Zaroubine.
» “Ce qui se passe [aux Etats-Unis] est la manifestation d’une crise interne profonde”, a déclaré Poutine, notant que cette crise avait été observée depuis longtemps, depuis que le président américain Donald Trump a pris ses fonctions. “Il a gagné, et sa victoire était absolument évidente et démocratique [mais] le parti vaincu a inventé toutes sortes d’histoires bidons pour tenter de mettre en question sa légitimité”, a expliqué M. Poutine.
» Le dirigeant russe a fait remarquer qu'il essaie généralement de “commenter avec prudence ou de ne pas commenter du tout ce qui se passe dans d'autres pays”.
» Poutine a également déclaré que le problème clé du système politique américain est le fait que les partis placent leurs intérêts au-dessus de ceux des gens. “Il me semble que, dans ce cas, les intérêts des partis et des groupes sont placés au-dessus des intérêts de la société entière et des intérêts des gens”... »
... “Mais il le fait tout de même”, écrivions-nous plus haut. Poutine constate qu’il n’a pas l’habitude d’intervenir dans les affaires intérieures, selon la règle d’or de la Russie, mais s’il le fait tout de même, comme c’est le cas, alors le message est clair : “L’affaire est bien assez importante, la crise bien assez grave, pour que je me permette de transgresser cette règle d’or et dise tout haut ce que bien peu ose dire”. Bien sûr, c’est nous qui extrapolons sur le dernier membre de la phrase, mais il nous importe de remarquer que Poutine est bien le seul dirigeant mondial à avoir pris la véritable mesure de la crise de américanisme et avoir dit tout haut que cette crise de l’américanisme est absolument énorme et catastrophique, et que si elle va à son terme le monde entier en sera secoué et le système actuel, – le Système, certes, – en sera frappé à mort.
(Nous disons volontiers que ce n’est pas pour nous déplaire et peut-être est-ce le cas pour Poutine également. En attendant, l’effondrement, le chaos s’ensuivant, la nécessité de trouver de nouveaux arrangements et de créer de nouvelles structures résultant d'une telle catastrophe, seront un processus extrêmement pénible, terrible, dangereux, qui va tous nous faire souffrir.)
Un autre signe de l’urgence qui habite Poutine, c’est qu’il ne cherche même pas à adoucir ses accusations et ses constats. Il ne dissimule pas qu’il juge le parti démocrate et ses humeurs hystériques autour de lui, responsables de la mise en pièce de la légitimité, donc de la débilitation du pouvoir à Washington D.C. Tout se passe comme si, désormais, il se fichait bien de toutes les attaques de mouches du coche hallucinées et stipendiées, des simulacres de services de renseignement complètement incompétents et inexistants, concernant son intervention dans le processus électoral (Russiagate et tout le toutim). Cette fois, il intervient, et peu lui chaut ce qu’on pourrait en dire, – et l'on peut être assuré que l'on en dira beaucoup, dans le genre halluciné, –simplement parce que l'affaire est trop grave.
Par ailleurs, il nous semble qu’il y au moins deux points précis qui interviennent pour pousser Poutine à sortir du bois, outre l’importance intrinsèque de la crise :
• Faire savoir aux généraux du Pentagone que la Russie suit de près la situation intérieure américaniste, qu’elle est donc prête à tout. Les Russes ont certainement observé avec la plus grande inquiétude certaines manifestations de quasi-insubordination du pouvoir militaire vis-à-vis du président. Poutine demande ainsi aux généraux US que, quoi qu’ils fassent, ils restent conscients des relations stratégiques des USA avec la Russie, de la puissance russe, de l'enjeu d'une guerre nucléaire, et que cette responsabilité doit être dans l’esprit de tous.
• Les Russes n’ont pas été sans remarquer diverses prises de position de Trump (suivies ou pas d’effets, c’est une autre affaire, un autre débat, qui n’enlève rien à l’affichage de communication des choses dites) ; notamment, le retrait d’un contingent de soldats US d’Allemagne, la bonne volonté affirmée des USA de signer un nouveau traité sur les armes stratégiques nucléaires, une déclaration de Trump selon laquelle les USA doivent cesser leurs guerres lointaines et leur rôle de gendarme... Peu importe, encore une fois, ce qu’il en sera, l’essentiel est de soutenir cette bonne volonté, en calculant d’ailleurs que si Trump reste au pouvoir en ayant eu contre lui l’essentiel du DeepState, peut-être comprendra-t-il que le meilleur moyen de s’en sortir est de rompre toutes les attitudes convenues (on dit “casser les codes” dans les salons) et lancer une politique extérieure de désengagement radicalement nouvelle et révolutionnaire.
Mis en ligne le 13 juin 2020 à 15H58
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